SOUFFREZ, ô PRÉCURSEURS!
Malheur dans les bas-fonds, malheur sur les hauteurs,
A vous, penseurs, esprits, marcheurs, libérateurs!
L'ignorance ne sait que jeter de la haine;
L'esclave mord la main qui vient briser sa chaîne;
L'enfer punit quiconque a rêvé paradis.
Nous étions les proscrits, nous étions les maudits;
Et cinq ans, et dix ans, et vingt ans nous vécûmes
D'outrages, de fureurs, de cris, d'affronts, d'écumes;
Tous; ceux-ci dans l'exil, ceux-là sous les barreaux.
Le progrès est un char que fouettent lès bourreaux,
Qui pour ornière a l'ombre et le sang, et pour roue
Le martyre. Qu'un homme aux hommes se dévoile,
Hélas, c'est la première énigme qu'ici-bas
L'homme ne comprend pas et ne devine pas;
C'est ce qui fait grandir les épines aiguës,
C'est ce qui fait pousser dans l'ombre les ciguës.
XXXIII
L'aquilon change, et mèt la poupe où fut la proue;
Il ne faut pas beaucoup de temps pour qu'une roue
Tourne, et pour que le bas soit en haut, et souvent
Ce qui semble tombé riposte en se levant:
Nous reprendrons nos droits,-nos terres, nos provinces;
Et le vent qu'il fera ce jour-là, rois et princes,
Allez le demander au moulin de Valmy!
Oh! je le vois, ce jour splendide! on a dormi,
On s'éveille; la France est là, redevenue
Déesse; et son front rit, et son épée est nue;
Cette fumée en fuite au loin, c'est l'ennemi.
Le firmament, car Dieu ne fait rien à demi,
Pose son arc-en-cièl profond sur nos deux villes.
Non, je ne pense pas que les rois soient tranquilles.
Je n'ai plus qu'une joie au monde, leur souci.
Je dis presque aux bourreaux de mon pays.: merci!
Et puisque d'un enfer peut naître une genèse,
Je ne suis pas fâché d'être dans la fournaise;
Purification du feu, je te bénis!
Les phénix lumineux ont les brasiers pour nids;
L'âme s'augmente et luit dans la flamme; est esclave
Tout ce qui ne sort pas vivant du bain de lave,
Et je trouve l'épreuve utile 'Croîs, lion 18.
J'attends.
Rois, consommez votre rébellion.