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 Victor HUGO (1802-1885) Les grands corps de l'état

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MessageSujet: Victor HUGO (1802-1885) Les grands corps de l'état   Victor HUGO (1802-1885) Les grands corps de l'état Icon_minitimeMar 20 Sep - 15:36

Les grands corps de l'état

Ces hommes passeront comme un ver sur le sable.
Qu'est-ce que tu ferais de leur sang méprisable ?
Le dégoût rend clément.
Retenons la colère âpre, ardente, électrique.
Peuple, si tu m'en crois, tu prendras une trique
Au jour du châtiment.

Ô de Soulouque-deux burlesque cantonade !
Ô ducs de Trou-Bonbon, marquis de Cassonade,
Souteneurs du larron,
Vous dont la Poésie, ou sublime ou mordante,
Ne sait que faire, gueux, trop grotesques pour Dante,
Trop sanglants pour Scarron,

Ô jongleurs, noirs par l'âme et par la servitude,
Vous vous imaginez un lendemain trop rude,
Vous êtes trop tremblants,
Vous croyez qu'on en veut, dans l'exil où nous sommes,
À cette peau qui fait qu'on vous prend pour des hommes ;
Calmez-vous, nègres blancs !

Cambyse, j 'en conviens, eût eu ce cœur de roche
De faire asseoir Troplong sur la peau de Baroche ;
Au bout d'un temps peu long,
Il eût crié : cet autre est pire ! qu'on l'étrangle !
Et, j 'en conviens encore, eût fait asseoir Delangle
Sur la peau de Troplong.

Cambyse était stupide et digne d'être auguste ;
Comme s'il suffisait pour qu'un être soit juste,
Sans vices. sans orgueil,
Pour qu'il ne soit pas traître à la loi, ni transfuge,
Que d'une peau de tigre ou d'une peau de juge
On lui fasse un fauteuil !

Toi. peuple, tu diras : - ces hommes se ressemblent.
Voyons les mains, - et tous trembleront comme tremblent
Les loups pris aux filets.
Bon. Les uns ont du sang, qu'au bagne on les écroue,
A la chaîne ! Mais ceux qui n'ont que de la boue,
Tu leur diras : - Valets !

La loi râlait, ayant en vain crié : main-forte !
Vous avez partagé les habits de la morte.
Par César achetés,
De tous nos droits livrés vous avez fait des ventes ;
Toutes ses trahisons ont trouvé pour servantes
Toutes vos lâchetés !

Allez, fuyez, vivez ! pourvu que, mauvais prêtre,
Mauvais juge, on vous voie en vos trous disparaître,
Rampant sur vos genoux,
Et qu'il ne reste rien, sous les cieux que Dieu dore,
Sous le splendide azur où se lève l'aurore,
Rien de pareil à vous !

Vivez, si vous pouvez ! l'opprobre est votre asile.
Vous aurez à jamais, toi. cardinal Basile,
Toi, sénateur Crispin,
De quoi boire et manger dans vos fuites lointaines
Si le mépris se boit comme l'eau des fontaines,
Si la honte est du pain !

Peuple, alors nous prendrons au collet tous ces drôles,
Et tu les jetteras dehors par les épaules
À grands coups de bâton ;
Et dans le Luxembourg, blancs sous les branches d'arbre,
Vous nous approuverez de vos têtes de marbre,
Ô Lycurgue, ô Caton !

Citoyens ! le néant pour ces laquais se rouvre ;
Qu'importe, ô citoyens ! l'abjection les couvre
De son manteau de plomb.
Qu'importe que le soir, un passant solitaire,
Voyant un récureur d'égouts sortir de terre,
Dise : tiens ! c'est Troplong !

Qu'importe que Rouher sur le Pont-Neuf se carre,
Que Baroche et Delangle. en quittant leur simarre,
Prennent des tabliers,
Qu'ils s'offrent pour trois sous, oubliés quoiqu'infâmes,
Et qu'ils aillent, après avoir sali leurs âmes,
Nettoyer vos souliers !


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