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 Jules Barbey d’Aurevilly (1808-1889) Le Cid

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MessageSujet: Jules Barbey d’Aurevilly (1808-1889) Le Cid   Jules Barbey d’Aurevilly (1808-1889) Le Cid Icon_minitimeMar 23 Aoû - 19:42

Le Cid

Un soir, dans la Sierra, passait Campéador ;
Sur sa cuirasse d’or le soleil mirait l’or
Des derniers flamboiements d’une soirée ardente
Et semblait du héros la splendeur flamboyante !
Il n’était qu’or partout, du cimier aux talons ;
L’or des cuissards froissait l’or des caparaçons ;
Des rubis grenadins faisaient feu sur son casque.
Mais ses yeux en faisaient plus encor sous son masque...
Superbe, et de loisir, il allait sans pareil,
Et n’ayant rien à battre, il battait le soleil !

Et les pâtres perchés aux rampes des montagnes,
Se le montraient flambant, au loin dans les campagnes,
Comme une tour de feu, ce grand cavalier d’or,
Et disaient : « C’est saint Jacque ou bien Campéador, »
Confondant tous les deux dans une même gloire,
L’un pour mieux l’admirer, l’autre pour mieux y croire.
Or, comme il passait là, magnifique et puissant,
Et calme, et grave, et lent, le radieux passant
Entendit dans le creux d’un ravin solitaire,
Une voix qui semblait, triste, sortir de terre !
Et c’était, étendu sur le sol, un lépreux,
Une immondice humaine, un monstre, un être affreux,
Les deux pieds du cheval, se dressant en arrière,
Dont l’aspect fit lever tout droit dans la poussière,
S’ils touchaient à cet être, en resteraient souillés
Comme s’il eût compris que les fers de ses pieds,
Cependant le héros, dans sa splendeur d’archange,
Et qu’il ne pourrait plus en essuyer la fange ;
Inclinant son panache éclatant, aperçut
Le hideux malandrin, sale et vil, le rebut
Du haut de son cheval cabré, comme d’un trône,
Du monde, — il lui tendit noblement son aumône,
Qui la lui demandait au nom de Jésus-Christ !
A ce lépreux impur, contagieux maudit,
C’est alors qu’on put voir une chose touchante :
Allongeant vers le Cid sa main pulvérulente,
Le lépreux accroupi se mit sur ses genoux,
Surpris — le repoussé — de voir un homme doux
Ne pas montrer l’horreur qu’inspirait sa présence
Et touché dans le coeur de voir cette pitié,
Et ne pas l’écarter du bois dur de sa lance ;
Dans un de ces élans plus forts que la nature,
Il osa, lui, le vil, l’affreux, l’humilié,
Au gantelet d’acier coller sa bouche impure.

Le malheureux savait qu’il pouvait appuyer,
Sans lui donner son mal, sur le brillant acier,
Le mouiller de sa lèvre, y traîner son haleine.
Lui qui n’avait jamais baisé de main humaine
Et qui donnait la mort d’un seul attouchement,
Vautra son front dartreux sur l’acier de ce gant,
Et le Cid le laissa très tranquillement faire,
Sans dédain, sans dégoût, sans haine, sans colère ;
Immobile, il restait le grand Campéador !
Que pouvait-il penser sous le grillage d’or
De son casque en rubis, quand il vit cette audace ?
Quel sentiment passa sous l’or de sa cuirasse ?..
Mais il fixa longtemps le lépreux, — puis, soudain,
Il arracha son gant et lui donna la main.




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