PLUME DE POÉSIES
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 Jean Auvray(1590-1633) LE VOYAGE DE VARADES

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MessageSujet: Jean Auvray(1590-1633) LE VOYAGE DE VARADES   Jean Auvray(1590-1633) LE VOYAGE DE VARADES Icon_minitimeDim 8 Jan - 23:01

LE VOYAGE DE VARADES

À peine le soleil doroit l' herbeuse croupe,
Des costaux angevins, qu' une gaillarde troupe
De rustiques pasteurs d' un gay musicien,
D' un folastre marchand, et d' un pharmacien
L' on void dans Ancenis se donner des ambades
Pour aller voir Michau le berger de Varades,
Qui leur avoit promis un solemnel festin,
Et de remplir souvent leurs gondoles de vin:
Michau le biberon, qui plus de vin avale
Que des monts Appennins de neige ne devale,
Dont le gozier ressemble un Vessuve embrazé
Qui devint plus ardant plus il est arrouzé.
Or chacun d' eux avoit le ventre si tres-linge
Qu' un basteleur pouvoit y faire avec son singe
Maint tour de passe-passe, et ne souperent point
Pour mieux se cotonner le moule du pourpoinct.
En fin drolles aux champs, les moustaches dressées,
Les cousteaux affilez, et les dents aiguisées


L' un piquant en latin en pedan chevauchoit,
L' autre aux flancs du cheval de ses talons touchoit,
L' un tenoit a deux mains le pommeau de la selle,
L' autre pour estrié n' avoit qu' une ficelle,
L' un en marchand de porcs attachoit d' un bouton
Son vieux manteau pelé par dessous le menton,
Puis tastant sa jument d' esperons sans mollette
La faisoit en trottant servir d' escarpoulette,
Branslant deçà delà, si qu' on l' eut pris ainsi
Pour un boucher qui vient du marché de Poissy.
Pierrot le rubicond, trop carré du derriere,
Grimpant sur son bidet rompit son estriviere:
Sainct Gerion n' avoit croupiere ny poitral,
Le berger de Liray gourmetta son cheval
D' un vieux lacet de cuir, et celuy dont l' on vante
La houlette valoit mille livres de rente,
Courbé sur les arçons, tenoit tousjours aux crins
Sa quevale ombrageuse, et troussant sur ses reins
Sa longue souquenie, en ce brave équipage
Ce rustre avoit de l' air d' un prescheur de village:
Sur tout faisoit bon voir tout charbonné qu' il est
Le docte charbonneau, aussi dit-on que c' est
Un second Isocrate, un Demosthene avecques,
Et qu' il ne pette rien que des sentences grecques:
Pour le chantre quinteux qu' on nommoit Petit-Pas,
C' estoit un bon falot, rebondy gros et gras,
Qui beuvoit au matin pour charmer la brouée
Et qui n' avoit jamais l' esguillette noüée,


Quand au marchand l' on dit que c' estoit un asnier
Qui jamais n' affourcha qu' un roussin de meusnier:
Mais nostre apotiquaire en valoit plus de douze,
Aussi les escoliers du basacle, a Toulouze
Le dresserent jadis c' est-là que ce paillard
Voyant l' accouplement de maint asne coüillard,
Dedans sa chambre noire à l' instar baudoüine
En asne débasté sa follastre Francine.
Les voyla donc partis tous assez mal bottez,
Et montez la pluspart sur chevaux empruntez
Hormis le foüille-cu, qui brusque personnage
Chevauchoit d' un amy la monture a loüage,
Aussi ce glorieux, ainsi qu' ils galopoient
Et qu' encor de Juigny la montagne ils grimpoient,
Voulant à son cheval donner une carriere
Répandit l' hypocras dedans sa fauconniere,
Signe presagieux de leur gauche destin,
Et qu' au pere Bacchus ils n' avoient ce matin
Pour le rendre a leurs voeux tutelaire et propice
Suffisamment offert le vineux sacrifice.
Toutesfois consolez du banquet somptueux
Se donnoient en chemin mille brocards joyeux,
Et chacun à l' envy disoit le mot pour rire.
J' à l' un la douce odeur des potages respire,
J' à l' autre savouroit d' un esprit arresté
La friande vapeur d' un excellent pasté,
L' un s' attend aux ragouts, l' autre aspire aux salades
L' un aux langues de boeuf, et l' autre aux carbonnades,


L' autre moins carnacier pour trouver le vin bon,
Mettoit jà (luy sembloit) par tranches un jambon.
Qui a veu quelquesfois les chiens d' une cuisine
Les barbes se lecher allonger leur eschine
Et monstrer en baillant leurs dentiers furieux
Quand des contre-hastiers le son melodieux
Et les exhalaisons des grasses lichefrites
Endorment ces mastins à l' ombre des marmites,
Il a veu nos bergers qui s' entre-consolant
Croyoient que tous les vents qu' ils humoient en allant
Feussent pigeons rostis, comme aux champs d' Idumée
Sembloit jadis la manne à l' hebraïque armée.
Or comme les nochers pour surgir à bon-port
Prennent tousjours hauteur à l' estoile du nord,
Aussi prenoit tousjours ceste jeune brigade
Pour estoille du nord le clocher de Varade,
Tant qu' en fin elle arrive, ou le peuple transi
De frayeur s' escria: Michau sortez d' icy
Une troupe voyla d' estrangers effroyables
(qui ne sont pas encor si noirs comme ils sont diables)
Qui te veulent ronger aujourd' huy jusqu' aux os,
De leurs grands ventres plats et creux comme sabots
Sort un bruit esclattant comme un son de cymballes,
Ils ont l' estomach fait comme un jeu de regalles,
La bouche en four à ban, le nez à pont-levis,
Mentons à cul de lampe, et machoires à vis,
Leur peau mince ressemble au papier des lanternes
Que l' on pend à Paris aux portes des tavernes


