PLUME DE POÉSIES
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 Théophile Gautier. (1811-1872) La pipe d'opium

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MessageSujet: Théophile Gautier. (1811-1872) La pipe d'opium    Théophile Gautier. (1811-1872) La pipe d'opium  - Page 3 Icon_minitimeDim 28 Juil - 14:16

Rappel du premier message :

La pipe d'opium


L'autre jour, je trouvai mon ami Alphonse Karr assis sur son divan, avec une
bougie allumée, quoiqu'il fit grand jour, et tenant à la main un tuyau de bois
de cerisier muni d'un champignon de porcelaine sur lequel il faisait dégoutter
une espèce de pâte brune assez semblable à la cire à cacheter; cette pâte
flambait et grésillait dans la cheminée du champignon, et il aspirait par une
petite embouchure d'ambre jaune la fumée qui se répandait ensuite dans la
chambre avec une vague odeur de parfum oriental.
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MessageSujet: Re: Théophile Gautier. (1811-1872) La pipe d'opium    Théophile Gautier. (1811-1872) La pipe d'opium  - Page 3 Icon_minitimeDim 28 Juil - 14:19

Après plusieurs détours, je sentis la voiture fondre sous moi, et les chevaux
s'évanouirent en vapeurs, j'étais arrivé.

Une lumière rougeâtre filtrait à travers les interstices d'une porte de bronze
qui n'était pas fermée; je la poussai, et je me trouvai dans une salle dallée de
marbre blanc et noir et voûtée en pierre; une lampe antique, posée sur un socle
de brèche violette, éclairait d'une lueur blafarde une figure couchée, que je
pris d'abord pour une statue comme celles qui dorment les mains jointes, un
lévrier aux pieds, dans les cathédrales gothiques; mais je reconnus bientôt que
c'était une femme réelle.
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MessageSujet: Re: Théophile Gautier. (1811-1872) La pipe d'opium    Théophile Gautier. (1811-1872) La pipe d'opium  - Page 3 Icon_minitimeDim 28 Juil - 14:19

Elle était d'une pâleur exsangue, et que je ne saurais mieux comparer qu'au ton
de la cire vierge jaunie, ses mains, mates et blanches comme des hosties, se
croisaient sur son coeur; ses yeux étaient fermés, et leurs cils s'allongeaient
jusqu'au milieu des joues; tout en elle était mort: la bouche seule, fraîche
comme une grenade en fleur, étincelait d'une vie riche et pourprée, et souriant
à demi comme dans un rêve heureux.

Je me penchai vers elle, je posai ma bouche sur la sienne, et je lui donnai le
baiser qui devait la faire revivre.
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MessageSujet: Re: Théophile Gautier. (1811-1872) La pipe d'opium    Théophile Gautier. (1811-1872) La pipe d'opium  - Page 3 Icon_minitimeDim 28 Juil - 14:19


Ses lèvres humides et tièdes, comme si le souffle venait à peine de les
abandonner, palpitèrent sous les miennes, et me rendirent mon baiser avec une
ardeur et une vivacité incroyables.

Il y a ici une lacune dans mon rêve, et je ne sais comment je revins de la ville
noire; probablement à cheval sur un nuage ou sur une chauve-souris gigantesque.
- Mais je me souviens parfaitement que je me trouvai avec Karr dans une maison
qui n'est ni la sienne ni la mienne, ni aucune de celles que je connais.
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MessageSujet: Re: Théophile Gautier. (1811-1872) La pipe d'opium    Théophile Gautier. (1811-1872) La pipe d'opium  - Page 3 Icon_minitimeDim 28 Juil - 14:19

Cependant tous les détails intérieurs, tout l'aménagement m'étaient extrêmement
familiers; je vois nettement la cheminée dans le goût de Louis XVI, le paravent
à ramages, la lampe à garde-vue vert et les étagères pleines de livres aux
angles de la cheminée.

J'occupais une profonde bergère à oreillettes, et Karr, les deux talons appuyés
sur le chambranle, assis sur les épaules et presque sur la tête, écoutait d'un
air piteux et résigné, le récit de mon expédition que je regardais moi-même en
rêve.
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MessageSujet: Re: Théophile Gautier. (1811-1872) La pipe d'opium    Théophile Gautier. (1811-1872) La pipe d'opium  - Page 3 Icon_minitimeDim 28 Juil - 14:19

Tout à coup un violent coup de sonnette se fit entendre, et l'on vint m'annoncer
qu'une dame désirait me parler.

"Faites entrer la dame, répondis-je, un peu ému et pressentant ce qui allait
arriver."

