CHANSON DE BORD 152
Marin, l'onde est une femme.
Crains le sable, crains la lame,
Crains le rocher.
C'est vers Pluton que tu vogues.
Les flots sont -les bouledogues -
Du noir boucher.
La Bourrasque, pâle et nue,
Traîne un linceul dans la nue,
Disent les vieux.
La' place des yeux est vide
Sous son grand crâne livide
Et pluvieux.
Dès qu'on est dans cette écume,
On a comme un bruit d'enclume
Dans le tympan
La vague saute sur l'homme;
Le vent se comporte comme'
Un' chenapan.
Qui s'en tire gagne un quine..
La mer est une coquine,
Disent les vieux.
La mer est une sauvage.
Le flot toujours du rivage
Est envieux.
Toute la terre fleurie
Ne serait qu'une prairie
Et qu'un gazon
Sans cette mer de ténèbres
Qui gonfle ses plis funèbres
A l'horizon.
Malheur à qui lève l'ancre!
Elle est la bouteille d'encre
Qu'un jour trouva
Satan que l'envie enivre,
Et qu'il vida sur le livre
De Jéhova.