PLUME DE POÉSIES
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 Jean Auvray (ca. 1580-ca. 1630) Le tombeau d'angoulement

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MessageSujet: Jean Auvray (ca. 1580-ca. 1630) Le tombeau d'angoulement   Jean Auvray (ca. 1580-ca. 1630) Le tombeau d'angoulement Icon_minitimeLun 15 Aoû - 17:45

LE TOMBEAU D'ANGOULEVENT



Cy gist le sieur D' Angoulevent
Qui sçeut si bien en son vivant
Cajoler les dames farouches,
Qu' il en jetta plus à l' envers
Que l' esté n' engendre de vers,
Ny l' hyver ne fait choir de mouches.
Son persuader fut si doux,
Qu' il en mettoit en rût les loups,
Les thoreaux, et les cerfs rapides
Couplant plus de culs deux a deux
Qu' on ne voit dans les fresnes creux
L' esté joindre de cantarides.
À l' odeur de ses vestements
Les chevaux sailloient les juments,
Les poissons frayoient aux rivieres,
Et les asnes d' amour touchez
Baudouynnant dans les marchez
En rompoient sangles et croupieres.


Si Mercure dedans les cieux,
Pouvoit pour le plaisir des dieux
Autant de deesses abbattre
Que ce grand maquignon de cus
A fait à Paris de cocus,
Jupiter auroit beau s' esbattre.
L' on dit que Mercure trompa,
Argus, et le chef luy couppa,
Si ce marchand de chair humaine
Eust bien ces exemples appris,
Les bonnets cornus à Paris
Ne vaudroient qu' un liard la douzaine.
La dame si tost n' escoutoit
Ce pipeur, qu' elle se sentoit
Lier de chaines aymantines,
Et son coeur d' amour si vaincu
Qu' elle pensoit avoir au cu,
Un essaim de mouches bovines.
Un nombreux haras d' estalons
La suivoit tousjours aux talons,
Chacun un baiser luy dérobe
Pour assouvir ses appetits,
Et tous les chiens grands, et petits
Venoient pisser contre sa robe.


Et comme l' autel où pendoit
La lire d' Apollon, rendoit
Long-temps apres de l' armonie,
Apres le maquereau discours
Le cu luy fredonnoit tousjours
La sarabande d' Italie.
Jamais il n' aborda beauté
Qu' en fin vainqueur il n' aît esté,
Tant il dressoit bien ses approches,
Quelquefois faisant du badin
Maniant un vertugadin
Glissoit le poulet dans les poches.
Tantost d' une follastre main
Faignant de toucher d' un beau sein
L' albastre jumeau qui souspire,
Laissoit couler tout doucement
Les vers, qui d' un gentil amant
Exprimoient l' amoureux martyre.
Il frequentoit les courtisans,
Les financiers, les partisans,
Gens de hazard et de resource,
Du Pont-Neuf tous les maquereaux
Ne sont que ses petits ruisseaux
Tous tributaires de sa source.


Il leur monstroit de vive voix
Les axiomes et les loix
De cette gentille science,
Que nul n' eut osé pratiquer
Sans premier luy communiquer
Tous les degrez de salience.
Il n' y a si petit bordeau,
Cabaret, charlatan, bedeau,
Coupeur de bourse, ny belistre,
Dariolette de Cypris,
Cocu, ny cornard dans Paris
Dont il ne faisoit bon registre.
Il jugeoit a l' oeil et au pas
Les filles d' amoureux appas
Comme les laquais aux mandilles,
Aux mantes les vrays irlandois,
Aux chapeaux longs les albanois,
Et les espagnols aux roupilles.
Il avoit mille inventions
Faisoit mourir les morpions,
Rendoit les mamelles plus dures,
Guarissoit chancres et poulains,
Et par les lignes de nos mains
Il predisoit les advantures.


Il n' y eut jamais Tabarin,
Galinette, ny Turlupin,
Gros Guillaume, ny Jean farine
Plus farcy de bouffons propos,
Aussi faut-il prince des sots
Royaume plus grand que la Chine.
Ce mome, ce Roger Bon-Temps,
Fut si gaillard en son printemps
Qu' il vous eut fait crever de rire
Quand pour faire dançer putains
Il ne vouloit que deux patins,
Ou jouër de la pesle a frire.
Ainsi que freslons amassez
Au son des chauderons cassez
Tremoussoit lors foison de garces,
Et les bons tours D' Angoulevent
Valeran emprunta souvent
Pour faire la sauce a ses farces.
Aussi, a la posterité
Ce bel esprit a merité
D' estre nommé dans les provinces
Et dans les plus fameux bordeaux
Le grand prince des maquereaux,
Et le grand maquereau des princes.


Combien de filles de bon lieu
Doivent leur chandelle à ce dieu
Qui r' habilloit leurs friquenelles
Se donnans maints cocus en vert
À tous les diables du Vauvert
Que leurs femmes estoient pucelles.
Car l' astringent medicament
Resserroit tout si proprement
Que le plus expert podalire
Fut-il de la place Maubert,
Ny la matrone de Joubert
N' y eussent trouvé que redire.
Angoulevent, angoule-vin
Esprit de vin, esprit divin,
Trepié des amoureux oracles,
Je te peux bien solemniser
Et dans ces vers canoniser
Puis que tu fis tant de miracles.
Pleurez garces, pleurez souvent
Vostre bon pere Angoulevent,
Qui ne demande autre hecatombe
Que de la cire de vos yeux
Vous allumiez en vos ans vieux
Un cierge benist sur sa tombe.


