PLUME DE POÉSIES
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 Joseph Autran (1813-1877) Roncevaux.III

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Joseph Autran (1813-1877) Roncevaux.III Empty
MessageSujet: Joseph Autran (1813-1877) Roncevaux.III   Joseph Autran (1813-1877) Roncevaux.III Icon_minitimeDim 8 Jan - 19:10

III

Or, à ce même instant, trahi par la fortune,
Dans ce défilé sombre où se levait la lune.
Roland se débattait. Les monts, les pics voisins
Avaient jeté sur lui cent mille Sarrasins.
Las de souffler en vain dans l’oliphant d’ivoire,
Il ne combattait plus que pour sauver sa gloire,
Et, d’un tronçon d’épée usé plus qu’à demi,
Il repoussait encor le choc de l’ennemi.
Autour de lui gisaient, comme une herbe fauchée,
Margariz de Sibille, à la lame ébréchée;
L’émir de Balaguer, qui, si fier et si beau,
Restera sur le sol en pâture au corbeau;
Agoub, qui dans son coeur ulcéré de malice
Mit la fraude au-dessus de tout l’or de Galice,
Et qui, dans un couteau richement emmanché,
N’estimait que le sang dont le fer est taché;
Turgis, qui possédait sous les murs de Grenade
Un palais arrondi, ceint d’une colonnade.

Et qui, dans ses jardins, cachait tout un sérail
De filles de la Perse aux lèvres de corail;
Corsablix, dont la voix fut celle de l’hyène;
Esturgantz, Falsaron, l’aumacour de Maurienne,
Et mille autres encor, dont les noms confondus
Dans l’éternel oubli sont à jamais perdus.

Après eux vient Abym, chef sauvage; il endosse
La peau de loup, présent d’un roi de Cappadoce;
Il porte un large écu, dont le disque reluit
Comme un astre sinistre au milieu de la nuit.
Ce bouclier d’or faux, tenu par une agrafe,
Il le reçut un jour de l’amiral Galafe,
Qui, lui-même payant au diable son tribut,
L’avait, au Val-Métas, reçu de Belzébuth.
TeI est ce mécréant que pas un n’intimide.
Il arrive, penché sur son cheval numide,
Et, de la tête aux pieds aussi noir que la poix,
Il se rit de la Vierge, il se rit de la croix.

L’archevêque Turpin le désigne du geste
A Roland, et lui dit: « Chevalier, s’il te reste
Une vigueur au bras, frappe-moi ce bandit!
Il n’est pas en enfer de damné plus maudit!»

A ces mots, le baron, dont le poing se resserre.
Assène un coup si fort sur son rude adversaire
Que le tranchant du fer pourfend jusqu’à l’arçon
Et la cuirasse, et l’homme, et le caparaçon,
Et que le même coup vient frapper la monture
Dont il tranche le dos, sans chercher la jointure:
Et l’exploit est si beau que Turpin, satisfait,
Dit: « Pour un hérétique, il a reçu son fait!»
Alors, comme la grêle au plus fort de l’orage,
Les païens rassemblés poussent des cris de rage,
Et, sortant tout à coup des ravins, des halliers,
Sur le dernier des preux s’abattent par milliers.
Là sont ces combattants nés d’une souche impie,
Fils de la Bactriane et de l’Éthiopie.
Soldats et cavaliers, souples, nerveux, ardents,
Faces noires qui n’ont rien de blanc que les dents.
Zurfalou devant lui pousse leur foule atroce,
Zurfalou, fils du roi qui règne à Saragosse,
Et qui, pour la bataille, aux suprêmes instants,
Convoque du désert les derniers habitants.
Comme un reptile impur qui, redressé dans l’herbe,
Marcherait presque droit contre un lion superbe:
« Rends-toi, dit le barbare au héros confondu,
A quoi bon résister? Ganelon t’a vendu!

C’est lui qui nous apprit, par un furtif message,
Et le nombre des tiens et l’heure du passage;
C’est lui qui t’a livré, te dis-je, et Lucifer
Ne te tirerait pas de ce cercle de fer.
Ah! vous parlez d’honneur et de chevalerie!
Ah! vous jetez l’insulte à notre harbarie!
Vous vous dites les Francs, les barons, les chrétiens,
Et voilà cependant ce qu’a fait un des tiens!
- Tu mens, répond Roland; tiens, sois par cette lance
Puni de ton mensonge et de ton insolence!
Tiens, tiens!. . .» Mais à l’instant où le preux sans rival
Parle ainsi, la mêlée entoure son cheval:
Tous deux, criblés de coups, sont jetés sur l’arène;
L’animal se débat et sur le flanc se traîne,
Près du cher cavalier, tombant, se relevant.
Et son âme, à la fin, s’exhale dans le vent.
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Joseph Autran (1813-1877) Roncevaux.III
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