N'opposez à ce qui se passe
Ni vos néants, ni vos grandeurs.
Laissez en paix les profondeurs.
L'ombre travaille dans l'espace.
Que fait-elle ? Vous le saurez.
Derrière l'horizon, la nue
Monte, et l'on entend la venue
D'événements démesurés.
L'humanité marche et s'éclaire ;
Le progrès est l'immense aimant ;
À ce qui vient tranquillement
N'ajoutez pas de la colère.
N'irritez pas le peuple obscur.
Aveugles rois, tourbe inquiète,
Ne soyez pas l'enfant qui jette
Des pierres par-dessus le mur.
Dieu, sous les faits, qui sont ses voiles,
Continue un dessein béni.
Montrer le poing à l'infini,
Cela ne fait rien aux étoiles.
Dieu ne s'interrompt pas pour vous.
Ce qu'il fait, il faut qu'il le fasse.
Son travail, rude à la surface,
Dur pour vous, pour le peuple est doux.
Rois, respect au progrès sublime ;
Rois, craignez ces reflux grondants ;
Ne faites pas, rois imprudents,
Perdre patience à l'abîme.
Sait-on ses courroux, ses sanglots,
Ses chocs, son but, ses lois, ses formes ?
Connaît-on les ordres énormes
Que le tonnerre donne aux flots ?
Ne vous mêlez pas de ces choses.
Votre vain souffle aérien
Agite l'eau, mais ne peut rien
Sur l'immobilité des causes.
Hélas ! tâchez de bien finir.
Redoutez l'onde soulevée,
Et ne troublez pas l'arrivée
Formidable de l'avenir.
Ah ! prenez garde ! les marées
Qu'on nomme révolutions
Et qu'il faut que nous apaisions,
Par vous, princes, sont effarées,
Et les gouffres sont plus amers,
Et la vague est plus écumante,
Quand l'orage insensé tourmente
La sombre liberté des mers.