PLUME DE POÉSIES
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 Jean Auvray(1590-1633) AMOUREUSE POURSUITE

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MessageSujet: Jean Auvray(1590-1633) AMOUREUSE POURSUITE   Jean Auvray(1590-1633) AMOUREUSE POURSUITE Icon_minitimeVen 13 Jan - 18:17

AMOUREUSE POURSUITE



Amoureuse poursuite, ou la chasteté victorieuse.
Le Courtisan
Madame, s' il est vray semblable
Ce que nous raconte la fable
D' un Acteon en cerf changé,
Et par ses propres chiens mangé
Pour avoir veu sous forme humaine
Diane nuë en la fontaine,
Qui par ses nymphes se faisoit
Laver son beau corps qui luysoit
Comme la nuict sa flamme blonde
Reluit sur le cristal de l' onde:
S' il est encor vray qu' Ixion
Emporté de presomption
Embrassant la fuyarde nuë
Au lieu de Junon toute nuë,
Est dans les enfers tourmenté
Pour punir sa temerité:
S' il est vray que l' enfant de Mirrhe
Se fit cruellement occire
De la dent d' un sanglier fumeux,
Pour avoir esté l' amoureux


De la déesse Citherée,
Et l' avoir par fois carressée
Dans les vergers idaliens,
En Miscale au champs gnidiens,
En Paphos, en Cypre, en Erice,
Séjours d' agreable delice,
Où ceste mignarde tousjours
Cueilloit le fruict de ses amours.
Il faut, deesse, que j' advouë
Qu' il n' y a supplice, ny rouë,
Sanglier, ny dogue furieux
Pour cét amant audacieux
Punir à l' égal de sa faute,
Qui d' une entreprise trop haute
Oze aborder vostre beauté
Qui tient de la divinité,
Beauté que le ciel n' a creée
Que pour estre au monde adorée,
Et qui peut d' un clin de ses yeux
Charmer le coeur de tous les dieux.
Mais si ces fables mensongeres
Sont pour les cervelles legeres,
Et si c' est honneur à l' amant
D' asseoir ses pensers hautement:
J' oze esperer mille trophées,
Mille couronnes estophées,
Et mille lauriers immortels,
D' avoir approché les autels


D' une divinité si grande,
Et de vous donner pour offrande
En holocauste nuict et jour
Mon coeur tout enflamé d' amour.
Aussi plus la chose est parfaicte
Et plus nostre ame la souhaitte,
La beauté cause le desir,
Le desir aspire au plaisir,
Et le plaisir l' amour augmente,
Ostez le beau, l' amour s' absente,
Car ensemble l' on voit tousjour,
Beauté, desir, plaisir, amour.
Il est vray que ces ames basses,
Le rebut des dernieres classes
Que le jeune enfant de Cypris
D' un beau feu n' a jamais espris,
Se contentent d' aymer (coüardes)
Ces passables beautez, hagardes,
Maussades, fieres, dont le coeur
N' est plein que de fielleuse aigreur:
Mais l' ame qui est bien assise
N' astreint qu' en bon lieu sa franchise
Elle n' a point de passion
Sinon pour la perfection,
Et si la cire de ses aisles
Se fond aux vives estincelles
D' une rare et grande beauté,
Benissant sa temerité,


Elle fait sa gloire et son lucre
D' un si honorable sepulchre,
Bien heureuse de s' abismer
En si grande et fameuse mer.
Ne vous estonnez donc madame,
Si la vive et charneuse flame
Qui sort de vos yeux mes soleils
M' embrazant de feux nompareils
Je cerche au mal qui me possede
En vous mon unique remede,
Et si au fort de mes douleurs
J' implore vos rares faveurs.

La Dame
Monsieur ces facondes merveilles
Dont vous repaissez mes oreilles
Ne me touchent point jusqu' au coeur,
Je croy que d' un stile mocqueur
Passant de l' honneur la barriere
Vostre esprit se donne carriere,
Et que toutes ces passions
Ces beautez ces perfections,
Ces feux, cét amour, ce martire
Sont fragments de vostre bien dire,
Et l' ornement de vos discours.

Le Courtisan
Helas mes severes amours,
Que vous dissimulez bien aise
Le feu qui me brusle mauvaise!


La Dame
Monsieur je ne voy point de feu
Qui vous enflame tant soit peu,
Il faudroit tenir ce langage
À une plus belle et moins sage.

Le Courtisan
À une plus belle bons dieux!
Ostez ces esclairs de vos yeux,
Ostez vostre voix charmeresse,
Les blonds cordons de vostre tresse
Ostez la glace de ce front,
De ce sourcy le demy rond,
Les oeillets, les lys, et les roses
Qui sont sur vostre face escloses,
Ostez l' albastre de ce sein,
Et l' yvoire de ceste main,
Ostez le cinabre qui touche
Et rougit vostre belle bouche,
Ostez ces perles d' orient,
Ostez donc ce sous-ris friand,
Ostez le musc de voctre aleine,
Et le tissu de mainte veine
Qui semble nager dans le laict
De ce col si gras et doüillet,
Ostez ces framboises nouvelles,
Ostez ces enfleures jumelles
Qui vont et viennent lentement
Comme le vagueux élement,


Va et vient d' alleure tardive
Prés de la sablonneuse rive,
Puis quand vous aurez tout osté,
Je verray si quelque beauté
Surpassera la vostre encore,
Mais tandis (ma divine aurore)
Que je verray en vos beautez
Luire tant de divinitez,
Si je vous nomme ma maistresse
Ne robroüez ma hardiesse,
Excusez ma temerité
En accusant vostre beauté.

La Dame
Ma beauté de rien je n' accuse
Mais vostre faute est sans excuse
Qui esclavant vostre raison
Dans une si orde prison
Voulez encor par vos blandices
M' attirer en vos precipices,
Et par vos alechans discours
Vous pensez trouver du secours
À vostre playe envenimée
Aux despens de ma renommée.

Le Courtisan
Brisez-là: vostre honneur je tien
Mille fois plus cher que le mien,
La terre plutost m' engloutisse,
Que l' enfer contre moy vomisse


Tout ce qu' il a de furieux,
Facent encor les justes cieux
Pleuvoir sur ma coupable teste
Le feu, le foudre et la tempeste,
Si je vous jouë un mauvais tour
Et si jamais d' un autre amour
Mon ame se voit possedée.

La Dame
Didon, Ariadne, Medée
Sçavent combien est dangereux
De cheoir aux filets amoureux,
Et comme peu sages nous sommes
De croire à ces parjures hommes,
À ces dissimulez amans
Dont les infidelles sermens
Semblent ces responces delphiques
Dont les sens amphibologiques
S' interpretent diversement.

Le Courtisan
C' est juger trop legerement
Des habitudes naturelles,
Toutes fautes sont personnelles,
Puis l' argument n' est pas formel
Qui conclud à l' universel
Par une preuve singuliere:
Veu qu' il n' est regle si entiere
Qu' il n' y ait de l' exception,
Ainsi la mauvaise action


D' Enée, Jason et Thesée
Ne doit pas estre attribuée
À tout le genre des esprits
Qui suivent la douce Cypris.

La Dame
L' erreur des autres me rend sage,
Je feray mon apprentissage
Du mal d' autruy d' oresnavant.

Le Courtisan
Amour en a dompté souvent
D' aussi superbes et farouches.

La Dame
C' est a faire à ces ames louches
Qui n' ozent parer à ses coups.

Le Courtisan
Le combat d' amour est si doux!

La Dame
Si doux qu' a vomir il provocque.

Le Courtisan
Gardez qu' un jour il ne se mocque
De vos amoureuses langueurs,
Vous faisant gouster les rigueurs
D' un amy d' ingratte nature,
Qui vous rendra avec usure
Les maux que vous m' avez prestez.

La Dame
Les maux préveus sont evitez.

Le Courtisan
Ce dieu a bien de l' artifice.


La Dame
Il faut prevenir sa malice.

Le Courtisan
Son feu brusle insensiblement.
Il faut l' estouffer promptement.

Le Courtisan
Ses traicts ont beaucoup de puissance.

La Dame
Aveugle est l' archer qui les lance.

Le Courtisan
Si donne t' il tousjours au coeur.
Aussi pour vaincre ce vainqueur
Il faut qu' habile on se combatte,
À la façon de l' andabate
En fuyant et les yeux bandez:
Autrement si vous regardez
Ce sorcier couvert de ses armes,
Vostre oeil enfasciné de charmes
Comme un s' entinelle endormy
Livre la place à l' ennemy,
Qui la donne en pillage aux vices,
Ainsi nous sommes les complices
De nos malheurs, car par nos yeux
Entre ce feu contagieux
Qui nous enflame les moüelles
Et brusle nos ames charnelles.


Le Courtisan
Il faut que tout cede à l' amour,
C' est un soleil, dont le beau jour
Penetre au fond de nos entrailles,
Un linx qui perce nos murailles,
Un archer adroit et certain
Qui ne tire jamais en vain,
Dont les traicts sont inévitables
Et les blessures incurables:
Bref, amour semble ces torrents
Qui deviennent plus violents
Tant plus à leurs courses rapides
S' opposent d' obstacles solides.

La Dame
La chasteté semble un rocher
Que les torrents ont beau licher
Avant que d' esbranler son feste,
Et qui ne craint point la tempeste
Des flotantes affections.

Le Courtisan
Les amoureuses passions
Ressemblent ces foudres superbes
Qui pardonnent aux basses herbes
Mais brisent et broyent tousjours
Le front des orgueilleuses tours.

La Dame
Et moy qui a l' honneur pour phare
La dame chaste je compare


Au veau marin, et au laurier,
Qui sont par un don singulier
Exempts de l' effroyable foudre.

Le Courtisan
Le vent semble espargner la poudre
Mais il arrache furieux
Les racines des chesnes vieux.

La Dame
Cette comparaison je louë
Ingenuëment, et je l' advouë,
Car cét amour tant rechanté
N' est que vent et que vanité.

Le Courtisan
C' est un feu gregeois qui s' enflame
Plus on verse d' eau dans sa flame.

La Dame
Et moy, la chasteté je tien
Semblable à ce lin indien
Dedans les feux incombustible,
C' est une lampe incomsomptible,
C' est le sacré paladion
Sauvé des cendres d' Ilion:
C' est une froide salemandre,
Sur qui le feu ne sçauroit prendre.

Le Courtisan
Quoy que s' en soit mon petit coeur,
Jamais ce genereux vainqueur


N' en veut qu' aux ames de merite,
Il n' y a que les coeurs délite
Qui se rangent dessouz ses loix,
Tesmoin ce palladin gregeois,
L' effroy des murailles troyennes,
Dompteur des terres phrygiennes,
Achil' dont les puissants revers
Firent trembler tout l' univers,
Dés que ce dieu un traict luy lance
Le voila sans armet, sans lance,
Sans rondache et son coutelas,
Pasmé d' amour entre les bras
De brizeis douce guerriere,
Prisonnier de sa prisonniere.

Hercule le soleil des preux,
Ce dompte-monstre aux bras nerveux,
Apres avoir tout plein d' audace
Des coups de sa noüeuse masse
Fait trembler la terre et les cieux:
En fin le grand maistre des dieux
Luy darde une fléche émouluë
Dedans sa poictrine veluë,
Lors ses yeux qui la mort dardoient
À tous ceux qui le regardoient,
Devindrent doux et pleins de charmes,
De ses doigts endurcis aux armes
Il se frisoit en damoiseau,
Courbé ramassoit le fuseau
D' Omphale sa nouvelle amie,
Baisottoit sa bouche blémie
Et de tant de labeurs passez
Reposoit ses membres lassez,
Tant amour reputoit a gloire
D' avoir obtenu la victoire
Sur ce parangon des guerriers,
Changeant en myrthes ses lauriers.

Anthoine fleau de la vie,
Des deux traistres Brute et Cassie,
Auquel les rebelles romains,
Espouventez tendoient leurs mains,
N' eust pas honte d' estre idolatre
De la beauté de Cleopatre,
Et d' abandonner ses vaisseaux
Au danger des feux et des eaux
Pour courir esteindre la flame
Que l' oeil amoureux de sa dame,
Dans son jeune coeur attisoit,
Et qui ses desirs maistrisoit.
C' est pourquoy les peintres nous peignent,
Et que les poëtes nous feignent
Que Mars le grand dieu des combats
Ayant jetté les armes bas,
Oubliant sa fureur guerriere
Tout plein de sang et de poussiere
Recrée ses fougueux esprits
Au sein de la belle Cypris,
Pour monstrer l' estroite alliance
De l' amour et de la vaillance.

La Dame
Ces beaux mots tant bien empoulez
Ressemblent ces balons enflez
Qui n' ont que du vent dans le ventre,
Car qui sondera jusqu' au centre
L' esprit exempt de passions
Ces chimeriques fictions:
Il dira ce discours prophane
N' estre qu' un conte de Peau D' Asne,
Ou que ces hommes glorieux
Pestris des propres mains des dieux
N' ont jamais esté si peu sages
Ny si traistres en leurs courages
Que ployer leurs cols indomptez
Sous le joug des moles beautez:
Et jaçoit qu' il fut veritable,
Je diray ce feu detestable
Qui brusloit ces avanturiers
Avoir flétry tous leurs lauriers,
Broüy leurs palmes et leurs gloires,
Et terny toutes leurs victoires,
Joint que pour ces trois insensez
L' histoire m' en fournit assez
Qui contre-carrent leur folie.
Ce grand conquesteur de l' Asie
Alexandre, l' honneur des roys,
Qui jadis regit sous ses loix
La plus grande part de la terre,
Invincible foudre de guerre
Qui se faschoit que les combats
Duroient si peu devant ses bras,
Quelle continence exemplaire
Monstra t' il aux filles de Daire?
Dont les beaux yeux estoient si clairs,
Si plains de foudroyants esclairs,
Qu' il souloit dire à la traverse
Que les belles dames de Perse
Aux yeux des grecs causoient du mal
Et l' infatigable Annibal
Qui les sourcilleuses montagnes
Applanit en razes campagnes
Pour planter son drappeau mutin,
Au coeur de l' empire latin,
Dit-on qu' amour bruslant ses veines
Soulageoit ses nombreuses peines?
Dit-on encor que Scipion
Fut cerf de ceste passion?
Et que quand sa force heroïque
Dans les boüillans deserts d' Afrique
Eust arboré ses pannonceaux,
Amour pour charmer ses travaux
Rendit sa belle ame captive
Au sein d' une dame lascive?

Et Cesar, ce puissant Athlas
Qui premier soustint de son bras
La dictature souveraine
De la republique romaine,
Dit-on que jamais ce poizon
Ait ensorcelé sa raison?
Où trouvez-vous que les ulisses
Les themistocles, les fabrices,
Les metelles, les phocions,
Les pyrrhes, les tymoleons,
Les seleuques, les aristides,
Les hectors, et les aeacides
Virent jamais leur liberté
Esclave d' impudicité?
Trop bien un heliogabale,
Un neron, un sardanapale,
Un clodius, un catilin,
Un paris, un sexte tarquin,
Un jacques d' escosse, un tybere,
Un herode, un achab severe,
Un mahommet, un othoman,
Un baiazet, un soliman,
Et autres monstres de nature
De la cabale d' Epicure
Aussi que sert d' estre un grand roy
De donner aux autres la loy,
De se voir adoré des princes,
De commander a cent provinces,
De faire d' un clin d' oeil mouvoir
Mille peuples souz son pouvoir
Et n' estre pas roy sur soy-mesme?
De voir un monarque supresme
Estre vainqueur des nations
Et vaincu de ses passions?

Avoir tous les destins propices
Et d' estre esclave de ses vices?
Triompher plein de majesté
Et servir a la volupté?
Estre environné de gensdarmes
Et poltron jetter bas les armes?
Je ne suis que fille et partant
L' esprit moins solide et constant,
Mais si une telle folie
Venoit troubler ma fantasie
Je la sçaurois bien surmonter,
Et vertueuse resister
À ceste fantastique flame.

Le Courtisan
Helas! Que dites-vous (madame)
Vous pourriez surmonter un dieu?
Amour le centre et le milieu
Des perfections de ce monde?
Avoir qui commande dans l' onde?
Dessus la terre? Dans les airs?
Car par tout ce grand univers
Ce n' est qu' amour: c' est luy qui lie
Et qui garde la simmethrie
De ce grand tout qui en un jour
Periroit, perissant l' amour.

Aussi les plus cruelles feres
Les ours, les lions, les pantheres
Luy font hommage dans les bois,
Voyez-vous pas en ce beau mois
Dessus les branches maquerelles
Les oyseaux tremousant les aisles
Et à petits bonds fretillards
Se pasmer en ces jeux mignards?
Voyez la colombe amoureuse,
Sa façon de baiser charmeuse,
Plongeant esprise d' amitié
Son bec au bec de sa moitié,
Puis d' une gaillarde secousse
Gouster ceste liqueur si douce,
Voyez le lascif passereau
Sur la mole rive de l' eau
Combien en une heure il se couple
De fois sur sa femelle souple.
Or ce seroit encore peu
Si la puissance de ce feu
N' agissoit qu' aux choses sensibles,
Et si les corps plus insensibles
Estoient affranchis de la loy
Et de l' empire de ce roy:

