ODES. 211
La vérité se tait! Dans sa bouche glacée,
Des liens de la peur sa langue embarrassée,
Dérobe un juste hommage aux exploits glorieux!
Vivre est-il donc si doux! de quel prix est la vie,
Quand, sous un joug honteux la pensée asservie,
Tremblante au fond du coeur se cache a tous les yeux!
Non, non, je ne veux point t'honorer en silence,
Toi qui crus par ta mort ressusciter la France,
Et dévouas tes jours à punir des forfaits.
Le glaive arma ton bras, fille grande et sublime,
Pour faire honte aux dieux, pour réparer leur crime,
Quand d'un homme à ce monstre ils donnèrent les traits.
Le noir serpent, sorti de sa caverne impure,
A donc vu rompre enfin sous ta main ferme et sûre
Le venimeux tissu de ses jours abhorrés!
Aux entrailles du tigre, à ses dents homicides,
Tu vins redemander et les membres livides,
Et le sang des humains qu'il avait dévorés!
Son oeil mourant t'a vue, en ta superbe joie,
Féliciter ton bras et contempler ta proie.
Ton regard lui disait: « Va, tyran furieux,
» Va, cours frayer la route aux tyrans tes complices,
» Te baigner dans le sang fut tes seules délices,
» Baigne-toi dans le tien et, reconnais des dieux. »
La Grèce, O fille illustre, admirant ton courage,
Épuiserait Paros pour placer ton image
Auprès d'Harmodius, auprès de son ami;