Une femme vêtue de blanc, et les épaules couvertes d'un mantelet noir, entra
d'un pas léger, et vint se placer dans la pénombre lumineuse projetée par la
lampe.

Par un phénomène très singulier, je vis passer sur sa figure trois physionomies
différentes: elle ressembla un instant à Malibran, puis à M..., puis à celle qui
disait aussi qu'elle ne voulait pas mourir, et dont le dernier mot fut: "Donnez-
moi un bouquet de violettes."
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MessageSujet: Re: Théophile Gautier. (1811-1872) La pipe d'opium    Théophile Gautier. (1811-1872) La pipe d'opium  - Page 3 Icon_minitimeDim 28 Juil - 14:19

Mais ces ressemblances se dissipèrent bientôt comme une ombre sur un miroir, les
traits du visage prirent de la fixité et se condensèrent, et je reconnus la
morte que j'avais embrassée dans la ville noire.

Sa mise était extrêmement simple, et elle n'avait d'autre ornement qu'un cercle
d'or dans ses cheveux, d'un brun foncé, et tombant en grappes d'ébène le long de
ses joues unies et veloutées.

Deux petites taches roses empourpraient le haut de ses pommettes, et ses yeux
brillaient comme des globes d'argent brunis; elle avait, du reste, une beauté de
camée antique, et la blonde transparence de ses chairs ajoutait encore à la
ressemblance.
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MessageSujet: Re: Théophile Gautier. (1811-1872) La pipe d'opium    Théophile Gautier. (1811-1872) La pipe d'opium  - Page 3 Icon_minitimeDim 28 Juil - 14:19


Elle se tenait debout devant moi, et me pria, demande assez bizarre, de lui dire
son nom.

Je lui répondis sans hésiter qu'elle se nommait Carlotta, ce qui était vrai;
ensuite elle me raconta qu'elle avait été chanteuse, et qu'elle était morte si
jeune, qu'elle ignorait les plaisirs de l'existence, et qu'avant d'aller
s'enfoncer pour toujours dans l'immobile éternité; elle voulait jouir de la
beauté du monde, s'enivrer de toutes les voluptés et se plonger dans l'océan des
joies terrestres; qu'elle se sentait une soif inextinguible de vie et d'amour.
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MessageSujet: Re: Théophile Gautier. (1811-1872) La pipe d'opium    Théophile Gautier. (1811-1872) La pipe d'opium  - Page 3 Icon_minitimeDim 28 Juil - 14:19


Et, en disant tout cela avec une éloquence d'expression et une poésie qu'il
n'est pas en mon pouvoir de rendre, elle nouait ses bras en écharpe autour de
mon cou, et entrelaçait ses mains fluettes dans les boucles de mes cheveux.

Elle parlait en vers d'une beauté merveilleuse, où n'atteindraient pas les plus
grands poètes éveillés, et quand le vers ne suffisait plus pour rendre sa
pensée, elle lui ajoutait les ailes de la musique, et c'était des roulades, des
colliers de notes plus pures que des perles parfaites, des tenues de voix, des
sons filés bien au-dessus des limites humaines, tout ce que l'âme et l'esprit
peuvent rêver de plus tendre, de plus adorablement coquet, de plus amoureux, de
plus ardent, de plus ineffable.
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MessageSujet: Re: Théophile Gautier. (1811-1872) La pipe d'opium    Théophile Gautier. (1811-1872) La pipe d'opium  - Page 3 Icon_minitimeDim 28 Juil - 14:20

"Vivre six mois, six mois encore", était le refrain de toutes ses cantilènes.

Je voyais très clairement ce qu'elle allait dire, avant que la pensée arrivât de
sa tête ou de son coeur jusque sur ses lèvres, et j'achevais moi-même le vers ou
le chant commencés; j'avais pour elle la même transparence, et elle lisait en
moi couramment.
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MessageSujet: Re: Théophile Gautier. (1811-1872) La pipe d'opium    Théophile Gautier. (1811-1872) La pipe d'opium  - Page 3 Icon_minitimeDim 28 Juil - 14:20

Je ne sais pas où se seraient arrêtées ces extases que ne modérait plus la
présence de Karr, lorsque je sentis quelque chose de velu et de rude qui me
passait sur la figure; j'ouvris les yeux, et je vis mon chat qui frottait sa
moustache à la mienne en manière de congratulation matinale, car l'aube tamisait
à travers les rideaux une lumière vacillante.

C'est ainsi que finit mon rêve d'opium, qui ne me laissa d'autre trace qu'une
vague mélancolie, suite ordinaire de ces sortes d'hallucinations.
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Théophile Gautier. (1811-1872) La pipe d'opium
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