Aucune délicatesse
N'est plus riante ici-bas
Que celle d'une comtesse
Mouillant dans l'herbe ses bas.
Au gré du vent qui la mène,
Dans les fleurs, dans le gazon,
La beauté de Célimène
Prend les grâces de Suzon.
Elle montrait aux pervenches,
Aux verveines, sous ses pas,
Ses deux belles jambes blanches,
Qu'elle ne me cachait pas.
On se tromperait de croire '
Que les bois n'ont pas des yeux
Et, dans leur prunelle noire,
Plus d'un rayon très joyeux.
Souvent tout un bois s'occupe
A voir deux pieds nus au bain,
Ou ce frisson d'une jupe
Qui fait trembler Chérubin.
Les bleuets la trouvaient belle;
L'air vibrait; il est certain
Qu'on était fort épris d'elle
Dans le trèfle et dans le thym.
Quand ses légères bottines
Enjambaient le pré charmant,
Ce tas de fleurs libertines
Levait la tête gaîment.
Et je disais: Prenez garde,
Le muguet est indécent.
Et le liseron regarde
Sous votre robe en passant.
Ses pieds fuyaient... Quel délire
D'errer dans les bois chantants!
Oh! le frais et divin rire
Plein d'aurore et de printemps!
Une volupté suprême
Tombait des cieux entr'ouverts.
Je suivais ces pieds que j'aime;
Et, dans les quinconces verts,
Dans les vives cressonnières,
Moqueurs, ils fuyaient toujours;
Et ce sont là les manières
De la saison des amours.
J'admire, ô jour qui m'enivres,
Ô neuf soeurs, ô double mdnt!
Les savants qui font des livres
D'être les taupes qu'ils sont,
De fermer leur regard triste
A ce que nous contemplons,
Et, quand ils dressent la liste
Des oiseaux, des papillons,
Des mille choses ailées,
Moins près de nous que des cieux,
Qui volent dans les allées
Du grand parc mystérieux,
Dans les prés, sous les érables,
Au bord des eaux, clairs miroirs,
D'oublier, les misérables,
Ces petits brodequins noirs!