Stances à l'Aimée
A Jeanne CHAPELLE
27 mai 1907
Qui donc m'éloigne de ma route
Quand, le coeur torturé de doute
Je vais comme un fou éploré
Qui chasse mes grandes tristesses
A l'heure où de folles ivresses
Mon désir est désabusé
Dis ? Est-ce toi femme chérie
Qui viens dans mon âme affaiblie
Ranimer l'espoir et la vie
Quand l'espoir même j'ai pleuré ?
Est-ce dans ton amour qui chante
Que j'ai puisé la foi troublante
De sourire à mon avenir
Ou le passé qui me rappelle
Les promesses de l'infidèle
Pour qui je ne sais plus souffrir
Est-ce un jeu de ma confiance
Un témoignage d'assurance
Quand je sens grandir la distance
Qui m'éloigne du souvenir
Oui, c'est toi, toi seule, que j'aime
Qui parle à cette heure suprême
Les douces chansons de l'amour
Quand les tendresses fugitives
Promènent leurs ombres lascives
Aux dernières clartés du jour
C'est ta beauté resplendissante
C'est ta gaieté douce et charmante
C'est ton sourire qui me tente
Et sait me griser tour à tour
C'est toi qui me guide en ce monde
Qui veille dans la nuit profonde
Sur mon sommeil à chaque instant
Quand une vision m'agite
Quand je crois voir à ma poursuite
S'élancer un spectre effrayant
Tu me défends comme une mère
Et quand le doute m'exaspère
Tu sais désarmer ma colère
De ta voix dolente d'enfant
C'est toi qui me montre la route
Où loin du mensonge et du doute
Les époux savent s'adorer
Toi qui loin des grandes tristesses
Séchant mes pleurs par des caresses
Dans mon coeur sait tout effacer
C'est toi seule ô Jeanne chérie
Toi qui dans mon âme affaiblie
Ranime l'espoir et la vie
Et la tendresse d'un baiser.
Honoré HARMAND