Le marquis de Bade a deux cornes;
Il en décore son blason.
Je désire peu que tu m'ornes
De cette parure, ô Suzon.
Belle, tu n'as point d'armoiries,
Mais ton doux rire est enchanteur;
Bois aux sources, jamais taries,
Et crois au ciel, jamais menteur.
Ces princes, que l'ombre enveloppe,
Avaient toujours l'épée en main;
Ils conquéraient souvent l'Europe,
Et quelquefois le grand chemin.
Guerre au dehors, guerre civile,
Tout plaisait à ces hasardeux;
Calmes, ils laissaient dans leur ville
Leur femme, avec un page ou deux.
Ces fiers badois au piéd allègre
Firent la guerre aux fils d'Orcan,
Au négus, magot chrétien nègre,
Au grand Knez, cousin du grand Khan,
Aux pays de neige et de sable,
A Vienne, où régnait le dauphin,
A Chypre, à Zante, à Rome, au diable;
Ils voyagèrent tant qu'enfin
Ces marquis, sujets aux absences,
Jaloux des cornes du bison,
Ajoutèrent ces excroissances
A la grandeur de leur maison.
Bade, 10 septembre 1865