PLUME DE POÉSIES
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 Jean Auvray(1590-1633) LES VISIONS DE POLIDOR

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MessageSujet: Jean Auvray(1590-1633) LES VISIONS DE POLIDOR   Jean Auvray(1590-1633) LES VISIONS DE POLIDOR Icon_minitimeDim 8 Jan - 21:53

LES VISIONS DE POLIDOR



Les visions de Polidor, en la cité de Nisance,
Pays armorique.
Un satyrique feu boüillant dans mes arteres,
J' escry ces visions aux severes censeurs,
Mais nul soit si hardy d' expliquer ces mysteres,
S' il n' est des plus sçavans au mestier des neuf soeurs.
De ces critiques vers moüelleux en substance
Le sens tropologic est du tout interdit,
À ceux qui n' ont humé l' air pesteux de Nisance,
N' y espluché les moeurs de ce peuple maudit.
Nisance est une ville aux isles armoriques
Dont les flancs sont souvent d' un grand fleuve battus
Où ne sont que serpens, que monstres fameliques,
Gens yvrongnes, grossiers, ennemis des vertus.


Là dans un vieux dongeon, je vy, ô cas indigne!
Plusieurs masles couplez d' un furieux amour
L' on me dit que c' estoient des pescheurs à la ligne,
Et que l' invention en venoit de la cour.
Aussi j' y vy pescher d' un jeune capitaine
L' honorable drapeau par cét accouplement,
L' autre au bout de sa ligne un cabinet entraine,
L' autre une pension, l' autre un gouvernement.
L' un qui portoit au cu la gregue boutonnée,
Les caleçons fendus en planche de sapin:
Me dit qu' un brave Mars assisté d' hymenee,
Avoit bany du ciel Ganimede et Jupin.
Quand j' eu consideré tant de jeunes moustaches,
Qui monstroient rechignant leur postures tous nus,
Je vy bien que j' estois en l' isle des bardaches
Où jamais n' habita la doüillette Venus.
Laissant ces pelerins aller à Sainct Fiacre,
Fuyans du pont de Sé les tonnerres grondants,
Je vy le chaperon d' un gerfaut, ou d' un sacre,
Qu' une hostesse invoquoit pour la rage des dents.
Hecatte estoit au bout de sa nocturne borne,
La nuist des-atelloit ses penibles moreaux,
Lors que le dieu Morphé par la porte de corne


Me fit voir en songeant ces prodiges nouveaux.
Je vy d' un magasin sortir une gargoüille
Qui engloutit vivant un grand monopoleur,
Un capitaine battre à grands coups de quenoüille:
Et l' ame de Calvin dans le corps d' un volleur.
Ce voleur s' enfuyant de la nouvelle Egypte
Emportoit les thresors des pauvres orphelins,
Alors qu' un surveillant adverty de la fuite,
Rompit à Chalanton l' escluse des moulins.
Deux chevesches je vy qui fondans des montagnes,
Des cris sepulcraliers menaçoient jour et nuict
Un tortu chastagner dont les branches brehagnes
Steriles ne portoient ny fueille, ny fleur, ny fruict.
Je vy Endimion, l' amoureux de Diane,
Prisonnier endormy d' un grand rocher couvert,
Fabrice et Metellus porter oreilles d' asne,
Et changer leur calotte en un chaperon vert.
Prés d' un grand carrefour une donzelle enrage,
Front ridé, nez chancreux, dos à vis de pressoir,
Qui disoit en pleurant: est-ce pas grand dommage
Quand la beauté deffaut à cul de bon vouloir!
Un difforme cyclope, un monstre de nature,


Plus cornu que les cerfs et les dains boccagers,
Mettoit dans sa chaudiere un froc à la teinture,
Où l' aumusse pendoit d' un chanoine d' Angers.
Il me sembloit à voir qu' un florissant royaume
En ruyne tomboit par trop de nouveauté,
Quand le vineux Bacchus caché dans un heaume
Par ses menades fut en triomphe porté.
Qui pourroit exprimer l' honneur que ces evantes
Sur le mont Citheron faisoient au bromien?
Les dances de cibelle avec ses coribantes
Prenant possession du sceptre Nysion?
Plus bas au fond obscur d' une salle venelle
Une vieille ridee aux cheveux tous chenus,
Disoit qu' en son jardin croissoit de la morelle,
Qui jettoit de la glace au brazier de Venus.
Passant chemin, je vy une cabarettiere,
Qu' un scribe carressoit dessus un tabouret,
La deesse Themis devenir taverniere,
Et le greffe tenir dedans un cabaret.
Je vy plaine de vin une infame boiteuse
Qui grommelant disoit à son vieux sacerdos
Quelle enrageoit de voir que sa fille amoureuse,
Faisoit à leur instar de la beste a deux dos.


