CONTRE UNE DAME TROP MAIGRE
Non, je ne l' ayme point ceste carcasse d' os,
Qu' on ne m' en parle plus, quoy qu' il y ait du lucre,
J' ayme autant embrasser l' image d' Atropos,
Ou me laisser tomber tout nud dans un sepulchre.
Dés la premiere nuict de nos embrassemens,
J' imaginay sa chambre estre un grand cimetiere
Son corps maigre sembloit un monceau d' ossemens,
Son linceul un suaire et sa couche une biere.
Ce seroit violer le droict des trespassez
De toucher sacrilege à ses membres ethiques,
Je les baiserois bien s' ils estoient enchassez,
Comme au travers d' un verre on baise les reliques.
Belle, dis-je, (tastant la peau de son teton)
Pour ne me point blesser lors que je vous embrasse,
Il faudroit vous garnir les membres de cotton,
Ou que je fusse armé d' un bon corps de cuirasse.
Quand je touche aux rasoirs de vostre hastelet,
Je n' oserois mesler mes os avec les vostres,
Vostre mere vous fit disant son chapelet
Puis que tout vostre corps n' est que de patinostres.
Au chalit innocent j' eusse dit ces propos,
Pour quoy faut-il jaloux que si haut tu caquettes?
Mais, je cognus la dame au cliquetis des os,
Comme on cognoit un ladre au bruit de ses cliquettes.
Son meusnier l' autre jour revenant du marché,
(piqueur alternatif de ceste haridelle)
Me dit qu' il en avoit le cu tout escorché,
Et que son asne estoit plus franche d' amble qu' elle.
Un jour que ce vieux fut d' arquebuze à gibier
Je tastonnois par tout, je luy dy, ô ma mie,
Que vous auriez besoin d' un excellent barbier
Pour enfiler les os de vostre anatomie!
Ce corps qui va craquant aussi tost qu' on l' estreint
Me semble trop fragile aux amoureux approches,
Il vaut mieux le garder pour le vendredy sainct
Servir de tournevelle au deffaut de nos cloches.
Que ces peres devots s' aillent doncques cacher
Qui estiment catin trop charnelle et gaillarde,
Si paillardise n' est que peché de la chair,
Catin ne fut jamais ny putain, ny paillarde.