PLUME DE POÉSIES
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 Auguste Barbier (1805-1882) LE REVE DE MONSIEUR PRUDHOMME.

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Auguste Barbier (1805-1882) LE REVE DE MONSIEUR PRUDHOMME. Empty
MessageSujet: Auguste Barbier (1805-1882) LE REVE DE MONSIEUR PRUDHOMME.   Auguste Barbier (1805-1882) LE REVE DE MONSIEUR PRUDHOMME. Icon_minitimeMar 23 Aoû - 18:01

LE REVE DE MONSIEUR PRUDHOMME.

Ma femme, apportez-moi vite mon encrier
Et mes plumes, je veux coucher sur le papier
Le rêve éblouissant de grandeur et d' aisance
Que je viens tout d' un coup de faire pour la France
Ainsi que pour le monde!... assis au champ de Mars
Ce matin, je voyais sous nos fiers étendards
Manoeuvrer bravement les fils de la patrie.
Cavaliers, fantassins, sur la terre pétrie
Avançaient, reculaient, piétinaient, galopaient,
Se tournaient, se croisaient, ou se développaient
En colonnes, en cercle, en parallélogramme,
Épuisant, comme on dit, tous les tons de la gamme
Dans l' évolution de leurs différents corps;
Merveilleux mannequins à faciles ressorts
Dont un seul cavalier au milieu de la plaine
Faisait mouvoir les fils d' une main souveraine.

Quand ils eurent tous bien volté de cent manières,
Haletants, écumants et blanchis de poussière,
Un mouvement d' arrêt de la main, quelques mots
Mirent soudainement cette foule en repos.
Et tous, chefs et soldats, oubliant l' exercice
Et les rudes labeurs de la poudreuse lice,
Vinrent à la cantine, alertes et gaîment
Fêter la vivandière et son doux fourniment.

Quel sublime spectacle, et comme ma pensée
À bon droit avait lieu par lui d' être exercée!
Je me disais: vraiment nous sommes bien niais
D' aller si loin chercher et l' ordre et le progrès.
Républicains fougueux, farouches communistes,
Doux saint-simoniens, élégants fouriéristes,
Utopistes hardis qui depuis cinquante ans
Cassez plus d' une tête et ruinez les gens
Pour leur fournir plus d' aise et les mieux faire vivre,
Sans avoir la hauteur d' esprit qui vous enivre,
Et sans m' être donné surtout autant de mal,
J' ai trouvé le grand mot de l' ordre social,
C' est l' armée... oui, vraiment, tant que son beau système
N' aura pas transformé la famille elle-même,
La terre ne sera qu' un horrible chaos,
Un sol sans consistance et jamais en repos.

Vous riez de mon dire, ô Madame Prudhomme!
Mais ce profond discours n' est point d' un mauvais somme
Le cauchemar fantasque et le rêve malsain,
C' est un rêve de sens... le bien du genre humain.
Si notre belle France est la reine du monde
Elle doit son pouvoir sur la terre et sur l' onde
Sûrement à l' idée heureuse dont le nom
Est ce magique mot: cen-tra-li-sa-ti-on.
Or, cette idée heureuse a l' armée elle-même
Pour incarnation et pour forme suprême.

Ô France! ô mon pays, grand parmi les plus grands!
Qui ne serait point fier d' être un de tes enfants
Quand l' on voit, comme moi, l' exemple que tu donnes
Au reste des humains! -arbitre des couronnes,
Reine des nations, continue à marcher
Dans la route où première et sans jamais broncher
Tu mis pied vaillamment! Chaque jour l' industrie
T' apporte les secours de son puissant génie,
Ses fils électrisés qui s' allongent dans l' air,
Sa bouillante vapeur et ses chemins de fer;
Avec tous ces engins porteurs de la pensée,
Vites comme la foudre à travers cieux lancée,
Tu dois toucher le but où depuis si longtemps
Et par tant de grands rois tu vises et tu tends:
L' enrégimentement de ton beau territoire.
Redouble donc d' efforts, et, jaloux de ta gloire,
Tous les peuples du monde imiteront tes pas,
Et bientôt brillera le jour aux purs éclats
Où l' éternel, du haut de son céleste dôme,
Verra le globe entier marcher comme un seul homme.
Quel moment! J' y crois être en esprit transporté!
C' est alors qu' on pourra dire avec vérité
Que notre genre humain n' est qu' un peuple de frères;
Car n' étant plus sujet à passions contraires,
On ne trouvera plus en toute nation
Qu' une seule pensée, une seule action.
Des plus grosses cités au plus petit village
La règle en ses réseaux tiendra le sexe et l' âge;
Et, comme au régiment, dans l' intérêt commun,
Et pour le juste emploi des forces de chacun,
Les lois ordonneront le temps de toute affaire;
Temps pour être au travail et temps pour ne rien faire,
Temps pour garder la chambre et temps pour en sortir,
Temps pour dîner, souper, déjeuner et dormir,
Temps même... je m' entends.

Madame Prudhomme.
Quoi donc, Monsieur Prudhomme?

Monsieur Prudhomme.
Suffit... n' est pas besoin, ma chère, qu' on vous nomme
La chose!

Madame Prudhomme.
pourquoi pas!

Monsieur Prudhomme.
puisqu' il vous faut les mots:
Temps même pour remplir les devoirs conjugaux.

Madame Prudhomme.
Mais, Joseph, c' est affreux, c' est de la tyrannie,
Car enfin... mais si...

