LE PRINCE FAINÉANT
Il n'est trésor que de vivre à son aise.
VILLON.
Guy, mon père,
N'use point,
A rien faire
Son pourpoint.
Pas de fête
Qu'il n'apprête,
Casque en tête,
Dague au poing.
Mon grand-père,
Navarrois,
Fit la guerre
Pour la croix,
Sous Alonze
Coeur-de-bronze,
En l'an onze
Cent vingt-trois.
Jean de Mesme
Son aïeul
Qui dort blême
Au linceul,
Dans Toulouse
La jalouse,
Contre douze
Luttait seul.
Mes ancêtres
Fort vantés,
Portaient, maîtres
Des comtés,
Sur la marge
D'un dos large
Une charge
De cités.
L'un d'eux, Eudes
De Montfort,
Fut des leudes
Le plus fort,
Son épaule
Jusqu'au pôle
.Portait. Dôle,
Sans effort.
Le grand-père
De ceux-là,
Noir sicaire
D'Attila,
Vieille lame,
Eut dans l'âme
Plus de flamme
Que l'Hékla.
Moi, leur mince
Suppléant,
Suis le prince
Fainéant.
Mon bras casse,
S'il déplace
Leur cuirasse
De géant.
Car d'entailles
Moins friand,
Des batailles
Souriant,
Tout me lasse,
Fêtes, chasse,
Dire: grâce,
En priant!
Même aux belles
J'ai mépris,
Et loin d'elles
Mon coeur pris
Laisse, en somme,
Faire un somme
Aux cerfs, comme
Aux maris.
30 juin-1« juillet 1828.