PLUME DE POÉSIES
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.

PLUME DE POÉSIES

Forum de poésies et de partage. Poèmes et citations par noms,Thèmes et pays. Écrivez vos Poésies et nouvelles ici. Les amoureux de la poésie sont les bienvenus.
 
AccueilPORTAILS'enregistrerDernières imagesConnexion
 

 Victor HUGO (1802-1885) Qui que tu sois qui tiens un peuple dans ta main,

Aller en bas 
AuteurMessage
James
FONDATEUR ADMINISTRATEUR
FONDATEUR ADMINISTRATEUR
James


Masculin
Dragon
Nombre de messages : 149127
Age : 59
Localisation : Mon Ailleurs c'est Charleville-Mézières
Date d'inscription : 04/09/2007

Victor HUGO (1802-1885) Qui que tu sois qui tiens un peuple dans ta main, Empty
MessageSujet: Victor HUGO (1802-1885) Qui que tu sois qui tiens un peuple dans ta main,   Victor HUGO (1802-1885) Qui que tu sois qui tiens un peuple dans ta main, Icon_minitimeDim 18 Sep - 14:43

qui que tu sois qui tiens un peuple dans ta main,
sultan, czar pseudo-grec, césar pseudo-romain,
roi pour rire, empereur pour pleurer, Claude ou Jacques,
bonjour. Prospère, mange et règne, et fais tes pâques.
Je ne conteste pas ton prestige, et l' émoi
que cause aux bonnes gens Ta Majesté. Pour moi,
quand dans la rue un roi, que sa garde enveloppe,
doré, superbe, orné de sabres nus, galope,
ma foi, je tourne moins la tête que si c' est
Lise qui passe avec une rose au corset ;
mais c' est un goût bizarre, et tous les autres hommes
admirent qui leur fait payer de grosses sommes.
Donc sois heureux. Jouis du droit qu' on a d' abord
d' avaler son voisin si l' on est le plus fort ;
va ! Dans la probité des princes rien n' accroche ;
leur conscience auguste et sainte est une poche
si grande qu' il y tient un royaume, et qu' on peut
y fourrer tout un peuple et dessus faire un noeud,
et saisir Oldenbourg, Nassau, Hambourg, Hanovre,
d' un tour de main, avec le riche, avec le pauvre,
avec châteaux, budgets et millions, avec
prêtres et sénateurs, le Te Deum au bec.
Par-dessus le marché, vous êtes un grand homme.
C' est fait. Bandit, fi donc ! C' est héros qu' on vous nomme.
Prenez Francfort, ou bien Venise avec Saint-Marc.
Ce qui fut Metternich est aujourd' hui Bismarck ;
Tibère est un lion dont Séjan est la griffe.
Puisque le maître est grand, qu' importe l' escogriffe.
Tout est bien. Hurrah ! Prince ! Aie un casque pointu.
Flanque au bagne l' honneur, la gloire, la vertu ;
ôte à ceux-ci leur droit, à ceux-là leur patrie ;
complète ta grandeur par de la Sibérie ;

soit. Mais aie à l' esprit ceci présent, mon cher.
En même temps qu' on est de marbre, on est de chair.
Parfois on est un monstre en croyant être un ange,
mais, quoi qu' on fasse, on est un homme. Chose étrange,
un roi, cela vieillit, même un roi fort puissant.
Les rois ont des poumons, de la bile, du sang,
un coeur, qui le croirait ? Et même des entrailles ;
la fièvre avant l' émeute a fréquenté Versailles ;
le ventre peut manquer de respect ; les boyaux
osent mal digérer les aliments royaux ;
bons rois ! Dieu joue avec leur majesté contrite ;
dans la toute-puissance il a mis la gastrite ;
il faut bien l' avouer, dût en frémir d' Hozier,
ainsi que les dindons, les rois ont un gésier ;
Louis le Grand avait un anus ; on constate
quelquefois, chez César lui-même, une prostate ;
Charles neuf, faible et mou comme un jonc sous le vent,
fut par les vers de terre habité tout vivant.
Or les sages pensifs font remarquer aux princes
qu' il est toujours aisé d' empoigner des provinces,
mais qu' un roi ne peut prendre, en eût-il grand besoin,
un muscle de son râble au crocheteur du coin.
Un césar souvent porte, à son dos qui cahote,
son empire moins bien qu' un chiffonnier sa hotte,
mais il ferait tuer ses preux jusqu' au dernier
avant de conquérir les reins du chiffonnier.
Majesté, vous aurez plutôt Rome, la Chine,
l' Inde, qu' une vertèbre ou deux de son échine.
La migraine se plaît sous les couronnes d' or ;
malgré l' huissier de garde au fond du corridor,
elle entre. Trop d' azote et pas assez d' ozone,
c' est assez pour qu' allant du Gange à l' Amazone,
le choléra-morbus s' abatte à plomb sur vous ;
l' effrayant typhus passe, il rend les hommes fous,