Monsieur Prudhomme.
Quoi!
Madame Prudhomme.
C' est une vilenie
Que d' imposer aux gens...

Monsieur Prudhomme.
Je reconnais bien là
Le bon sens de Moïse alors qu' il s' écria:
Le mal en ce bas monde est entré par la femme!
Ce que vous appelez despotisme, madame,
C' est tout simplement l' ordre au suprême degré.
Voyez les animaux! Pour leur besoin sacré
Ils n' ont qu' une saison, celle des fleurs naissantes;
Mais c' est assez parler de choses transcendantes
Que femme ne saurait entendre sans railler;
Brisons là!... donnez-moi vite plume et papier
Pour que l' humanité, que j' honore et j' estime,
Ne perde pas un mot de mon rêve sublime.
Publié en 1860.




AU BAL DE L'OPERA.
Arlequin et Pierrot se rencontrent au foyer:
Pierrot est seul sur un banc, abîmé dans ses
Réflexions.

Arlequin.
Toujours triste, toujours soucieux, cher Pierrot,
Et toujours mécontent du monde comme un sot!
C' est un tort, un grand tort: il faut fuir la tristesse
Et faire de chaque heure une charmante ivresse.

Pierrot.
Dans mes pensers je suis la constance elle-même;
Vois mon gilet, mes bas et ma figure blême!
Je suis blanc, toujours blanc comme un lis du Carmel.

Arlequin.
Quant à moi, mon habit est l' éclatant symbole
De mes goûts fugitifs comme de ma parole.
Jaune, vert, rouge, bleu, blanc et noir, j' ai vraiment
D' un perroquet bavard le riche accoutrement,
Et sur les papillons ma vertu se modèle.
En ce moment ici, demain là, j' ouvre l' aile
À chaque vent qui passe, et vole sans détour
Courtiser toute fleur de puissance et d' amour.
Changer est, selon moi, véritable sagesse,
Et, comme dit Hégel, ce maître sans second,
Dont on n' a pas encor saisi le sens profond,
Mon cher, je ne suis pas, mais je me fais sans cesse.

Pierrot.
Tu dois te fatiguer beaucoup à ce métier,
Et je ne voudrais pas même un jour l' essayer;
Changer, changer toujours, mon ami, que de peine!
Suer d' âme et de corps, se mettre hors d' haleine,
Et pour attraper quoi? Pour, la plupart du temps,
Pincer des rogatons quand on n' a plus de dents!

Arlequin.
Oui, grand observateur des choses de la vie,
J' en ai bien calculé les chances et j' ai vu
Qu' à changer notre temps n' est point toujours perdu,
Et qu' on gagne parfois à la palinodie
Des places, de l' argent, des décorations,
Un fauteuil au sénat, voire à l' académie,
Et c' est bien quelque chose, ami, que ces lardons.

Pierrot.
Cela dépend du prix qu' on y met, de l' estime
Qu' on en fait. -quant à moi j' aime peu le sublime,
Tu le sais, j' ai des goûts modestes: un bon plat
Cuit à point, un flacon de beaune ou de muscat
Et les embrassements de ma chère Pierrette,
Voilà ce qu' il me faut, tout ce que je souhaite
En ce monde. -pour moi, le reste ne vaut pas
L' effort d' un seul regard, la dépense d' un pas.

Arlequin.
Lorsque le vin est bon, la Pierrette charmante,
Ton système, mon cher, n' est pas à réformer;
Mais le vin peut s' aigrir et ta gentille infante
Suivre un autre caprice et cesser de t' aimer:
Alors que feras-tu dans ta détresse amère?

Pierrot.
Hélas! Ce qu' à cette heure encore on me voit faire,
Regarder tristement la pointe de mes bas
En attendant l' objet aimé qui ne vient pas.

Arlequin.
Et si ta belle amie au bras d' un autre file
Et te laisse en un coin, seul, croquer le marmot,
Est-ce que tu serais, par Vénus! Assez sot
Pour demeurer fidèle à cette âme mobile?

Pierrot.
Mon cher, je ne peux pas changer de naturel.
La constance est mon lot sur ce globe mortel,
Et si Pierrette rit de ma tendresse extrême,
Je suis homme à l' aimer et l' adorer quand même.

Arlequin.
Bon courage, Pierrot, et surtout du bonheur!
Je te laisse en pâture à la mélancolie,
Broie à ton gré du noir, -j' estime trop la vie
Pour la couvrir jamais d' un voile de langueur.
Tu vois là-bas ce gros et grave personnage
Qui s' avance escorté de deux femmes aux bras,
Deux démons babillant et riant aux éclats?

C' est un homme d' état et du plus haut parage.
Il rentre tout à fait dans mes façons de voir.
En ses opinions politiques, ce sage
A, ma foi, plus souvent passé du blanc au noir

Que la lune en un mois n' a changé de visage.
Je pense qu' en amour il a le même usage
Et m' en vais donc avec ses deux lutins et lui
Achever galamment le reste de ma nuit.

Pierrot.
Libre à chacun d' aller où son instinct l' entraîne;
Des êtres d' ici-bas c' est la loi souveraine,
Et la tienne partant... vole de fleurs en fleurs,
Ô léger papillon aux brillantes couleurs.
Bonne chance surtout, car en courant les belles
À plus d' un feu follet on peut griller ses ailes!
Publié en 1862.




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