Mais voyez le fer qui petille
Qui saute bondit et fretille
À la presence de l' aymant,
L' ambre est de la paille l' amant,
Aussi l' approchant elle y volle,
Elle s' y unit et s' y cole
Et si on ne l' en separoit
Tousjours elle le baiseroit,
Mais voyez l' amoureuse vigne
Comme elle s' alonge, et provigne
Les petits doigts de ses rameaux
Afin d' embrasser les ormeaux,
Dites moy encor qui accorde
Des quatre élemens la discorde:
Sinon l' amour qui les espoinct
Et qui les contraires conjoinct?
Qui fait aussi que le ciel erre
Tousjours à l' entour de la terre
Et l' oeillade de tant de feux
Sinon qu' il en est amoureux?
Qui fait que la lumiere blonde
De ceste grand' lampe du monde,
Diversifie les saisons?
Qui grille en esté nos moissons?
Qui fait que la terre se pare
Au printemps d' un habit si rare?
Qui camelotte ainsi nos prez
De ces chamarres bigarrez?
Qui meurit ainsi nos vandanges
Qui fait ces merveilles estranges?


Si mon amour, qui tout maintient,
Qui tout nourrit, qui tout soustient,
Et qui par poids, nombre, et mesure
Conserve nature en nature.

La Dame
Monsieur, c' est pocher lourdement
Les yeux a vostre jugement,
En ce que manquant de prudence,
Vous ostez a la providence
De Dieu, le reglement divers
De cét admirable univers:
Pour le donner a la volée
À une deïté, moulée
Dedans quelques cerveaux mal sains,
Qui portant ont esté contraints
Pour monstrer qu' amour n' est pas sage
De le peindre en enfant volage,
Deux aisles ils luy ont planté,
Signes de sa legereté,
Puis ils luy banderent la veuë,
Pour nous monstrer qu' a boule-veuë
Dans les coeurs charnels et polus
Il lançoit ses traicts émoulus,
Et pour combler son vitupere
Ils le font naistre en adultere,
Soit qu' il fut jadis descendu
De l' oeuf par Zephire pondu,
Couvé de la nuict embrunie,


Soit que de pore et de penie
Dans les jardins de Jupiter
Il vueille son estre emprunter,
Ou que Venus mere des charmes
L' engendra du grand dieu des armes,
Ou de Mercure maquereau
Dans Paphos publique bordeau.
L' on dit que si tost cét infame
N' eut veu la nourrissiere flame
Dont Phoebus nous va rechauffant,
Que Jupin dit que cét enfant,
Ce bastard de naissance immonde
Un jour embrazeroit le monde,
Et que son feu luxurieux
Perdroit les hommes, et les dieux,
Puis, de paternelle colere
Tança Venus d' estre la mere
D' un si abominable fruict.
Lors Venus honteuse s' enfuit
Cacher ce monstre de luxure
Au fond d' une forest obscure.
Là ce dieu malin et pervers,
Le boute-feu de l' univers,
Sucçant les mamelles felonnes
Des tygresses et des lionnes,
Sucça toutes leurs cruautez
Et forces brutalitez,
Souple, formant ses premiers aages


Au patron des bestes sauvages,
De là ses sauvages humeurs
Et toutes ses brutales moeurs.
Grandet, à la chasse il s' adonne,
Alors de luy mesme il façonne
Son premier arc, rompant (nerveux)
Un baston de fresne noüeux,
Le courbe, le cambre, le vire,
Le bois gemit, l' escorce tire
Sur le genoüil s' arrondissant:
Cupidon apres va tissant
De ses cheveux une ficelle,
Coche son arc et l' encordelle,
Le bande et si fort le roidit
Que la corde un grand son rendit.
Puis d' un cipré (arbre funeste)
Ceste contagieuse peste
Se fit un carquois et des traicts
Qu' il essaya dans les forests
Sur les feres plus indomptables
Les ours, les tygres formidables,
Les lions, les onces, les loups,
Esprouverent ses premiers coups:
Car cét artisan de malice
Avoit desja tant d' artifice
Que rien ne se pouvoit cacher
Des fléches d' un si fin archer.
Plus grand, il coula dans les villes


