ÉLÉGIES. 127
Bien loin de les éteindre aiguillonnait mes feux.
.Ma main courait saisir, de transports chatouillée,.
Sa tête noblement folâtre, échevelée.
Elle riait; et moi,, malgré ses bras jaloux,
J'arrivais à sa bouche, à ses baisers si doux.
J'avais soin de reprendre, utile stratagème!
Les fleurs que sur son sein j'avais mises moi-même;
Et sur ce sein, mes doigts égarés, palpitans,
Les cherchaient, les suivaient, et les ôtaient long-temps.
Ah! je l'aimais alors! Je l'aimerais encore,
Si de tout conquérir la soif qui la dévoré
Eût flatté mon orgueil au lieu de l'outrager.
Si mon amour n'avait qu'un outrage à venger;
Si vingt crimes nouveaux n'avaient trop su l'éteindre;
Si je ne l'abhorrais. Ah! qu'un coeur est à plaindre
De s'être à son amour long-temps accoutumé,
Quand il faut n'aimer plus ce qu'on a tant aimé!
Pourquoi, grands dieux! pourquoi la fîtes-vous si belle?
Mais ne me parlez plus, amis, de l'infidèle:
Que m'importe qu'un autre adore ses attraits;
Qu'un autre soit le roi de ses festins secrets;
Que tous deux en riant ils me nomment peut-être;
De ses cheveux épars qu'un autre soit le maître;
Qu'un autre ait ses baisers, son coeur; qu'une autre main
Poursuive lentement des bouquets sur son sein.
Un autre! Ah! je ne puis en souffrir la pensée.
Riez, amis; nommez ma fureur insensée.
Vous n'aimez pas, et j'aime; et je brûle et je pars
Me coucher sur sa porte, implorer ses regards;