Je veux veiller encor.
Dans les heures amères
J'irai vers le sommeil mains jointes, en prière,
Mais ce soir, le front ceint de roses, il me plaît
Que le rêve lucide aux ondoyants reflets
Remplace mon repos par son extravagance.
Je désire garder longtemps la conscience
Du bonheur ardemment convoité qui m'échoit,
Me dire : Il est réel et je suis vraiment moi,
Le mesurer avec des voluptés d'avare.
Le mesurer... C'est fait, hélas! et je m'égare;
Ne prévoyais-je pas tout à l'heure sa fin
Puisque son haut sommet sera touché demain?
Pauvre enfant, la raison cynique me le crie,
Ils sont déjà comptés nos jours de griserie,
Et de savoir le temps si réduit devant nous
J'en aspire l'arôme à la fois âcre et doux,
Comme un phtisique boit l'air qui fuit sa poitrine.
Notre amour me paraît d'avance une ruine
Dont je contemple, ému, le style merveilleux.
Ne te réveille pas, tu verrais dans mes yeux
Une lueur distante et pleine d'ironie.
Ou plutôt, puisqu'on doit, pour le bien de la vie,
Chasser les visions de tristesse et de mort,
La sotte vérité, que j'ai cherchée à tort,
Que ta caresse, enfant, dans l'ombre la rejette,
Et d'espoir intangible éclairons notre fête.