XIV
Rosa fâchée
Une querelle. Pourquoi ?
Mon Dieu ! parce qu'on s'adore.
À peine s'est-on dit Toi
Que Vous se hâte d'éclore.
Le coeur tire sur son noeud ;
L'azur fuit ; l'âme est diverse.
L'amour est un ciel, qui pleut
Sur les amoureux à verse.
De même, quand, sans effroi,
Dans la forêt que juin dore,
On va rôder, sur la foi
Des promesses de l'aurore,
On peut être pris le soir,
Car le beau temps souvent triche,
Par un gros nuage noir
Qui n'était pas sur l'affiche.
XV
Dans les ruines d'une abbaye
Seuls, tous deux, ravis, chantants !
Comme on s'aime !
Comme on cueille le printemps
Que Dieu sème !
Quels rires étincelants
Dans ces ombres,
Pleines jadis de fronts blancs,
De coeurs sombres !
On est tout frais mariés.
On s'envoie
Les charmants cris variés
De la joie.
Purs ébats mêlés au vent
Qui frissonne !
Gaietés que le noir couvent
Assaisonne !
On effeuille des jasmins
Sur la pierre
Où l'abbesse joint les mains
En prière.
Les tombeaux, de croix marqués,
Font partie
De ces jeux, un peu piqués
Par l'ortie.
On se cherche, on se poursuit,
On sent croître
Ton aube, amour, dans la nuit
Du vieux cloître.
On s'en va se becquetant,
On s'adore,
On s'embrasse à chaque instant,
Puis encore,
Sous les piliers, les arceaux,
Et les marbres.
C'est l'histoire des oiseaux
Dans les arbres.