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 Victor HUGO (1802-1885) J'ai tout pesé, j'ai vu le fond, j'ai fait la somme,

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Victor HUGO (1802-1885) J'ai tout pesé, j'ai vu le fond, j'ai fait la somme, Empty
MessageSujet: Victor HUGO (1802-1885) J'ai tout pesé, j'ai vu le fond, j'ai fait la somme,   Victor HUGO (1802-1885) J'ai tout pesé, j'ai vu le fond, j'ai fait la somme, Icon_minitimeSam 31 Déc - 13:32

J'ai tout pesé, j'ai vu le fond, j'ai fait la somme,
Et je n'ai pas distrait un chiffre du total;
J'ai mis le nécessaire en regard du fatal;
Je n'ai pas reculé devant le syllogisme;
La vérité dût-elle être mère du schisme,
J'ai voulu que le vrai jaillît et triomphât;
J'ai remué dix fois les os de Josaphat;
J'ai tâché, les heurtant, d'en tirer l'étincelle;
J'ai compulsé l'antique archive universelle;
Et l'énigme semblait toujours s'approfondir;
Et c'était le zénith et c'était le nadir;
Et les aspects changeaient de l'étoile au cloaque;
Du juge Samuel j'allais au juge Éaque;
J'ai comparé les deuils, confronté, discuté,
J'ai du dilemme humain touché l'extrémité;
La tâche était ardue, et mon âpre logique
Marchait, et de tout boire avait la soif tragique;
Quel accablement d'être à ceci parvenu
Qu'entre l'enfant vêtu de pourpre et l'enfant nu,
Entre les fiers palais dont tonne l'embrasure,
Dont le seuil triomphal rayonne, et la masure,
Entre l'ilote grec et le césar romain,
Entre le mendiant, fantôme du chemin,
Larve obscure, et le roi que la foule célèbre,
On ne sait qui choisir pour pleurer! - Nuit funèbre!

Quand donc tous les enfers s'évanouiront-ils?
Quand, ayant un rayon sous chacun de ses cils,
L'aube apparaîtra-t-elle, après tant d'affreux rêves?
Quand se lèvera-t-il, ce jour saint où les Grèves,
Les Tyburns monstrueux, les hideux Montfaucons
S'écrieront sous les cieux pleins d'astres : Abdiquons!
Dieu! quand luira l'aurore et le siècle, la vie,
La paix, la joie ouvrant le ciel qui nous convie,
La liberté splendide aux regards enivrés?
Oh! brisez tous les fers, Dieu vivant! délivrez
Le bourreau du supplice et le tyran du trône!


Partout, du Gange au Rhin, du Tibre à l'Amazone,
L'homme souffre, et l'esclave et le maître sont las;
Le joug lui-même crie, et tout le mal, hélas!
Vient de ce qu'au vrai jour on n'ouvre pas les âmes.
Frères, au désert noir trop longtemps nous errâmes,
Et, guidés au hasard, marchant sans voir, rampants,
Nous en avons subi les hideux guet-apens.
Tout le crime ici-bas est fait par l'ombre lâche.
Haïssons, poursuivons sans trêve, sans relâche,
Les ténèbres, mais non, frères, les ténébreux.
Frappés par eux, broyés par eux, pleurons sur eux.
Ah! si l'on eût tourné vers la clarté leur crâne,
S'ils eussent eu leur part de la céleste manne,
S'ils eussent vu le vrai, tous ces infortunés,
Seraient-ils les bourreaux, les monstres, les damnés?
Non, tout homme qui voit la lumière, l'adore.
Non, non! je plains Sélim, je plains Héliodore,
Je plains Caligula, Rhamsès, Achmet; je plains
Tous les Domitiens et tous les Ezzelins;
Je plains Vitellius et Mézence; j'excuse
Le fou de Trianon, le fou de Syracuse,
Les Gengis, les Thamas, dans l'éclair apparus,
Néron brisant Sénèque, Henri brisant Morus,
Cosme, Héliogabale, Omar, Philippe, Osée;
Et je dis à la Nuit : Répondez, accusée.
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