PLUME DE POÉSIES
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.

PLUME DE POÉSIES

Forum de poésies et de partage. Poèmes et citations par noms,Thèmes et pays. Écrivez vos Poésies et nouvelles ici. Les amoureux de la poésie sont les bienvenus.
 
AccueilPORTAILS'enregistrerDernières imagesConnexion
 

 Victor HUGO (1802-1885) Un homme est innocent; son voisin le dénonce.

Aller en bas 
AuteurMessage
Invité
Invité




Victor HUGO (1802-1885) Un homme est innocent; son voisin le dénonce.  Empty
MessageSujet: Victor HUGO (1802-1885) Un homme est innocent; son voisin le dénonce.    Victor HUGO (1802-1885) Un homme est innocent; son voisin le dénonce.  Icon_minitimeLun 31 Oct - 23:52

Un homme est innocent; son voisin le dénonce.
Gisquet dont le sourcil facilement se fronce,
Ou n'importe quel autre Anglès ou Valentin,
Fait saisir l'homme au saut du lit un beau matin;
L'homme résiste et veut s'enfuir; mauvaises notes;
On l'insulte, il réplique; on lui met les menottes;
Il dit:. Je n'ai rien fait! C'est vrai; mais il a tort
De crier le plus haut n'étant pas le plus fort;
On le lui fait sentir en serrant les poucettes.
Coupable, vous cédez; mais innocent, vous êtes
Idiot; vous luttez, vous ruez, vous avez
La rage, quand le sang coule entre les pavés,
De croire que le juge examine et diffère,
Et que, n'ayant rien fait, on ne doit rien vous faire.
Le juge, examiner! différer! à quoi bon?
On entre jeune au bagne et l'on en sort barbon,
Prenez garde, c'est là le sort du réfractaire.

Vous avez ce devoir, souffrir, ce droit, vous taire;
Être rebelle est grave, être innocent est vain;
Sachez que la justice est la justice, enfin,
Et vous êtes un gueux, puisqu'on vous brutalise!
La police ressemble au sable où l'on s'enlise;
Plus on se débat, plus on enfonce. Jamais
Les grands et les heureux qui sont sur les sommets
Ne se penchent vers ceux qu'engloutit la justice.
Tombez dans l'eau, soyez pris sous une bâtisse
Qui s'effondre, ou plongé dans quelque horrible puits,
De partout il vous vient des amis, des appuis,
Jeune, vieux, riche, pauvre, et tout sexe et tout âge,
Chacun va s'employer pour votre sauvetage,
Vous êtes secouru, servi, plaint, assisté;
Mais ne naufragez pas sous la société!
L'état saigne pourtant s'il perd un membre utile,
Et dans un homme, c'est' le peuple qu'on mutile;
Ce misérable était honnête, bon et doux;
Savez-vous qu'il avait une famille, vous?
Bah! Qu'importe! On le jette en une casemate.
D'un mécanisme horrible il devient l'automate;
La chiourme le manie en ses rudes ressorts.
Debout! réveille-toi! Travaille! Rentre! Sors!
Tout à coup on l'embarque, on l'envoie à Cayenne.
Cette bête aux regards de sphinx, aux cris d'hyène,
La mer, le prend, rugit, hurle, et va le cacher
Derrière l'horizon; là-bas, sur un rocher,
Dans une ombre où le bruit de l'homme arrive à peine.
Là, tout est brume, oubli, gouffre; un souffle de haine
Vient du ciel, et les flots semblent des ennemis.
Là, l'espèce de crime inconscient commis
Par nous tous sur ce pauvre inconnu, se consomme.
La nuit spectre enchaîné, le jour bête de somme,
Il est un chiffre; il n'a pas droit même à son nom;
Il vit dans un carcan, il dort sous le canon;
Ses froids bourreaux sont là dès l'aube, et leur complice,
L'aurore, en se levant travaille à son supplice,
Et les captifs s'en vont labourer deux à deux
Quelque affreux champ brûlé sous le soleil hideux;
En faisant des forçats la loi fait des fantômes;
Les nuages, l'azur, les cieux, tous ces grands dômes,
Leur semblent le plafond d'airain de leur malheur.

Lui, qui n'est pas faussaire; assassin ni voleur,
Sous l'écrasant fardeau qu'il traîne, triste atome,
Vaincu, stupide, il bâille; et l'on verse pour baume
Goutte à goutte l'affront sur" son tragique ennui;
Une plaie effroyable et sinistre est en lui,
On la lui lave avec de l'acide nitrique.
Le Code, cette hache, a pour manche une trique,
Et ce glaive hautain s'achève en vil bâton;
Si parfois s'accoudant, le poing sous le menton,
Fiévreux,. malade, il rêve, un gourdin le réveille;
Il a.toujours un bruit de chaînes dans l'oreille,
Il est on ne sait quoi d'abject et de battu,
Un chien le flaire et gronde, un mouchard lui dit tu,
Quel sort! labeur sans fin, pain noir, paille pourrie!...

Un jour, un bruit profond se fait dans la. patrie,
La Marseillaise ailée arrive dans le vent,
Et l'on dit à ce mort: Lève-toi!..Sois vivant.
La mer courbe ses flots, la France ouvre sa porte,
Il revient. Il avait une femme,. elle est morte;

Un fils, on ne sait pas ce qu'il est devenu;
Une petite fille, ange à l'oeil ingénu,
Était sa joie; il voit dans la rue une femme
Qui rit, bras nus, seins nus, fleurs au front, gaie, infâme;

C'est elle. Et maintenant la ville est en rumeur;
La Révolution, formidable semeur,
Disperse aux quatre coins des cieux l'âpre colère;
Alors dans ce coeur sombre et funeste, il éclaire,
Il tonne dans cette âme, et cet homme n'est plus
Qu'.une sorte de gouffre en proie aux noirs reflux;
Dans cet infortuné le deuil immense écume.
Où donc. est la mitraille? Où donc est le bitume?
C'est son tour d'être horrible, il l'est. Il grince, il mord;
Pas de pitié! Ce juge, à bas! ce prêtre, à mort!
Il tue, il pille, il brûle, il massacre, il égorge.
Un innocent qu'on frappe est un bandit qu'on forge.

Paris, 28. novembre.
Revenir en haut Aller en bas
 
Victor HUGO (1802-1885) Un homme est innocent; son voisin le dénonce.
Revenir en haut 
Page 1 sur 1
 Sujets similaires
-
» Victor HUGO (1802-1885) Le Progrès, calme et fort et toujours innocent
» Victor HUGO (1802-1885) Voilà l'homme. Qui donc a dit: l'homme est sublime!
» Victor HUGO (1802-1885) L’Homme
» Victor HUGO (1802-1885) L’Homme.
» Victor HUGO (1802-1885) L'homme a ri

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
PLUME DE POÉSIES :: POÈTES & POÉSIES INTERNATIONALES :: POÈMES FRANCAIS-
Sauter vers: