146 ÉLÉGIES.
J'ai vu qu'à ses faveurs ta part est la plus belle;
Et pourtant je me plais à lui rester fidèle;
A voir mon vers au rire, aux pleurs abandonné,
De rose ou de cyprès par elle couronné.
Par la lyre attendris, les rochers du Riphée
Se pressaient, nous dit-on, sur les traces d'Orphée.
Des murs fils de la lyre ont gardé les Thébains;
Arion à la lyre a dû de longs destins:
Je lui dois des plaisirs. J'ai vu plus d'une belle,
A mes accens émue, accuser l'infidèle
Qui me faisait pleurer et dont j'étais trahi;
Et souhaiter l'amour de qui le sent ainsi.
Mais dieux, que de plaisir! quand muette, immobile,
Mes chants font soupirer ma naÏve Camille;
Quand mon vers, tour à tour humble, doux, outrageant,
Éveille sur sa bouche un sourire indulgent;
Quand ma voix altérée enflammant son visage,
Son baiser vole et vient l'arrêter au passage.
O! je ne quitte pins ces bosquets enchanteurs
Où rêva mon Tibulle aux soupirs séducteurs; -
Où le feuillage encor dit Corinne charmante;
Où Cinthie est écrite en l'écorce odorante;
Où les sentiers français ne me conduisaient pas;
Où mes pas de Le Brun ont rencontré les pas.
Ainsi, que mes écrits enfans de ma jeunesse,
Soient un code d'amour, de plaisir, de tendresse;
Que partout de Vénus ils dispersent les traits;
Que ma voix, que mon aine y vivent à jamais;
Qu'une jeune beauté, sur la plume et la soie,