Icy en repose le corps,
Mais son esprit est sur les bords
D' Acheron aux ondes prisees,
Courtisant charon pour aller
Dans les enfers maquereller
Les ames des Champs Elisees.
Charon, nautonnier renommé,
Si tu me passe à point nommé,
Je jure les yeux de Cyprine,
Et le beau sein de Jenneton,
Que ceste nuict malgré Pluton
Tu joüyras de Proserpine.
À ces mots, Charon, qui n' est plus
Qu' un tronc immobile et perclus
Sent rechauffer sa froide cendre,
Et dans ses membres engourdis,
Renaistre le feu qui jadis
Enflama sa jeunesse tendre.
Deesse (dit-il) mon soleil,
Ne denie un traict de ton oeil
À cette vieille et morte souche,
Ne mesprise mes blancs cheveux
Puis que rajeunir tu me peux
D' un baiser de ta belle bouche.


Angoulevent lors s' avança
Pluton vint qui le repoussa,
Charon entreprend la querelle,
Pluton décharge un aviron
Si fort sur les reins de Charon
Qu' il en fit ployer la nacelle.
Vieu fou, ce ruzé maquereau
Fera de l' enfer un bordeau,
Il nous débauchera la Parque,
Si ce malheur arrive un jour,
Et que la mort face l' amour,
Adieu tes rames et ta barque.
Va Pluton, va vilain jaloux
(dit alors l' esprit en courroux)
Va servir encor de risée
Aux esprits, qui malgré tes loix
Ont veu ta femme mille fois
Se pâmer au sein de Thesée.
Si je passe ce flot mutin
Il n' y a si petit lutin,
Ny demon dans tes noires bornes,
Pour me venger de cét affront
Qui ne te plante sur le front
Chacun un pennache de cornes.


Va donc cocu, va te cacher,
Cupidon sera mon nocher,
Je ne veux fleuve que ses flames,
Sa trousse sera mon batteau,
Ma voile sera mon bandeau,
Et ses fléches seront mes rames.
Non, non (dit l' enfant de Cypris)
Ma mere ne m' a point appris
À favoriser telle peste,
Pour tes voeux je n' ay point d' autel,
Ton feu est terrestre et mortel,
Le mien immortel et celeste.
Ce n' est point moy, non ce n' est point,
Ma belle flame qui époint,
Les ames de ces mercenaires,
La grace d' un corps bien vestu,
Le bel esprit, et la vertu
Sont mes maquereaux ordinaires.
Mon feu, dont je brusle les dieux
Ne touche point ces vicieux,
C' est un démon qui les inspire,
Les presents ne vont m' engageant,
Et jamais ny l' or n' y l' argent
N' eurent de cours en mon empire.


Aussi ces pilliers de Bordeau
Qui achetent d' un maquereau
Remede à leur publique flame,
Monstrent bien qu' ils n' ont point d' attraicts
Et que trop mousses sont leurs traicts
Pour blesser le coeur d' une dame.
Voyez un peu l' orgueil hautain
De ce petit fils de putain
Dit Angoulevent en collere,
Comme il faict de moy peu de cas,
Et l' impudent ne songe pas
Qu' il est maquereau de sa mere.
Est-ce pas ta mere (bastard)
Qui t' a donné ce riche dard,
Ta trousse qui les dieux maistrise,
Et ton arc si bien ciselé
Pour luy avoir maquerellé
Mercure, Adon, Mars et Anchise?
Ma foy si ton commandement
N' est que sur ceux qui vont aymant
Les vertus que tu viens de dire,
L' on te pourra dire en un mot
Que le royaume d' Ivetot
Sera plus grand que ton empire.


Le dieu de l' Olympe estoilé
Eut il jamais depucelé
La belle acrisienne vierge
Qu' on enfermoit dans une tour,
Si plus par or que par amour
Il n' eut corrompu le concierge?
Aussi la science, le rang,
L' honneur, le courage, le sang
Ne font plus aymer la personne,
Amour se vent à tout venant,
Et les dames de maintenant
Sont à qui plus d' argent leur donne.
Qu' on soit tortu, bossu, boiteux,
Ladre, pulmonique, goutteux,
Qu' on aye sué dix verolles,
Extraict d' un ciclope enfumé,
Assez l' on sera estimé
Pourveu qu' on aye des pistolles.
C' est pourquoy (ce dit Cupidon)
Je veux esteindre mon brandon
Fuyant un peuple si barbare,
De peur qu' il me soit reproché
Que mon traict ait jamais touché
Le coeur d' une maistraisse avare.


Lors s' envola comme le vent
Laissant le pauvre Angoulevent,
Qui plein de fureurs maniaques
Se resolut faire un batteau
D' un grand vieux châlit de bordeau
Qu' il avoit pris chez le grand Jacques.
Il prit pour servir d' avirons
Les potences de deux larrons
Qui jadis luy tindrent escorte
Quand le barbier de Sainct Marceau
Luy testonnant si bien la peau
Rendit son esperance morte.
Le voyla donc prest a ramer,
Quand Acheron pour l' abismer
Veut en deux parts ses vagues fendre,
Lors pour faire un fleuve il a pris
Tout ce qu' on sçait que dans Paris
En soixante ans il fit répandre.
Ainsi en despit de Charon,
De Pluton, d' amour, d' Acheron,
L' esprit traversa le rivage,
Et laissa pour memoire au bout
Qu' un maquereau passe par tout
Sans payer tribut ny peage.


Dormez doncques jaloux argus,
Vous ne serez jamais cocus,
Ceste mort vos frayeurs efface:
Il est vray qu' un poëte escrit
Que vos femmes ont trop d' esprit
Pour laisser faillir vostre race.
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Jean Auvray (ca. 1580-ca. 1630) Le tombeau d'angoulement
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