F°' 128-129 1840. Océan, 140.
Vous dites : De nos jours nul n'est impunément
Calomniateur vil, impudent pamphlétaire.
La loi force la haine et l'envie à se taire.
La charte de juillet; code grave et jaloux,
Met le droit de chacun sous la.garde de tous;
La presse libre, fière, inquiète, morose, .
Monstre aux milliers' d'yeux, regarde toutè chose.
Qu'un gueux vienne insulter un juste, cent journaux
Donnent confusément l'éveil aux tribunaux.
Et coetera. Malheur à quiconque ose enfreindre!...
Sachez que dans ce siècle un seul homme est à craindre,
Un seul homme, est sacré, malgré plainte et clameurs,
Celui devant lequel tremblent les imprimeurs,
Celui qui peut en frais, chicanes arbitraires,
Coûts et procès-verbaux, ruiner les libraires!
Le reste, on vous le livre! - Oh! mais pour celui-là,
Si jamais jusqu'à lui votre pamphlet vola,
Vous ne trouverez plus un imprimeur qui veuille
Auprès de votre nom signer un quart de feuille.
Diable! n'y touchez point! vous. seriez hors la loi.
Vous croyez à la presse, au procureur du roi?
Bah! - Peignez votre siècle à la manière noire,
Bavez sur l'innocence et crachez sur la gloire,
Déchirez tout! Soyez le diable Légion,
Niez famille, honneur, vertu, religion,
Traînez le roi Louis-Philippe dans la boue,
Souffletez Jésus-Christ sur l'une et l'autre. joue,
Rimez en chenapan qui n'a ni feu ni lieu,
Insultez l'empereur, maltraitez le bon Dieu,
.N'ayez au cceur, que fiel, furie et frénésie,
On vous laissera faire à votre fantaisie,
Dire n'importe quoi touchant n'importe qui;
Canoniser Marat, diviniser Fieschi,
Et par les quatre coins incendier la ville,
Pourvu que vous laissiez monsieur Cavé tranquille!
Je relis après trente ans ces vers faits. en 1840, et je trouve inutile
de les avoir faits. Pour.qui? contre qui? à,quoi bon?
Aujourd'hui, je suis au grand point de vue de la vérité, et quand
une chose me met en colère, elle en vaut la peine. H.H., mars 1870.
LE MANUSCRIT 24.788
1852-1870