LE FAUBOURG SAINT-ROCH
Le vieux faubourg Saint-Roch s'incline sur le bord
De l'anse sablonneuse où le Saint-Charles endort
Son flot bleu qui palpite;
C'est là que la vertu romaine vit toujours
Et que sa mâle voix-sa voix des anciens jours-
Parle à des coeurs d'élite!
C'est là que Cartier vint, pour la première fois,
Ennoblir notre sol en y plantant la croix
Sous l'ombrage des hêtres;
C'est là que sont empreints les pas des découvreurs,
C'est là qu'ont abordé nos vaillants laboureurs
Avec nos premiers prêtres!
C'est là d'où sont partis ces humbles conquérants
Qui portaient à travers forêts, monts et torrents
La parole bénie
A l'enfant des déserts que la foi réclamait...
C'est enfin le berceau grandiose où germait
La noble colonie!
J'aime ce vieux faubourg coquet et florissant,
Où le riche à sa table accueille le passant
Qui demande une obole;
Car c'est là que s'exerce avec simplicité
La bienfaisante loi de l'hospitalité
Qui ravit et console!
Oui, je t'aime, ô Saint-Roch! A ton passé rêvant,
Parfois je crois ouïr un poème émouvant
Dans la rumeur de l'onde
Où se mirent les toits de la fière cité
Dont l'immortel Champlain devina la beauté
Qui charme le Vieux-Monde!
Je t'aime! car je sais qu'à l'ombre de la croix
Vaillamment tu luttas pour défendre nos droits
Contre le despotisme;
Et qu'en toi bat le coeur de notre nation;
O boulevard béni de la religion
Et du patriotisme!
Mai 1880.