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 Jacques Bénigne Bossuet (1627-1704) CHAPITRE I de l' ame. VII

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MessageSujet: Jacques Bénigne Bossuet (1627-1704) CHAPITRE I de l' ame. VII   Jacques Bénigne Bossuet (1627-1704)  CHAPITRE I  de l' ame. VII Icon_minitimeMar 17 Avr - 0:42


VII.
Les opérations intellectuelles, et premièrement celles
de l' entendement.

Les opérations intellectuelles sont celles qui sont
élevées au-dessus des sens.

Disons quelque chose de plus précis : ce sont celles
qui ont pour objet quelque raison qui nous est connue.
J' appelle ici raison l' appréhension ou la perception
de quelque chose de vrai, ou qui soit réputé pour tel.
La suite va faire entendre tout ceci.

Il y a deux sortes d' opérations intellectuelles :
celles de l' entendement et celles de la volonté.
L' une et l' autre a pour objet quelque raison qui nous
est connue. Tout ce que j' entends est fondé sur
quelque raison ; je ne veux rien que je ne puisse dire
pour quelle raison je le veux.

Il n' en est pas de même des sensations, comme la suite
le fera paroître à qui y prendra garde de près.
Disons avant toutes choses ce qui appartient à
l' entendement.

L' entendement est la lumière que Dieu nous a donnée
pour nous conduire. On lui donne divers noms : en tant
qu' il invente et qu' il pénètre, il s' appelle
esprit ; en tant qu' il juge et qu' il dirige au vrai
et au bien, il s' appelle raison et jugement .
Le vrai caractère de l' homme, qui le distingue si fort
des autres animaux, c' est d' être capable de raison. Il
est porté naturellement à rendre raison de ce qu' il
fait. Ainsi le vrai homme sera celui qui peut rendre
bonne raison de sa conduite.

La raison, en tant qu' elle nous détourne du vrai mal
de l' homme, qui est le péché, s' appelle la
conscience .

Quand notre conscience nous reproche le mal que nous
avons fait, cela s' appelle syndérèse ou remords de
conscience .

La raison nous est donnée pour nous élever au-dessus
des sens et de l' imagination. La raison qui les suit et
s' y asservit est une raison corrompue, qui ne mérite plus
le nom de raison.

Voilà en général ce que c' est que l' entendement ;
mais nous le concevrons mieux quand nous aurons
exactement défini son opération.

Entendre, c' est connoître le vrai et le faux, et
discerner l' un d' avec l' autre. Par exemple entendre
un triangle, c' est connoître cette vérité, que c' est
une figure à trois côtés ; ou parce que ce mot de
triangle pris absolument est affecté au triangle
rectiligne, entendre le triangle, c' est entendre que
c' est une figure terminée de trois lignes droites.
Par cette définition, je connois la nature de
l' entendement, et sa différence d' avec les sens.
Les sens donnent lieu à la connoissance de la vérité ;
mais ce n' est pas par eux précisément que je la
connois.

Quand je vois les arbres d' une longue allée, quoiqu' ils
soient tous à peu près égaux, se diminuer peu à peu à
mes yeux, en sorte que la diminution commence dès le
second et se continue à proportion de l' éloignement ;
quand je vois uni, poli et continu ce qu' un
microscope me fait voir rude, inégal et séparé ;
quand je vois courbe à travers de l' eau un bâton que
je sais d' ailleurs être droit ; quand emporté dans un
bateau par un mouvement égal, je me sens comme
immobile avec tout ce qui est dans le vaisseau,
pendant que je vois le reste, qui ne branle pourtant
pas, comme s' enfuyant de moi, en sorte que je
transporte mon mouvement à des choses immobiles et
leur immobilité à moi qui remue : ces choses et mille
autres de même nature où les sens ont besoin d' être
redressés, me font voir que c' est par quelque autre
faculté que je connois la vérité et que je la discerne
de la fausseté.

