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 Isaac de Benserade (1612?-1691) Contre Une Laide.

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MessageSujet: Isaac de Benserade (1612?-1691) Contre Une Laide.   Isaac de Benserade (1612?-1691) Contre Une Laide. Icon_minitimeJeu 2 Fév - 20:57

Contre Une Laide.

Bien que nous soyons seuls vôtre crainte est frivole,
Fiez-vous-en à mon respect:
Ne tremblez point, cruelle, & que je vous cajole
Sans que mon feu vous soit suspect.

Vous n'êtes pas trop laide & nature un peu chiche
Vous a traitée honnêtement.
Mais avec tout cela, si vous n'étiez point riche,
Où trouveriez-vous un amant?

Vos yeux au gré des miens, ont une foible amorce,
Et ne versent qu'un jour obscur;
Je pense toutefois qu'ils ont beaucoup de force,
Mais c'est que je suis un peu dur.

Que sçait-on si jamais vous n'allumez de flâmes,
Et ne plaisez à d'autres goûts;
Cependant je m'accorde avec toutes les femmes,
Et je tiens mon coeur contre vous.

Vôtre bouche en riant fait que mon nez rechigne
Du noir desordre de vos dents,
Sans que je leur impute une vapeur maligne
Qui vient peut-être du dedans.

J'aime sur vôtre front cette guerriere audace
Où l'on voit l'amour en courroux,
Et ce poil tout brûlé vous sert de bonne grace,
Puisqu'il vous sert sans être à vous.

Parmy vos agrémens nature desavouë
Une fi gluante splendeur;
Et ce rouge acheté, qui dessus vôtre jouë
Fait l'office de la pudeur.

Vous n'avez bras ni mains, teint, ou lévres vermeilles,
De gorge il ne s'en parle point;
On se mocque chez vous de ces riches merveilles,
Et de jeunesse & d'embonpoint.

Aussi tant de beauté n'est pas un avantage
Qui serve d'un grand ornement;
Si vous êtes pas belle, au moins êtes-vous sage,
Ou la serez incessamment.

Une belle se damne, on la presse, on l'enflâme,
On fait contre elle cent efforts :
Afin de vous sauver, le Ciel a mis vôtre ame
En sureté dans vôtre corps.

Ce sera pour vos biens si l'on vous importune;
Et si quelqu'un vous aime un jour,
Afin de le blesser il faut que la fortune
Dérobe des traits à l'amour.

Si le coeur vous en dit, & si vôtre ame goûte
Les appas d'un si doux peché,
Achetez un galand; quelque cher qu'il vous coûte,
Vous aurez toûjours bon marché.

Vous le verrez tout bas demandant son salaire,
Soûpirer d'un ton obligeant :
Quelque chetif qu'il soit, s'il travaille à vous plaire,
Il gagnera bien son argent.

Qu'il sera malheureux s'il faut qu'il se propose
D'acquerir l'esprit par le corps!
L'amour qu'on vous témoigne est une étrange chose,
Quand le respect en est dehors.

Quelques voeux qu'en secret un amoureux vous offre,
Encore qu'il vous presse bien,
Prenez garde à la bourse, & fermez vôtre coffre,
Aprés cela ne craignez rien.




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