Le frissonnant essaim des pâles Euménides
Met les effrois
Dans l'homme, et ne veut pas laisser les âmes vides
Et les coeurs froids;
Elles vont secouant sur nos fronts une chaîne
Avec des chants,
Leur fonction étant de nous emplir de haine
Pour les méchants;
Et ces femmes de l'ombre, éparses et volantes,
Rôdent dans l'air,
Furieuses, et font.des colères trop lentes
Jaillir l'éclair;
- Allons! réveille-toi! ne vois-tu pas Tibère?
Viens! fais un' pas!
Est-ce que pour frapper la foudre délibère?
Ne vois-tu pas
Le.mal partout; ici le crime et là le vice;
Judas rêvant;
Ce roi, ce juge, l'un achetant la justice
Que l'autre vend?
Frappe! - Ainsi vont grondant les gorgones sublimes;
Et leur vertu,
Sinistre, ouvre au songeur l'horizon des abîmes;
Et dis: Viens-tu?
Et le poète suit ces filles formidables.
- Monstres, j'accours!
C'est bien! Et; sur 'le ,haut des monts inabordables,
Dans les bois sourds;,
Dans l'inclément désert, sur l'âpre mer sonore,
La sombre nuit
Est contente; et, plus bas, dans les prés où l''aurore
S'épanouit,
Dans l'azur, dans l'été, dans l'herbe et dans. les mousses,
Dans la chaleur,
Dans l'idylle, on entend toutes les choses douces
Qui sont en fleur,
L'églantier, le rosier plein d'une âme invisible,
Le frais buisson,
Dire en voyant passer le poète terrible.:.
Il a raison.
6 décembre.