Et cela ne se trouve pas seulement dans les sensibles
que nous avons appelés communs, mais encore dans ceux
qu' on appelle propres. Il m' arrive souvent de voir, sur
certains objets, certaines couleurs ou certaines taches
qui ne proviennent point des objets mêmes, mais du
milieu à travers lequel je les regarde, ou de
l' altération de mon organe ; ainsi des yeux remplis de
bile font voir tout jaune ; et eux-mêmes éblouis
pour avoir été trop arrêtés sur le soleil,
font voir après cela diverses couleurs,
ou en l' air ou sur les objets, que l' on n' y
verroit nullement sans cette altération. Souvent je
sens dans l' oreille des bruits semblables à ceux que
me cause l' air agité par certains corps sans néanmoins
qu' il le soit. Telle odeur paroît bonne à l' un et
désagréable à l' autre. Les goûts sont différens, et
un autre trouvera toujours amer ce que je trouve
toujours doux. Moi-même je ne m' accorde pas toujours
avec moi-même, et je sens que le goût varie en moi
autant par la propre disposition de ma langue que par
celle des objets mêmes. C' est à la raison à juger de
ces illusions des sens, et c' est à elle par
conséquent à connoître la vérité.

De plus les sens ne m' apprennent pas ce qui se fait
dans leurs organes. Quand je regarde ou que j' écoute,
je ne sens ni l' ébranlement qui se fait dans le
tympan que j' ai dans l' oreille, ni celui des nerfs
optiques que j' ai dans le fond de l' oeil. Lorsque
ayant les yeux blessés ou le goût malade, je sens
tout amer et je vois tout jaune, je ne sens point par
la vue ni par le goût l' indisposition de mes yeux ou
de ma langue. J' apprends tout cela par les réflexions
que je fais sur les organes corporels dont mon seul
entendement me fait connoître les usages naturels
avec leurs dispositions bonnes ou mauvaises.

Les sens ne me disent non plus ce qu' il y a dans leurs
objets capable d' exciter en moi les sensations. Ce que
je sens quand je dis : j' ai chaud ou je brûle, sans
doute n' est pas la même chose que ce que je conçois
dans le feu lorsque je l' appelle chaud et brûlant. Ce
qui me fait dire : j' ai chaud, c' est un certain
sentiment que le feu qui ne sent pas ne peut avoir,
et ce sentiment, augmenté jusqu' à la douleur me fait
dire que je brûle.

Quoique le feu n' ait en lui-même ni le sentiment ni
la douleur qu' il excite en moi, il faut bien qu' il
y ait en lui quelque chose capable de l' exciter : mais
ce quelque chose que j' appelle la chaleur du feu,
n' est point connu par les sens, et si j' en ai quelque
idée elle me vient d' ailleurs.

Ainsi les sens ne nous apportent que leurs propres
sensations, et laissent à l' entendement à juger des
dispositions qu' ils marquent dans les objets. L' ouïe
m' apporte seulement les sons, et le goût
l'amer et le doux ; comment il faut que l' air soit
ému pour causer du bruit, ce qu' il y a dans les
viandes qui me les fait trouver amères ou douces,
sera toujours ignoré si l' entendement ne le découvre.
Ce qui se dit des sens s' étend aussi à l' imagination
qui, comme nous avons dit, ne nous apporte autre chose
que des images de la sensation, qu' elle ne surpasse
que dans la durée.

Et tout ce que l' imagination ajoute à la sensation,
est une pure illusion qui a besoin d' être corrigée,
comme quand, ou dans les songes, ou par quelque
trouble, j' imagine les choses autrement que je ne
les vois.

Ainsi tant en dormant qu' en veillant, nous nous
trouvons souvent remplis de fausses imaginations dont
le seul entendement peut juger.

C' est pourquoi tous les philosophes sont d' accord
qu' il n' appartient qu' à lui seul de connoître le vrai
et le faux, et de discerner l' un d' avec l' autre.
C' est aussi lui seul qui remarque la nature des
choses. Par la vue nous sommes touchés de ce qui est
étendu et de ce qui est en mouvement : le seul
entendement recherche et conçoit ce que c' est que
d' être étendu, et ce que c' est que d' être en
mouvement.

Par la même raison, il n' y a que l' entendement qui
puisse errer. à proprement parler, il n' y a point
d' erreur dans le sens, qui fait toujours ce qu' il
doit, puisqu' il est fait pour opérer selon les
dispositions non-seulement des objets, mais des
organes. C' est à l' entendement, qui doit juger des
organes mêmes, à tirer des sensations les conséquences
nécessaires ; et s' il se laisse surprendre, c' est lui
qui se trompe.

Ainsi il demeure pour constant que le vrai effet de
l' intelligence, c' est de connoître le vrai et le faux
et les discerner l' un de l' autre.

C' est ce qui ne convient qu' à l' entendement, et ce qui
montre en quoi il diffère tant des sens que de
l' imagination.
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