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 Victor HUGO (1802-1885) L'arbre Éternité vit sans faîte et sans racines.

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Inaya
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Inaya


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Victor HUGO (1802-1885) L'arbre Éternité vit sans faîte et sans racines.  Empty
MessageSujet: Victor HUGO (1802-1885) L'arbre Éternité vit sans faîte et sans racines.    Victor HUGO (1802-1885) L'arbre Éternité vit sans faîte et sans racines.  Icon_minitimeSam 17 Sep - 0:54

L'arbre Éternité vit sans faîte et sans racines.
Ses branches sont partout, proches du ver, voisines
Du grand astre doré;
L'espace voit sans fin croître la branche Nombre,
Et la branche Destin, végétation sombre,
Emplit l'homme effaré.

Nous la sentons ramper et grandir sous nos crânes,
Lier Deutz à Judas, Nemrod à Schinderhannes
Tordre ses mille noeuds,
Et, passants pénétrés de fibres éternelles,
Tremblants, nous la voyons croiser dans nos prunelles
Ses fils vertigineux.

Et nous percevons, dans le plus noir de l'arbre,
Les Hobbes contemplant avec des yeux de marbre,
Les Kant aux larges fronts;
Leur cognée à la main, le pied sur les problèmes,
Immobiles; la mort a fait des spectres blêmes
De tous ces bûcherons.

Ils sont là, stupéfaits et chacun sur sa branche.
L'un se redresse, et l'autre, épouvanté, se penche.
L'un voulut, l'autre osa,
Tous se sont arrêtés en voyant le mystère.
Zénon rêve tourné vers Pyrrhon, et Voltaire
Regarde Spinosa.

Qu'avez-vous donc trouvé, dites, chercheurs sublimes?
Quels nids avez-vous vus, noirs comme des abîmes,
Sur ces rameaux noueux?
Cachaient-ils des essaims d'ailes sombres ou blanches?
Dites, avez-vous fait envoler de ces branches
Quelque aigle monstrueux?

De quelqu'un qui se tait nous sommes les ministres;
Le noir réseau du sort trouble nos yeux sinistres;
Le vent nous courbe tous;
L'ombre des mêmes nuits mêle toutes les têtes.
Qui donc sait le secret? le savez-vous, tempêtes?
Gouffres, en parlez-vous?

Le problème muet gonfle la mer sonore,
Et, sans cesse oscillant, va du soir à l'aurore
Et de la taupe au lynx;
L'énigme aux yeux profonds nous regarde obstinée;
Dans l'ombre nous voyons sur notre destinée
Les deux griffes du sphynx.

Le mot, c'est Dieu. Ce mot luit dans les âmes veuves,
Il tremble dans la flamme; onde, il coule en tes fleuves,
Homme, il coule en ton sang;
Les constellations le disent au silence;
Et le volcan, mortier de l'infini, le lance
Aux astres en passant.

Ne doutons pas. Croyons. Emplissons l'étendue
De notre confiance, humble, ailée, éperdue,
Soyons l'immense Oui.
Que notre cécité ne soit pas un obstacle;
A la création donnons ce grand spectacle
D'un aveugle ébloui.

Car, je vous le redis, votre oreille étant dure,
Non est un précipice. O vivants! rien ne dure;
La chair est aux corbeaux;
La vie autour de vous croule comme un vieux cloître;
Et l'herbe est formidable, et l'on y voit moins croître
De fleurs que de tombeaux.

Tout, dès que nous doutons, devient triste et farouche.
Quand il veut, spectre gai, le sarcasme à la bouche
Et l'ombre dans les yeux,
Rire avec l'infini, pauvre âme aventurière,
L'homme frissonnant voit les arbres en prière
Et les monts sérieux;

Le chêne ému fait signe au cèdre qui contemple;
Le rocher rêveur semble un prêtre dans le temple
Pleurant un déshonneur;
L'araignée, immobile au centre de ses toiles,
Médite; et le lion, songeant sous les étoiles,
Rugit: Pardon, Seigneur!

Jersey, cimetière de Saint-Jean, avril 1854.

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Victor HUGO (1802-1885) L'arbre Éternité vit sans faîte et sans racines.
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