vous êtes empereur, mais gare tout de même.
Vous dites : je suis presque un Alexandre. On m' aime !
Eh bien, même Campaspe et même éphestion
n' ont pas à votre place une indigestion.
C' est doux d' avoir, avec des vins à pleine amphore,
des femmes plus que n' a de vagues le Bosphore ;
sérails et festins sont charmants, et malfaisants.
Les gens de Géorgie apportent tous les ans
une vierge au sultan, c' est une politesse ;
mais ne peuvent, hélas, quand même sa hautesse
daignerait les rouer de coups de nerf de boeuf,
avec la viande fraîche offrir l' estomac neuf.
On crache, on tousse, même en la plus haute sphère.
La nature est parfois insolente. Qu' y faire ?
On est le grand passant d' Arcole et d' Iéna ;
on est le cavalier de la victoire ; on a
pour soleil Austerlitz et pour ombre Brumaire,
si bien que Juvénal vous prend aux mains d' Homère ;
cela n' empêche pas le sternum d' exister.
Qui frappe ? C' est la mort qui vient vous débotter,
sire. On a beau régner, se faire un entourage
de trompettes, d' encens, de fumée et d' orage ;
on a beau se coiffer de lauriers sur les sous,
avoir sous soi le peuple en paysans dissous,
être le criméen, l' africain, le dacique,
s' asseoir sur l' aigle ainsi que le Jupin classique,
se loger au Kremlin, vivre à l' Escurial,
au moment où l' on est le plus impérial,
à l' heure où l' on remplit de son nom les deux pôles,
voilà qu' on est poussé dehors par les épaules.
à rien ne sert d' aller se cacher dans des trous.
Dieu vient. On perd sa peine à fermer les verrous.
Ce fâcheux-là n' est point un de ceux qu' on évite.



Hélas, mon prince, on meurt brutalement et vite.
Il suffit d' un cheval emporté, d' un gravier
dans le flanc, d' une porte entr' ouverte en janvier,
d' un rétrécissement du canal de l' urètre,
pour qu' au lieu d' une fille on voie entrer un prêtre.

H.. -H.. --6 juin 1870.

_________________
J'adore les longs silences, je m'entends rêver...  
James

Victor HUGO (1802-1885) Qui que tu sois qui tiens un peuple dans ta main, Une_pa12Victor HUGO (1802-1885) Qui que tu sois qui tiens un peuple dans ta main, Plumes19Victor HUGO (1802-1885) Qui que tu sois qui tiens un peuple dans ta main, James_12Victor HUGO (1802-1885) Qui que tu sois qui tiens un peuple dans ta main, Confes12


Victor HUGO (1802-1885) Qui que tu sois qui tiens un peuple dans ta main, Sceau110
Revenir en haut Aller en bas
https://www.plumedepoesies.org
 
Victor HUGO (1802-1885) Qui que tu sois qui tiens un peuple dans ta main,
Revenir en haut 
Page 1 sur 1
 Sujets similaires
-
» Victor HUGO (1802-1885) Un peuple était debout, et ce peuple était grand.
» Victor HUGO (1802-1885) Au peuple
» Victor HUGO (1802-1885) Au peuple
» Victor HUGO (1802-1885) Au peuple
» Victor HUGO (1802-1885) L'art et le peuple

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
PLUME DE POÉSIES :: POÈTES & POÉSIES INTERNATIONALES :: POÈMES FRANCAIS-
Sauter vers: