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 Jacques Bénigne Bossuet (1627-1704) CHAPITRE I de l' ame. XVI

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MessageSujet: Jacques Bénigne Bossuet (1627-1704) CHAPITRE I de l' ame. XVI   Jacques Bénigne Bossuet (1627-1704)  CHAPITRE I  de l' ame. XVI Icon_minitimeMar 17 Avr - 0:48

XVI.
Ce que c' est que bien juger ; quels en sont les
moyens, et quels les empêchemens.
La vraie perfection de l' entendement est de bien juger.
Juger, c' est prononcer au dedans de soi sur le vrai
et sur le faux ; et bien juger, c' est y prononcer avec
raison et connoissance.
C' est une partie de bien juger que de douter quand il
faut. Celui qui juge certain ce qui est certain, et
douteux ce qui est douteux, est un bon juge.
Par le bon jugement on se peut exempter de toute
erreur ; car on évite l' erreur non-seulement en
embrassant la vérité quand elle est claire, mais
encore en se retenant quand elle ne l' est pas.
Ainsi la vraie règle de bien juger est de ne juger que
quand on voit clair ; et le moyen de le faire est de
juger après une grande considération.
Considérer une chose, c' est arrêter son esprit à la
regarder en elle-même ; en peser toutes les raisons,
toutes les difficultés et tous les inconvéniens.
C' est ce qui s' appelle attention ; c' est elle
qui rend les hommes graves, sérieux, prudens, capables
des grandes affaires et des hautes spéculations.
être attentif à un objet, c' est l' envisager de tous
côtés ; et celui qui ne le regarde que du côté qui le
flatte, quelque long que soit le temps qu' il emploie
à le considérer, n' est pas vraiment attentif.
C' est autre chose d' être attaché à un objet, autre
chose d' y être attentif. Y être attaché, c' est vouloir
à quelque prix que ce soit, lui donner ses pensées
et ses désirs, ce qui fait qu' on ne le regarde que du
côté agréable : mais y être attentif, c' est vouloir
le considérer pour en bien juger, et pour cela
connoître le pour et le contre.
Il y a une sorte d' attention après que la vérité est
connue, et c' est plutôt une attention d' amour et de
complaisance que d' examen et de recherche.
La cause de mal juger est l' inconsidération , qu' on
appelle autrement précipitation .
Précipiter son jugement, c' est croire ou juger avant
que d' avoir connu.
Cela nous arrive ou par orgueil, ou par impatience,
ou par prévention, qu' on appelle autrement
préoccupation .
Par orgueil, parce que l' orgueil nous fait présumer
que nous connoissons aisément les choses les plus
difficiles et presque sans examen. Ainsi nous jugeons
trop vite, et nous nous attachons à notre sens sans
vouloir jamais revenir, de peur d' être forcés à
reconnoître que nous nous sommes trompés.
Par impatience, lorsqu' étant las de considérer, nous
jugeons avant que d' avoir tout vu.
Par prévention en deux manières, ou par le dehors, ou
par le dedans.
Par le dehors, quand nous croyons trop facilement sur
le rapport d' autrui, sans songer qu' il peut nous
tromper ou être trompé lui-même.
Par le dedans, quand nous nous trouvons portés sans
raison à croire une chose plutôt qu' une autre.
Le plus grand déréglement de l' esprit, c' est de croire
les choses parce qu' on veut qu' elles soient, et non
parce qu' on a vu qu' elles sont en effet.
C' est la faute où nos passions nous font tomber. Nous
sommes portés à croire ce que nous désirons et ce que
nous espérons, soit qu' il soit vrai, soit qu' il ne le
soit pas.
Quand nous craignons quelque chose, souvent nous ne
voulons pas croire qu' elle nous arrive, et souvent
aussi par foiblesse nous croyons trop facilement
qu' elle arrivera.
Celui qui est en colère en croit toujours les causes
justes sans même vouloir les examiner, et par là il
est hors d' état de porter un jugement droit.
Cette séduction des passions s' étend bien loin dans
la vie, tant à cause que les objets qui se présentent
sans cesse nous en causent toujours quelques-unes, qu' à
cause que notre humeur même nous attache naturellement à
de certaines passions particulières que nous trouverions
partout dans notre conduite, si nous savions nous observer.
Et comme nous voulons toujours plier la raison à
nos désirs, nous appelons raison ce qui est conforme
à notre humeur naturelle, c' est-à-dire à une passion
secrète qui se fait d' autant moins sentir qu' elle
fait comme le fond de notre nature.
C' est pour cela que nous avons dit que le plus grand
mal des passions, c' est qu' elles nous empêchent de
bien raisonner ; et par conséquent de bien juger,
parce que le bon jugement est l' effet du bon
raisonnement.
Nous voyons aussi clairement par les choses qui ont
été dites, que la paresse qui craint la peine de
considérer, est le plus grand obstacle à bien juger.
Ce défaut se rapporte à l' impatience. Car la paresse
toujours impatiente quand il faut peiner tant soit
peu, fait qu' on aime mieux croire que d' examiner,
parce que le premier est bientôt fait et que le second
demande une recherche plus longue et plus pénible.
Les conseils semblent toujours trop longs au
paresseux ; c' est pourquoi il abandonne tout, et
s' accoutume à croire quelqu' un qui le mène comme un
enfant et comme un aveugle, pour ne pas dire comme
une bête.
Par toutes les causes que nous avons dites, notre
esprit est tellement séduit qu' il croit savoir ce
qu' il ne sait pas, et bien juger des choses dans
lesquelles il se trompe : non qu' il ne distingue
très-bien entre savoir et ignorer ou se tromper ;
car il sait que l' un n' est pas l' autre, et au
contraire qu' il n' y a rien de plus opposé : mais c' est
que, faute de considérer, il veut croire qu' il sait ce
qu' il ne sait pas.
Et notre ignorance va si loin, que souvent même nous
ignorons nos propres dispositions. Un homme ne veut
point croire qu' il soit orgueilleux, ni lâche, ni
paresseux, ni emporté : il veut croire qu' il a
raison ; et quoique sa conscience lui reproche
souvent ses fautes, il aime mieux étourdir lui-même
le sentiment qu' il en a, que d' avoir le chagrin de
les connoître.

Le vice qui nous empêche de connoître nos défauts
s' appelle amour-propre , et c' est celui qui donne
tant de crédit aux flatteurs.
On ne peut surmonter tant de difficultés, qui nous
empêchent de bien juger, c' est-à-dire de reconnoître
la vérité, que par un amour extrême qu' on aura pour
elle et un grand désir de l' entendre.
De tout cela il paroît que mal juger vient toujours
d' un vice de volonté.
L' entendement de soi est fait pour entendre ; et
toutes les fois qu' il entend, il juge bien. Car s' il
juge mal, il n' a pas assez entendu ; et n' entendre
pas assez, c' est-à-dire n' entendre pas tout dans une
matière dont il faut juger, à vrai dire ce n' est rien
entendre, parce que le jugement se fait sur le tout.
Ainsi tout ce qu' on entend est vrai. Quand on se
trompe, c' est qu' on n' entend pas, et le faux qui n' est
rien de soi n' est ni entendu ni intelligible.
Le vrai c' est ce qui est. Le faux c' est ce qui n' est
pas.
On peut bien ne pas entendre ce qui est ; mais jamais
on ne peut entendre ce qui n' est pas.
On croit quelquefois l' entendre, et c' est ce qui fait
l' erreur ; mais en effet on ne l' entend pas,
puisqu' il n' est pas.

Et ce qui fait qu' on croit entendre ce qu' on n' entend
pas, c' est que par les raisons ou plutôt par les
foiblesses que nous avons dites, on ne veut pas
considérer ; on veut juger cependant, et on juge
précipitamment, et enfin on veut croire qu' on a
entendu, et on s' impose à soi-même.
Nul homme ne veut se tromper ; et nul homme aussi ne
se tromperoit s' il ne vouloit des choses qui font
qu' il se trompe, parce qu' il en veut qui l' empêchent
de considérer et de chercher la vérité sérieusement.
De cette sorte celui qui se trompe, premièrement
n' entend pas son objet, et secondement ne s' entend
pas lui-même, parce qu' il ne veut considérer ni son
objet, ni lui-même, ni sa précipitation, ni l'orgueil,
ni l' impatience, ni la paresse, ni les
passions et les préventions qui la causent.
Et il demeure pour certain que l' entendement purgé
de ces vices et vraiment attentif à son objet, ne se
trompera jamais ; parce qu' alors ou il verra clair
et ce qu' il verra sera certain, ou il ne verra pas
clair et il tiendra pour certain qu' il doit douter
jusqu' à ce que la lumière paroisse.
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