Dans les communautez civilles,
Ce fut lors que ses traicts vainqueurs,
Ozerent entamer les coeurs
Des grands monarques et des princes.
Il court royaumes et provinces,
Se fourre aux cabinets des grands,
Mais la cour, et les courtisans
Sont les buttes où ce dieu tire
Les dards plus sanglants de son ire.
En fin courtizan devenu,
Et des roys son pouvoir cognu,
Il se donne en curée aux vices,
Aux luxes, aux pompes, aux delices,
Son arc sa trousse et son carquois
(qui premier n' estoient que de bois)
Furent tout d' or: Venus la douce
Dore ses traicts, fourbit sa trousse,
Cordonne l' or de ses cheveux,
L' arme de foudres et de feux,
De souspirs, de sanglots, de larmes,
Et jette en ses yeux tant de charmes,
Que depuis cét audacieux
A bravé la terre, et les cieux,
Et devenu superbe au double
A mis tout l' univers en trouble.
De là tant de ravissements,
De stupres, de violements,
Tant de sacrileges, d' incestes,


Et tant d' adulteres funestes.
Combien de roys n' ont pour tombeaux
Que les cendres de leurs chasteaux?
Combien de citez saccagées,
Combien de courtinnes changées
Et de riches sceptres en bas,
Combien de furieux combats,
Combien de meurtres, d' homicides,
D' assassinats, de parricides:
Combien d' effrois combien d' efforts,
Combien de maux, combien de morts,
De trahisons, de perfidies
Et de sanglantes tragedies,
A fait ce dieu des enragez,
Pleuvoir sur nos chefs outragez,
En recompense des services,
Des autels et des sacrifices,
Qui pour luy fumoient en tout lieu?
Voyla comme ce brave dieu
Traite l' incensé qui l' adore.
Fut-ce pas de ceste Pandore
Que sortoit le feu d' Ilion?
Ilion la perfection
De toutes les villes de guerre,
Ilion qui fut sur la terre
Ce que le soleil est aux cieux,
Ilion le sejour des dieux
Ilion l' escole des armes,
La pepiniere des gensdarmes,
Ilion l' archive des loix,
La bisayeule de nos roys,
Bref, ceste Ilion dont Cassandre
Plora la deplorable cendre,
Lors que l' escumiere Cypris
Promit au beau berger Paris
Une favorable maistresse,
Et que ceste infame déesse
Luy fit violler effronté
Le sainct droict d' hospitalité,
Ravissant l' espouse infidelle,
De son hoste, Helene la belle,
Helene dont l' oeil gratieux
Faisoit honte au grand oeil des cieux,
Bel oeil la boutique du foudre
Qui mit les pergames en poudre,
Fourneau qui premier alluma
Le feu qui Troye consuma,
Troye de qui les tours sublimes
Portoient leurs sourcilleuses cimes
Au dernier estage des airs.
Agamemnon, que tant de mers,
Tant d' avantures perilleuses,
Tant de battailles furieuses,
Tant d' assauts, et tant de combats,
N' avoient peu conduire au trespas,
Et rendre ce brave monarque,
Froide victime de la Parque:

Luy dis-je qu' au champ de Mars
Avoit couru tant de hazards,
Conduisant les guerrieres tropes
Des myrmidons, et des dolopes.

En fin reportant tout grison
Aux penates de sa maison
Son los, ses lauriers, et ses palmes,
Comme il croyoit les ondes calmes,
Et qu' il pensoit loin des malheurs
Se reposer de ses labeurs
Au giron de sa Clytemnestre:
Le voyla meurtry par la dextre
D' Aegiste, infidelle vassal
Compagnon de son lict royal.
Ce qui fascha tant les celestes,
Qu' ils permirent aux mains d' Orestes
D' espandre le sang maternel,
Et d' ouvrir d' un fer criminel
Le flanc de sa mere impudique.
Voyla comme l' amour lubrique
Attira l' adultere a soy,
Et l' adultere brize-foy
Apres soy tira l' homicide,
L' homicide le parricide:

Car ainsi que les flots grondants
L' un a l' autre vont succedants
Un crime appelle un autre crime
Comme un abisme un autre abisme.
Jusqu' ou ce brazier violent
Brusla-t' il l' esprit insolent
De la fratricide Medée,
Quand enragément débordée
Pour parvenir a ses desseins,
Elle déchira de ses mains
En morceaux l' innocent absyrthe.
En quelle boüillonnante Syrthe
S' abysma la pauvre Biblis?
Bref, tant de cerveaux affoiblis
Dont l' honneur fit triste naufrage
Enveloppé dedans l' orage
Qu' excite un impudique amour:
Ont mille fois maudit le jour
D' avoir malheureuses victimes
Ployé leurs cols pusillanimes
Souz le joug de cét effronté
Ennemy de la chasteté.
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