Se couchiant disoit une vefve maigrette,
Qui vouloit faire encor piquer son canevas,
Qu' elle estoit grasse au cul ainsi que l' aloüette,
Et que les bons morceaux n' estoient pas les plus gras.
Apres l' on me monstra la grand jument d' estampe
Que jadis chevaucha le bon Pentagruel,
Qui metamorphosee en une vieille lampe,
Esclairoit ses enfans au chemin du bordel.
Lors parut à mes yeux un spectacle effroyable,
Ce fut un veau couplé sur ceste grand jument,
Dont un monstre n' acquist qui fut si formidable
Qu' on le mit aussi tost du ventre au monument.
Je vy dans un pastis des gloutonnes sang-suës,
Sucçant le bien d' autruy, s' emplir de sang humain,
Et d' un coq gigantal les poules dissoluës
Qui rongeoient jusqu' aux os l' honneur de leur prochain.
La glapissante voix de ces poules jazardes
J' entendois murmurer aux foyers des voisins,
Quand un affreux scadron d' infernalles lezardes
Emporta loin le coq la poule et les poussins.
Je vy sous un baril l' aurore matinale,
Lasse des froids baisers de son vieillard espoux,
Prendre furtivement le dard de son cephale


Qui brassoit la vandange entre ses deux genoux.
Dans les prés bondissoit une gaillarde poûtre
À qui l' estre d' amour aiguillonnoit la peau,
Qui brusloit d' un desir de se faire tout-outre
Par un franc chevalier de l' ordre du cordeau.
Il est vray qu' il aura fortune assez prospere,
Pourveu qu' en femme il soit bien-heureux desormais,
Car qu' il porte avec soy le colier de son pere
Et s' il gaigne tousjours il ne perdra jamais.
Mon extaze passant ses regulieres bornes,
Me transporte en l' obscur d' un solitaire bois,
Dont les chesnes branchus ne portoient que des cornes
Que l' oiseau de thronax anime de sa voix.
Lors le spectre je vy d' une grand' femme morte
Qui me dit, Polidor, voici où j' ay vescu,
Cét oyseau vergongneux qui chante de la sorte
C' est mon sot de mary transformé en cocu.
Les cornes que j' avois dessus son chef, plantees
À force de dancer ici les matassins,
En memoire il les a sur ces arbres entées
Afin d' en ombrager le front de ses voisins.
Rebroussant mon chemin, je rencontre un Prothée,


Marchand, fermier, sergeant, procureur au barreau,
Je luy dy, mon amy, ta cervelle esventee
Briguera quelque jour l' office de bourreau.
Arriva de Saumur une nymphe des nostres
Qui sçavoit du manege autant que Pluvinel,
Que la vieille Baucis disant ses patenostres
Acheta pour monture à son fils Darinel.
Ma foy je pensois estre en l' isle des pygmées
Quand je vy tant de nains courir dans ce Bordeau,
Mais voici qu' à l' instant quatre putains pommées
Firent la reverence à la grande Ysabeau.
Marthe, Urbane, Renotte, et la grosse Perrine
Laisserent à Flipot ce petit quolibet
Qu' il luy falloit autant de garces en cuisine
Qu' il falloit de pilliers à construire un gibet.
Montant vers le coq d' Inde on oyt un bruit de chaines
Et de gens cuirassez un horrible combat,
Mais je vy que c' estoit le medecin des chesnes
Qu' un démon rapportoit tout armé du sabath.
À voir son pasle teint, son visage d' incube,
Ses yeux de loup-garou, sa gorge de cocu,
L' on jugea qu' il s' estoit accouplé d' un succube,
Et qu' il avoit vilain baisé le diable au cu.


Je vy sous un peuplier la rousse de Tantale
Monstrer à son valet le signe des poissons,
Tandis qu' un daim poussif montoit une quevalle,
Qui brusque le portoit souvent hors des arçons.
Chez un petit boiteux, trois rustres de Baviere
Par Mercure faisoient gresser leur canepin,
Cependant que l' hostesse au dieu porte-lumiere
Follastroit toute nuë à l' ombrage d' un pin.
Environ ce temps-là mourut de la pepie
Chicanoux, l' avalleur de fours et de moulins,
Reposeroit au ciel l' ame de ceste harpie,
Qui s' engraissa jadis du sang des orphelins?
Sisamne y vit encor gentillatre à Sutane,
Qui craint que Cambisez ne le face escorcher,
Escorcher! Et pour quoy? La peau de ce grand asne
Ne vaut pas seulement pour payer le boucher.
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Jean Auvray(1590-1633) LES VISIONS DE POLIDOR
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