PLUME DE POÉSIES
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 Nérée Beauchemin (1850-1931) L'avril boréal

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MessageSujet: Nérée Beauchemin (1850-1931) L'avril boréal   Nérée Beauchemin (1850-1931) L'avril boréal Icon_minitimeVen 13 Jan - 23:09

L'avril boréal


Est-ce l'avril? Sur la colline
Rossignole une voix câline,
De l'aube au soir.
Est-ce le chant de la linotte?
Est-ce une flûte? est-ce la note
Du merle noir?
Malgré la bruine et la grêle,
Le virtuose à la voix frêle
Chante toujours;
Sur mille tons il recommence
La mélancolique romance
De ses amours.
Le chanteur, retour des Florides,
Du clair azur des ciels torrides
Se souvenant,
Dans les bras des hêtres en larmes
Dis ses regrets et ses alarmes
À tout venant.
Surpris dans son vol par la neige,
Il redoute encor le cortège
Des noirs autans;
Et sa vocalise touchante
Soupire et jase, pleure et chante
En même temps.


Fuyez, nuages, giboulées,
Grêle, brouillards, âpres gelées,
Vent boréal!
Fuyez! La nature t'implore,
Tardive et languissante aurore
De floréal.

Avec un ciel bleu d'améthyste,
Avec le charme vague et triste
Des bois déserts,
Un rythme nouveau s'harmonise.
Doux rossignol, ta plainte exquise
Charme les airs!

Parfois, de sa voix la plus claire,
L'oiseau, dont le chant s'accélère,
Er grène un tril :
Dans ce vif éclat d'allégresse,
C'est vous qu'il rappelle et qu'il presse,
Beaux jours d'avril.

Déjà collines et vallées
Ont vu se fondre aux soleillées
Neige et glaçons;
Et, quand midi flambe, il s'élève
Des senteurs de gomme et de sève
Dans les buissons.


Quel souffle a mis ces teintes douces
Aux pointes des frileuses pousses?
Quel sylphe peint
De ce charmant vert véronèse
Les jeunes bourgeons du mélèze
Et du sapin?

Sous les haleines réchauffées
Qui nous apportent ces bouffées
D'air moite et doux,
Il nous semble que tout renaisse.
On sent comme un flot de jeunesse
Couler en nous.

Tout était mort dans les futaies;
Voici, tout à coup, plein les haies,
Plein les sillons,
Du soleil, des oiseaux, des brises,
Plein le ciel, plein les forêts grises,
Plein les vallons.

Ce n'est plus une voix timide
Qui prélude dans l'air humide,
Sous les taillis;
C'est une aubade universelle;
On dirait que l'azur ruisselle
De gazouillis.


Devant ce renouveau des choses,
Je rêve des idylles roses;
Je vous revois,
Prime saison, belles années,
De fleurs de rêve couronnées,
Comme autrefois.

Et, tandis que dans les clairières
Chuchotent les voix printanières,
Et moi j'entends
Rossignoler l'âme meurtrie,
La tant douce voix attendrie
De mes printemps.


À la claire fontaine
Pierre, mon ami Pierre,
A la guerre est allé
Pour un bouton de rose
Que je lui refusai.
(Berceuse ancienne)

Il est une claire fontaine
Où, dans un chêne, nuit et jour
Le rossignol, à gorge pleine,
Redit sa peine
Et son amour.

Si belle et si douce est son onde,
Si transparente, si profonde,
Qu'on vient de bien loin à la ronde
S'y promener
Et s'y baigner.

Son flot où la menthe et la prêle
Poussent, à fleur d'eau, pêle-mêle,
Filtre son cristal à travers
Le filtre frêle
Des cressons verts.


Les jeunes filles, le dimanche,
Y vont, nu-tête, fleurs au front,
En mai, sous le chêne qui penche,
En jupe blanche,
Danser en rond.

Il en est une - une promise -
Qui fuit et la danse et le bruit,
Et qui, dans son deuil de payse,
Martyre exquise,
Se meurt d'ennui.

Un soir que la blonde amoureuse
Se mirait dans la source ombreuse,
Un pâtre à la voix langoureuse
Lui fit l'aveu
D'un premier feu.

« Oh! donne-moi cette églantine »
Dit-il, très-bête et tout confus.
La belle dit : Non, et s'obstine,
Âpre et mutine,
Dans son refus.

Fou de dépit, fou de colère,
Sans voir celle qui fut si chère,
Le bon ami, le pauvre enfant,
Pour la frontière
Part en pleurant.


Aux jeunes la guerre est bien dure;
Le mal du pays les torture;
On pleure. Oh! que le temps nous dure
Loin de ce doux
Pays : Chez nous.

Vers une rive plus clémente,
Le rossignol a pris l'essor.
Seule, au bord de l'onde dormante,
La pauvre amante
Soupire encor.

En vain de ses pleurs elle arrose
Le bouquet qui fit son malheur :
« Reviendra-t-il? Rosier morose,
Rends-moi ta rose.
Rends-moi ta fleur! »

Trois ans après, un militaire,
Sac au dos, couvert de poussière,
De la fontaine solitaire,
Bâton en main,
Prit le chemin.

C'est lui! - C'est elle! - Sans rien dire.
Le soldat aux yeux attendris,
Et la chère âme qui soupire,
Dans un sourire
Se sont compris.


La dernière fleur de l'année,
Des pleurs de l'automne baignée,
S'effeuille au vent. La belle offrit
La fleur fanée
Au fier conscrit.

Et ce bouquet, que la hantise
De l'amour naïf poétise,
Répand, dans l'air doux qui les grise,
Comme un relent
De lilas blanc.

Ohé! danseurs, à la fontaine,
Dansez en rond, chantez en choeur!
Le plus beau garçon de la plaine,
À Magdeleine
Donne son coeur.
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Nérée Beauchemin (1850-1931) L'avril boréal
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