PLUME DE POÉSIES
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 Victor HUGO (1802-1885) Écoutez-moi. J'ai vécu; j'ai songé.

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Inaya
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Inaya


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Date d'inscription : 05/11/2010

Victor HUGO (1802-1885) Écoutez-moi. J'ai vécu; j'ai songé.  Empty
MessageSujet: Victor HUGO (1802-1885) Écoutez-moi. J'ai vécu; j'ai songé.    Victor HUGO (1802-1885) Écoutez-moi. J'ai vécu; j'ai songé.  Icon_minitimeSam 17 Sep - 0:21

Écoutez-moi. J'ai vécu; j'ai songé.
La vie en larmes m'a doucement corrigé.
Vous teniez mon berceau dans vos mains, et vous fîtes
Ma pensée et ma tête en vos rêves confites.
Hélas! j'étais la roue et vous étiez l'essieu.
Sur la vérité sainte, et la justice, et Dieu,
Sur toutes les clartés que la raison nous donne,
Par vous, par vos pareils, et je vous le pardonne,
Marquis, j'avais été tout de travers placé.
J'étais en porte-à-faux, je me suis redressé.
La pensée est le droit sévère de la vie.
Dieu prend par la main l'homme enfant, et le convie
A la classe qu'au fond des champs, au sein des bois,
Il fait dans l'ombre à tous les êtres à la fois.
J'ai pensé. J'ai rêvé près des flots, dans les herbes,
Et les premiers courroux de mes odes imberbes
Sont d'eux-même en marchant tombés derrière moi.
La nature devient ma joie et mon effroi;
Oui, dans le même temps où vous faussiez ma lyre,
Marquis, je m'échappais et j'apprenais à lire
Dans cet hiéroglyphe énorme: l'univers.
Oui, j'allais feuilleter les champs tout grands ouverts;
Tout enfant, j'essayais d'épeler cette bible
Où se mêle, éperdu, le charmant au terrible:
Livre écrit dans l'azur, sur l'onde et le chemin,
Avec la fleur, le vent, l'étoile; et qu'en sa main
Tient la création au regard de statue;
Prodigieux poëme où la foudre accentue
La nuit, où l'océan souligne l'infini.
Aux champs, entre les bras du grand chêne béni,
J'étais plus fort, j'étais plus doux, j'étais plus libre;
Je me mettais avec le monde en équilibre;
Je tâchais de savoir, tremblant, pâle, ébloui,
Si c'est Non que dit l'ombre à l'astre qui dit Oui;
Je cherchais à saisir le sens des phrases sombres
Qu'écrivaient sous mes yeux les formes et les nombres;
J'ai vu partout grandeur, vie, amour, liberté;
Et j'ai dit: Texte: Dieu; contre-sens: royauté.

La nature est un drame avec des personnages:
J'y vivais: j'écoutais, comme des témoignages,
L'oiseau, le lys, l'eau vive et la nuit qui tombait.
Puis je me suis penché sur l'homme, autre alphabet.

Le mal m'est apparu, puissant, joyeux, robuste,
Triomphant; je n'avais qu'une soif: être juste;
Comme on arrête un gueux volant sur le chemin,
Justicier indigne, j'ai pris le coeur humain
Au collet, et j'ai dit: Pourquoi le fiel, l'envie,
La haine? Et j'ai vidé les poches de la vie.
Je n'ai trouvé dedans que deuil, misère, ennui.
J'ai vu le loup mangeant l'agneau, dire: Il m'a nui!
Le vrai boitant; l'erreur haute de cent coudées;
Tous les cailloux jetés à toutes les idées.
Hélas! j'ai vu la nuit reine, et, de fers chargés,
Christ, Socrate, Jean Huss, Colomb; les préjugés
Sont pareils aux buissons que dans la solitude
On brise pour passer: toute la multitude
Se redresse et vous mord pendant qu'on en courbe un.
Ah! malheur à l'apôtre et malheur au tribun!
On avait eu bien soin de me cacher l'histoire;
J'ai lu; j'ai comparé l'aube avec la nuit noire
Et les quatre-vingt-treize aux Saint-Barthélémy;
Car ce quatre-vingt-treize où vous avez frémi,
Qui dut être, et que rien ne peut plus faire éclore,
C'est la lueur de sang qui se mêle à l'aurore.
Les Révolutions, qui viennent tout venger,
Font un bien éternel dans leur mal passager.
Les Révolutions ne sont que la formule
De l'horreur qui, pendant vingt règnes s'accumule.
Quand la souffrance a pris de lugubres ampleurs;
Quand les maîtres longtemps ont fait, sur l'homme en pleurs,
Tourner le Bas-Empire avec le Moyen Age,
Du midi dans le nord formidable engrenage;
Quand l'histoire n'est plus qu'un tas noir de tombeaux,
De Crécys, de Rosbachs, becquetés des corbeaux;
Quand le pied des méchants règne et courbe la tête
Du pauvre partageant dans l'auge avec la bête;
Lorsqu'on voit aux deux bouts de l'affreuse Babel
Louis Onze et Tristan, Louis Quinze et Lebel;
Quand le harem est prince et l'échafaud ministre;
Quand toute chair gémit; quand la lune sinistre
Trouve qu'assez longtemps l'herbe humaine a fléchi,
Et qu'assez d'ossements aux gibets ont blanchi;
Quand le sang de Jésus tombe en vain, goutte à goutte,
Depuis dix-huit cents ans, dans l'ombre qui l'écoute;
Quand l'ignorance a même aveuglé l'avenir;
Quand, ne pouvant plus rien saisir et rien tenir,
L'espérance n'est plus que le tronçon de l'homme;
Quand partout le supplice à la fois se consomme,
Quand la guerre est partout, quand la haine est partout,
Alors, subitement, un jour, debout, debout!
Les réclamations de l'ombre misérable,
La géante douleur, spectre incommensurable,
Sortent du gouffre; un cri s'étend sur les hauteurs;
Les mondes sociaux heurtent leurs équateurs;
Tout le bagne effrayant des parias se lève;
Et l'on entend sonner les fouets, les fers, le glaive,
Le meurtre, le sanglot, la faim, le hurlement,
Tout le bruit du passé, dans ce déchaînement!
Dieu dit au peuple: Va! l'ardent tocsin qui râle,
Secoue avec sa corde obscure et sépulcrale
L'église et son clocher, le Louvre et son beffroi;
Luther brise le pape et Mirabeau le roi!
Tout est dit. C'est ainsi que les vieux mondes croulent.
Oh! l'heure vient toujours! des flots sourds au loin roulent.
A travers les rumeurs, les cadavres, les deuils,
L'écume, et les sommets qui deviennent écueils,
Les siècles devant eux poussent, désespérés,
Les révolutions, monstrueuses marées,
Océans faits des pleurs de tout le genre humain.
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Victor HUGO (1802-1885) Écoutez-moi. J'ai vécu; j'ai songé.
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