Et chez les patissiers, où l' on void à travers
Tourner incessamment mille pourtraicts divers.
De leurs gosiers beants comme seches goutieres
Sortent deux rangs confus de longues fourche-fieres,
Ils ont l' oeil cave et grand dans l' orbite enfoncé,
Le front aride et sec en parchemin poncé,
L' oreille en chien terrier, transparentes les tempes,
Comme un chenet fourby de fin sablon d' estampes,
Fuy donc pauvre Michaud si eschapper tu veux
Les fameliques dents de ces monstres affreux.
À ces mots le berger abandonna houllette,
Son chien, sa pennetiere, et sa garce Collette,
Collette ses amours, sa colombe sans fiel,
Collette dont les yeux font la cire et le miel,
Tendron de soixante ans, blanche comme la suye,
Blonde comme le cu d' un poislon à boüillie,
Medaille de bordeau, de qui le dos bossé
Semble un tombeau tout frais de quelque trespassé,
Collette qui a plus escorché de Priapes
Qu' un pressoir en dix ans n' a escrazé de grappes,
Pucelle comme un tronc où chacun met dedans,
Tein de maigre bizet, les yeux clairs et ardans
Comme le cu d' un bougre, et la chair ferme et dure
Comme un papier qui boit l' encre d' une escriture,
Collette dont l' haleine est un parfum extraict
Des arromats croissants sur l' anneau d' un retraict,
Aux coüilles d' un bellier ressemblent ses mamelles,
Sa bouche est de travers, et ses lévres jumelles


Semble au cropion d' un coq-dinde plumé,
Son rouge-nez sembloit un tizon allumé
Vermoullu par le bout d' un reste de verolle,
De sa narine ouverte une visqueuse colle
Salement descendoit, comme on voit ces glaçons
Qui pendent en hyver aux égouts des maisons,
Ses doigts crochus sembloient aux griffes des harpies,
Ses ongles longs et durs comme fers de toupies
Estoient tous rebouchés a force de gratter
Son cu qui ne fait plus que vessir et peter,
Sur ses ongles gisoient les sanglantes charongnes
Des poux qu' elle avoit pris aux plis des castelongnes
Et dont elle avoit mis les tripes au soleil,
Car la bonne Collette au visage vermeil
N' avoit jamais lavé ses mains que dans sa souppe,
Du col escroüelleux luy pendoit une louppe,
Et de son gozier sec les descharnés vaisseaux
Sembloient un peloton de groüillants vermisseaux,
Ses gris et gras cheveux tondus chasque semaine
Luy sortoient par les trous d' un vieux bonnet de laine
De sa juppe le haut estoit d' un vieux coutil
Jadis entrelassé de cordes et de fil,
Le devant du corset fut d' une serpilliere,
D' un tapis de Turquie estoit fait le derriere
Où se voyoient encor Holoferne et Judith,
Le tout rapetassé plus que la nef qu' on dit
Avoir des doctes grecs épuisé la logique,
La peau d' un cormoran sur sa poictrine ethique


La tenoit en chaleur, et ses pieds crevassez
Enveloppez de paille en deux sabbots percez
Rendoient odeur semblable aux formages de Brie,
Pres d' un feu de coipeaux la viollette accroupie
De l' estouppe filloit, de qui les haridons
À sa bave collez, ressembloient ces chardons
Qui sont montez en graine, ou la gueulle emplumée
D' un chat qui a trouvé l' attrappe non fermée.
En ce splendide estat Collette appercevant
Entrer nos conviés veut aller au devant,
Se leve fait un pet, et toute équarquillée,
(bien veignant d' un souplet la brigade esveillée)
Leur fait ceste harangue: où allés vous ainsi
Mes frelants, mes gaillards, mes enfans sans soucy,
Auroit bien Cupidon en sa vive sagette
Navré vos jeunes coeurs pour l' amour de Collette?
Ne fus-je pas jadis la Venus de ces bois?
Voire qui fourbiroit encor ce vieux harnois
Il rendroit du service, et ne faut pas (mes drolles)
Si le tripot est vieil tirer moins de bricolles,
Une enclume ne fait que s' endurcir aux coups,
Tousjours vieille jument n' est à jetter aux loups,
Souvent un vieux creuset resiste au feu de fonte,
Et si au jeu d' aymer je n' ay la fesse prompte
L' eschine remuante, et que plus je ne peux
Faire quitter l' arçon à ces rables nerveux,
Pour le moins sçay-je encor tant de vieilles rubriques
Tant de vieux tours de reins, et d' appas impudiques


Que j' en mettrois en rut les hermites reclus.
Nos rustres à ces mots demeurerent perclus,
Leurs avides boyaux retroissis par famine
N' entendoient point alors aux esbats de Cyprine,
Et comme eussent-ils peu aymer ceste Alecton?
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Jean Auvray(1590-1633) LE VOYAGE DE VARADES
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