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 Victor HUGO (1802-1885) L'an deux mille, Nemrod, passant les flots émus

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Inaya
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Inaya


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MessageSujet: Victor HUGO (1802-1885) L'an deux mille, Nemrod, passant les flots émus   Victor HUGO (1802-1885) L'an deux mille, Nemrod, passant les flots émus Icon_minitimeJeu 29 Sep - 21:58

L'an deux mille, Nemrod, passant les flots émus,
Vint jusqu'à Dodanim que nous nommons l'Hémus.
Là, dans un noir désert dont le lion est l'hôte,
Il entendit quelqu'un qui parlait à voix haute.
C'était Orphée. Orphée au front calme, écouté
Par la sombre nature émue à sa clarté,
Homme à qui se frottait le dos des bêtes fauves,
Racontait aux forêts, aux vents, aux vieux monts chauves,
La bataille où les dieux vainquirent les typhons.
Voici ce que disait Orphée aux bois profonds :

« Les géants n'avaient plus de montagnes. Leur fuite
« Commençait, et l'Europe était presque détruite.
« Ils avaient entassé Pinde, Ossa, Pélion,
« Rhodope, et ces monts noirs d'où fuyait le lion,
« Nus, renversés, fumaient d'éclairs et de brûlures,
« Et leurs torrents pendaient comme des chevelures.
« Et les géant s couraient vers les mers où fut Tyr.
« Ils voyaient les dieux vaincre, et Neptune engloutir
« Oromédon sous Cos, Polybe sous Nisyre.
« Thryx embrasé fondait comme un flambeau de cire.
« Porphyrion, levant ses mains vides, criait
« A la terre, rôdant au loin, spectre inquiet :
« Mais apporte-nous donc une montagne, mère!
« Crès, par la foudre étreint, lui jetait l'onde amère.
« Andès, frère d'Astrée et père de Thallo,
« S'en allait à grands pas au plus profond de l'eau,
« Et jusqu'à la ceinture avait la mer Egée;
« Zeus Jupiter vint, la main d'éclairs chargée,
« Et lui cria : Sois pierre, ô monstre! Et le géant
« Vit Zeus, devint roche et s'arrêta béant.
« Et Titan dit : Merci! tu nous donnes des armes!
« Et, pendant que tremblait la terre, aïeule en larmes,
« Il courut, et, prenant Andès par le milieu,
« Il jeta le géant à la tête du dieu.»

Et Nemrod rêveur dit : Titan est mon ancêtre.

Il revint vers les monts où l'on voit l'aube naître;
Il rentra dans Assur que la splendeur revêt.
Son glaive, d'où la guerre était sortie, avait
Une tache inconnue, empreinte indélébile,
Que Nemrod par moments contemplait immobile.

Un soir, dans un lieu sombre où marchait ce bandit,
Une voix qui parlait dans un rocher, lui dit :
- Passe, Dieu reste. - Et lui, cria : J'ai pour royaume
Le monde; toi, qu'es-tu? - La voix reprit : - Fantôme,
Je suis Melchisédech, je vivrai dans mille ans. -
Nemrod dit : - Qu'as-tu vu depuis que dans ses flancs
Ce roc t'enferme? - Et l'être enfoui sous la pierre
Dit : « - Je suis âme, et l'âme est un oeil sans paupière.

« Le monde a commencé par être horrible. Avant
« Que le front se dressât plein de l'esprit vivant,
« Avant que, dominant l'animal et la plante,
« La pensée habitât la prunelle parlante,
« Et qu'Adam, par la main tenant Eve, apparût,
« L'ébauche fourmillait dans la nature en rut,
« Le poulpe aux bras touffus, la torpille étoilée,
« D'immenses vers volants, dont l'aile était onglée,
« De hauts mammons velus, nés dans les noirs limons,
« Troublaient l'onde, ou levaient leurs trompes sur les monts.
« Sous l'enchevêtrement des forêts inondées
« Glissaient des mille-pieds, long de cinq cent coudées,
« Et de grands vibrions, des volvoces géants
« Se tordaient à travers les glauques océans.
« L'être était effrayant. La vie était difforme.
« Partout rampait l'impur, l'affreux, l'obscur, l'énorme.
« La vermine habitait le globe chevelu.
« Et l'homme était absent; Dieu n'ayant pas voulu
« Donner ce noir spectacle à voir à l'âme humaine.
« Satan, dans ce lugubre et féroce domaine,
« Passait, comme un chasseur qui souffle dans son cor;
« Mais, avant ce temps-là, c'était plus sombre encor.
« Tout l'univers n'était qu'une morne fumée.
« Ainsi que des oiseaux dans une main fermée,
« L'horreur tenait captifs le germe et l'élément.
« Un tout, qui n'était rien, vivait confusément.
« Des apparitions flottaient sur l'insondable.
« Au fond de cette brume étrange et formidable,
« Comme si, quoique rien ne fût encor puni,
« Le gouffre eût essayé d'engloutir l'infini,
« On voyait, aux lueur des visions funèbres,
« S'ouvrir et se fermer la gueule des ténèbres.
« Partout apparaissait, à l'oeil épouvanté,
« La face du néant, faite d'obscurité.
« A chaque instant, le fond redevenait la cîme;
« Et, comme une nuée au-dessus d'un abîme,
« Dans cette ombre où rampaient les larves des fléaux,
« Le monstre Nuit planait sur la bête Chaos.
« C'était ainsi quand Dieu se levant, dit à l'ombre :
« Je suis. Ce mot créa les étoiles sans nombre,
« Et Satan dit à Dieu : Tu ne seras pas seul. »

Nemrod pensif cria : - Satan est mon aïeul.
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Victor HUGO (1802-1885) L'an deux mille, Nemrod, passant les flots émus
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