F° 48 147/331. 1853. Cf. Massin, XII, p. 1529.
La pluie épanche ses rosées;
Le vent de nuit tord les buissons;
Les âmes frappent aux croisées,
Et disent : c'est nous qui passons.
Océan, p. 407.
Que de fois, poursuivi d'un tourbillon de rêves,
J'ai lancé mon cheval au galop sur tes grèves 8,
-O sauvage océan,
Écoutant [regardant]; dans un hymne aux clameurs éloquentes
Les vagues se mêler. [délirer, écumer] ainsi que les bacchantes
Dans l'antique Paean!
Et pensif j'écoutais les vagues- éloquentes
Se parler, se répondre ainsi que les bacchantes
- Dans l'antique Paean!
147/345. 1854.
... Et l'on voit dans la nuit se tourner vers la mort,
Dur pourvoyeur des catacombes
Qui va, jetant au vent les âmes et les os,
Comme vers le semeur le bec noir des oiseaux,
La mâchoire ouverte des tombes.
1854. Océan, 96.
Tout marche; c'est la loi de l'homme.
Planer, ramper; entrer, sortir;
Paris suivra Corinthe et Rome;
Londres suivra Carthage et Tyr.
Ainsi flottent nos destinées,
Pendant que, foules entrainées,
Allant d'où nul n'est revenu,
Nous errons, battus des tempêtes,
Nous te regardons sur nos têtes,
Ô nuit, dessous de l'inconnu!
Tout marche. Il est seul immobile,
Lui, le songeur du firmament,
Que le prophète et la sibylle
Contemplent éternellement.
Jamais les gouffres sur leurs dalles
N'entendent sonner ses sandales;
Il ne change jamais de lieu,
Tandis que l'ombre enfle nos voiles,
Et c'est vous que j'atteste, étoiles,
Clous de la semelle de Dieu!
F° 52 6/218. Océan, 61.
'La branche de houx
Jeanne disait : toujours je te serai fidèle,
Et je t'adorerai toute une éternité.
Un moineau franc
Éternité!
La branche de houx
Et Jean lui répondait : tu seras toujours belle;
Dieu dans le marbre blanc a sculpté ta beauté.
Une éphémère
Éternité!
La branche de houx
La jeunesse est sans fin! chantons! s'écriait-elle;
Après le doux printemps vient le joyeux été.
Fo 49
F° 51
1852-1870 985
Un feu follet
Éternité!
La branche de houx
J'ai de l'or, disait Jeanne, et des troupeaux sans nombre,
Le riche est toujours grand, puissant, et respecté.
Une fumée
Éternité!
La branche de houx
Elle mourut; sa bouche avait ce souffle sombre
Qui semble un bruit-de l'ombre et de l'immensité.
'Une étoile
Éternité!
24 janvier 1855.
[Au v° une'version antérieure de Contemplations, I, XXIII]
3 147/133. 1854-55.
Misère-prostitution-ignorance-les riches
Et le soir ils courent aux antres
Et, pleins de la sombre Vénus,
Ils s'en vont regarder des ventres -
Et des cuisses et des seins' nus;
Et l'ombre est 'triste en sonnant l'heure,
Et sur ses filles Ève' pleure,
Spectre sinistre du chemin.
Par le corps vil l'âme est tuée.
Hélas! toute prostituée
Est mère du grand deuil humain.
Et cette nature immortelle
De quelle façon pèse-t-elle
Sur la lugubre humanité?
Ô sombre meute [émeute] des tempêtes.
F° 54 147/132. Vers 1855.
Envie, affronts sans fin ni trêves, .
Haines aux regards effrayants!
Je t'entends passer dans mes rêves,
Nuage des chiens aboyants.
F° 55 1854-55.
Ô noir Machiavel! es-tu ce que tu sembles?
Machiavel -
Ta pensée apparaît sinistre à tous les yeux;
Ton livre a par moments des sens mystérieux
Dont frissonne le moins timide,
Comme on se sent parfois, la nuit, d'horreur glacé
Lorsqu'on tâte en des lieux oùle meurtre a passé
Une herbe vaguement humide.