LE VERSO DE LA PAGE
De Victor Hugo
Non, ce n'est pas la fin. Non, non, tout n'est pas dit.
morne anxiété qui germe et qui grandit!
Tourment de la pensée après l'oeuvre achevée!
Stupeur de l'aigle esprit en voyant sa couvée!
Scrupules du songeur sur ce qu'il a songé.
Se venger, c'est la loi du passé submergé.
C'est la vieille coutume et c'est la vieille table;
Tout n'est pas dit après le verdict lamentable
Prononcé-paries cris, les pleurs, les désespoirs.
Vous êtes des:bourreaux vous-mêmes, masques noirs 2!
Et le bourreau. n'a pas' le dernier la parole.
L'avenir triomphant veut une autre auréole
Que l'âpre flamboiement 'des. expiations.
Dieu, vous m'envoyez les pâles-visions;
Dieu, comment choisir dans' toutes ces nuées?
La vierge est implacable; et les. prostituées
Sont féroces; le mal, le bien sont toujours prêts,
Hélas, à se servir des mêmes couperets!
Les révolutions, ces grandes affranchies!
Sont farouches; étant filles des'mônarchies.
Donc, quand le genre humain voulut, enfin lassé,
Entrer dans l'avenir et sortir. du passé,
Il n'aperçut pas d'autre ouverture que celle
Qui s'offrait, sous ce fer où l'éclair étincelle,
Entre ces deux poteaux, chambranles effrayants!
Oui, c'est la: seule issue,_hommes, ô tristes pas fuyants;
Sortez par ce sépulcre. O mystère insondable!
Hélas! c'est du passé la porte formidable!
Entrez dans l'avenir par ce pas sépulcral.
C'est à travers le mal qu'il faut sortir du mal.
Le genre humain, pour fuir de la sanglante ornière,
Marche sur une tête humaine, la dernière;
C'est avec de l'enfer qu'il commence les cieux;
Car l'homme en écrasant le monstre est monstrueux.