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 Victor HUGO (1802-1885) J'ai tordu dans ma fournaise

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MessageSujet: Victor HUGO (1802-1885) J'ai tordu dans ma fournaise   Victor HUGO (1802-1885) J'ai tordu dans ma fournaise Icon_minitimeJeu 22 Déc - 19:33

J'ai tordu dans ma fournaise
« Les géants de la Genèse,
« Les titans aux bras nerveux;
« Brûlant leur cri dans leurs "bouches,
« Je les emportais farouches,
« Mes éclairs dans' leurs cheveux!

« J'ai 'dévoré 'sons leurs dômes
Les cinq rois des cinq sodomes,
« Gur, Zaïm, Henôch,' Eloph,
« Bél, monstre aux mains jamais lasses... -
« Maintenant tu me remplaces,'
« Talon de botte d'Orloff "!

'« Orloff est, mon frère sombre;
,« Tous' deux, sous nos pieds, dans l'ombre,
« Débout sur le même char,
« Nous écrasons, moi l'étoile
« De Satan que la nuit voile,
« Lui les yeux crevés du czar.

« Mais qu'est-ce donc?''à cette heure,
« Orloff lui-même est un ' leurre!
« Les rois monstres. triomphants
« S'endorment .parmi les cierges,
« Souriants comme des vierges,
« Sereins comme des enfants!

« Ces meurtriers dans leur ville
« Ont pour oreiller tranquille
« Leurs crimes inexpiés
« Leur front doucement s',y penche;
« Et Tobolsk 1e, leur chienne blanche,
« Mange un peuple sous leurs pieds!

« Tandis que, pour leurs chimères,
« Pleurent les soeurs et les mères,
« Que leur nom, fait de remord;
« D'épouvante et de huées;
« Sort du milieu des nuées
« Comme un clairon de la mort;

« Tandis que leur feu dévore,
« Et que, dû soir à l'aurore
« Et de l'aube jusqu'au soir,
« Toute la terre enflammée '
« Roule autour d'eux sa fumée
« Comme un lugubre encensoir;
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« Ils font venir leurs familles;
« Ils prodiguent à leurs filles
« Leurs caresses d'Attila;
«.Puis ils bénissent le monde... -
« Et dis-moi donc, mer profonde,
« Qu'est-ce que nous faisons là?

« Puisque tu ne sais pas même,
« Mer, gonfler ton flot suprême,
« Et l'emplir de Jéhovah,
« Et prouver que Dieu t'habite,
« Et faire une hydre subite
« De la couleuvre Néva;

« Puisque l'eau que tu gouvernes
« N'ose entrer dans les cavernes,
« Que tu lui dis: Viens-nous-en!
« Puisqu'un trône est un refuge,
« Que toi, qui fus le déluge,
« Tu n'es plus que l'océan;

« Puisque la justice boîte;
« Puisque, moi, qu'en sa main droite
« Tient l'ouragan plein de bruit;
« Moi dont l'abîme est l'ornière,
« La grande raison dernière
« Du mystère et de la nuit;

« Puisque moi, la flamme ardente
« Qui sers de prunelle à Dante,
« La semeuse du trépas,
« Moi que fuit l'âme éperdue,
« Moi, la bombe inattendue
« Du mortier qu'on ne voit pas,

« Puisque je ne suis plus bonne
« Qu'à faire un bruit monotone
« Ainsi que les moucherons,
« Et que, stupide, je roule,
« Aux mains d'un joueur de boule,
« Sur le plafond des Nérons;

« Puisque Dieu ne sait qu'absoudre,
« Je m'en vais! » - Ainsi la foudre,
Dans le ciel que l'ombre emplit,
Parle à la sombre marée,
Et rugit, désespérée
Qu'un czar meure dans son lit.

18 avril 1855.
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