PLUME DE POÉSIES
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.

PLUME DE POÉSIES

Forum de poésies et de partage. Poèmes et citations par noms,Thèmes et pays. Écrivez vos Poésies et nouvelles ici. Les amoureux de la poésie sont les bienvenus.
 
AccueilPORTAILS'enregistrerDernières imagesConnexion
 

 Jean Chapelain (1595-1674) LIVRE 1

Aller en bas 
AuteurMessage
Invité
Invité




Jean Chapelain (1595-1674) LIVRE 1 Empty
MessageSujet: Jean Chapelain (1595-1674) LIVRE 1   Jean Chapelain (1595-1674) LIVRE 1 Icon_minitimeLun 7 Mai - 14:37

LIVRE 1



Je chante la pucelle, et la sainte vaillance,
Qui dans le point fatal, où perissoit la France,
Ranimant de son roy la mourante vertu,
Releva son estat, sous l'anglois, abbatu.
Le ciel se courrouça, l'enfer esmût sa rage,
Mais elle, armant son coeur de zele et de courage,
Par sa priere ardente, au milieu de ses fers,
Sceut, et flechir les cieux, et donter les enfers.



Ames des premiers corps, peres de l'harmonie,
Messagers des decrets de l'essence infinie,
Legions qui suyvés l'eternel estandard,
Et qui, dans ce grand oeuvre, eustes si grande part;
Celebrés, avec moy, la guerriere houlette,
Faites prendre à ma voix l'eclat de la trompette,
Eschauffés mon esprit, disposés mon projet,
Et rendés mon haleine egale à mon sujet.
Auguste successeur de cet auguste prince,
Par qui s'accrut jadis la françoise province,
Lors que son bras vengeur, par cent heureux combats,
Du redoutable anglois mit la puissance à bas;
Magnanime Henry, glorieux Longueville,
Des errantes vertus, et le temple, et l'asyle,
Colonne de l'estat par Dunois restably,
Heros, dont les exploits ne craignent point l'oubly;
Vive source d'honneur, qui tousjours claire et pleine
Grossis, de flots bruyans, ma languissante veine,
Et fais couler mes jours, dans l'honneste loysir,
Qu'envioit la fortune à mon noble desir;
Des veritables chants de mon sacré parnasse,
Aprens les hauts desseins d'un guerrier de ta race,
Et voy, dans leurs succes, jusqu'où le coeur humain
Peut porter les efforts d'une mortelle main.
Voy, parmy la tempeste aux injustes fatale,
Resplendir de ton sang l'origine royale,
Et contemple estonné, par quels brillans essais
Se preparoient les cieux à produire tes faits.



Un jour, lors qu'en suyvant ce grand foudre de guerre
J'auray pris ma volée, assés loin de la terre,
Et que j'auray le ton desormais assés fort
Pour l'eslever à toy, sans te faire de tort;
Je veux, par le recit de tes propres merveilles,
Des peuples suspendus enchanter les oreilles,
Et, dans tous les climats, faire, par leur grandeur,
Cherir de tes lauriers l'eternelle verdeur.
Je diray la conté, par toy, demi-conquise,
Par toy, dans le Piedmont, l'asseurance remise,
Les lorrains achevés de mettre, sous nos loix,
Et le douteux Brisac enfin rendu françois.
Je diray le fameux et terrible passage,
Qui fit ceder le Rhein au feu de ton courage,
Et qui, brisant les fers des belliqueux germains,
Assura la franchise au reste des humains.
Je diray quel tonnerre employa ta Bellonne,
Pour abbatre à tes pieds l'orgueilleuse Tortonne,
Et de quelle vistesse, effrayé par ton bruit,
Le serpent milanois dans sa grotte s'enfuit.
Enfin je publiray tes labeurs heroïques,
Pour trouver le remede aux miseres publiques,
Pour redonner la regle aux confus elemens,
Et du monde chrestien calmer les mouvemens.
Durant le triste cours de cent longues années,
L'equitable rigueur des saintes destinées,
Par mille desplaisirs, et par mille travaux,
Avoit porté la France au comble de ses maux.



Deux deluges de sang, espanchés de ses veines,
De Poitiers, d'Azincourt, avoient noyé les plaines,
Et de deux coups de foudre, et Crevant, et Verneüil,
Venoient de la conduire aux portes du cercüeil.
Charles son jeune maistre, et sa foible esperance,
Des fiers usurpateurs esprouvoit l'insolence,
Loin du throsne captif, erroit desesperé,
Et voyoit son vassal, en son lieu, reveré.
Il voyoit, de l'anglois, à son sceptre, rebelle,
Prosperer, chaque jour, l'entreprise crüelle;
Il voyoit, par l'anglois, ses estats envahis,
Et, dans son païs mesme, il cherchoit son païs.
Les costaux, les vallons, les champs et les prairies,
À ses regards troublés n'offroient que barbaries,
Et les vastes remparts des tremblantes cités
N'enfermoient que tourmens, et que calamités.
Tous les fleaux des humains, la peste et la famine
Des peuples, en tous lieux, avançoient la rüine,
Et la guerre, en tous lieux, agitant son flambeau,
De leurs toits embrasés, composoit leur tombeau.
L'impitoyable mort, des provinces entieres
Ne faisoit desormais que de grands cimetieres,
Le sang, en chaque bois, par les routes couloit,
Et, dans chaque riviere, aux ondes se mesloit.
L'audace, la fureur, le discord et la rage,
Destruisoient à-l'envy le royal heritage,
Il ne paroissoit plus qu'un gouffre de malheur,
Et l'endroit le plus sain estoit plein de douleur.



Aucun mur ne portoit une chaisne legere,
Mais Paris, plus que tous, plongé dans la misere,
Mesconnoissoit son prince, et luy manquant de foy,
Souffroit à l'estranger prendre titre de roy.
Pour dernier monstre en fin, l'execrable Isabelle
Immoloit son fils propre à sa haine immortelle,
Et faisant violence aux naturelles loix,
Fomentoit contre luy le party de l'anglois.
De l'un à l'autre bout, la deplorable France
Aux heureux revoltés prestoit obeissance,
Et Marne, et Seine, et Loire, à peine en leurs courans
Trouvoient un boulevard franc du joug des tyrans.
Orleans, seul encor de tant de places fortes,
Se pouvoit dire libre au dedans de ses portes,
Bien qu'entre cent terreurs, il vist de toutes parts
Une armée innombrable entourer ses ramparts.
Jusques vers le milieu de la neufiesme lune,
Il avoit tenu teste à son aspre fortune,
Il avoit cent assauts l'un sur l'autre endurés,
Et cent fois dans leur camp les anglois resserrés.
Par les bras vigoureux qui restoient à la France,
En fin il avoit veu tenter sa delivrance,
L'avoit veu, mais sans fruit, et proche des abois
Bien-tost des assiegeans alloit suyvre les loix.
Quand son grand defenseur, dont la force divine
Du chancelant estat soustenoit la ruine,
L'invincible Dunois, sur le haut de ses tours,
Au profond de son coeur fit ce triste discours.



Donques, pour conserver cette fidelle ville,
J'auray fait à mon prince un serment inutile,
Et ce genereux peuple, avec tout mon effort,
N'aura pû s'affranchir des chaisnes de Betford.
Intrepides soldats, valeureux capitaines,
Qui foulant de Rouvroy les desastreuses plaines,
Resolus de vous perdre, ou de nous secourir,
Par les mains du rebelle avés voulu mourir;
Que vostre sort me plaist, et que je vous envie
Une si belle fin de vostre belle vie!
Car si vostre projet a manqué de bonheur,
Au moins estes vous morts, et morts au lit d'honneur.
Dunois infortuné, l'éclat de ta memoire
Sera-t-il obscurcy d'une tache si noire?
Perdras-tu ton estime, et les siecles futurs
Te reprocheront-ils d'avoir livré ces murs?
Loin de toy, loin de toy, cette honte et ce crime,
Plustost de tes amis suy la fin magnanime,
Meurs plustost de cent morts, que de ternir jamais,
Par un si lasche fait, la gloire de tes faits.
Meurs plustost que ce peuple endure le servage,
Dont ta foy luy promit d'exemter son courage,
Lors qu'entre cent guerriers, non moins braves que toy,
Il t'élut pour l'ayder à maintenir sa foy.
Mais que luy servira que tu cesses de vivre?
Penses-tu que des fers ton trespas le delivre?
Non, non, croy bien plustost, qu'en perdant la clarté,
Tu hastes sa défaite et sa captivité.



Il s'arreste incertain du conseil qu'il doit prendre;
Il luy faut desormais ou mourir ou se rendre,
Et, dans ce choix forcé, son esprit esperdu
Entre ces deux partis demeure suspendu.
Comme lors qu'un grand chesne, aux roches apennines,
Sent par un choq de vents esbransler ses racines,
Et, certain de tomber, voit son branchage espais,
Vers deux lieux, tour à tour, pancher son vaste faix;
Si le Nord et le Sud, meslés dans son feüillage,
Viennent à le pousser d'une pareille rage,
Il suspend sa ruine, et semble consulter,
Qui, du Sud, ou du Nord, le doit precipiter.
Mais en ce mesme instant, soit destin, soit rencontre,
Tout à coup à sa veuë un nuage se monstre,
Qui d'orage grossy, perce le sein des airs
De foudres allumés, et de volans éclairs.
Du palais estoillé la voûte se presente,
Sous l'effroyable aspect d'une fournaise ardente,
Et par ce rouge éclat le regard abusé,
Juge que l'univers en est tout embrasé.
Ô ciel, dit-il alors, je conçoy ton langage,
Tu m'apprens le chemin d'eviter le servage,
Pour affranchir ce peuple, et garder mon serment,
L'infaillible remede est le feu seulement.
Recourons, recourons aux brasiers favorables,
Rendons-nous, par la flamme, un peu moins miserables,
Et puisque tout nous manque en cette extremité,
Employons le feu mesme à sauver la cité.



Il resout sa ruine, et son ame oppressée
Entretient dans son coeur cette horrible pensée,
Le desespoir l'anime, il marche en furieux,
Et fait luire un flambeau dans chacun de ses yeux.
Le sein boüillant d'ardeur, et le front plein d'audace,
Il s'avance à grands pas au milieu de la place,
Assemble autour de luy les confus habitans,
Et fait retentir l'air de ces mots éclatans.
Amis, nostre fortune est en fin deplorée,
De nostre liberté la perte est assurée,
Le valeureux secours en campagne défait,
Traisne, apres son malheur, ce necessaire effet.
Pourquoy vous deguiser l'effroyable nouvelle,
Si le sort nous condanne à servir le rebelle,
Si, pour ce cher rempart tant de mois defendu,
Tout espoir de resource est maintenant perdu?
Pourrons-nous toutesfois porter nostre courage,
À rendre à l'estranger un volontaire hommage?
Nous verra-t-on flechir sous son commandement?
Ah! Non, mourons plustost que vivre laschement.
La mort seule nous reste, en ce point lamentable;
Mais ce n'est pas un mal, à qui vit miserable;
À l'anglois comparée, elle est pleine d'appas;
L'anglois est aux françois pire que le trespas.
Vostre foy qui put seule arrester sa victoire,
Jamais sans l'irriter ne s'offre à sa memoire;
Il ne peut sans fureur penser à vos efforts,
Et sur chacun de vous veut venger tous ses morts.



Ce grand nombre de morts, et parmy ce grand nombre,
L'inhumain Salsbery, cette imperieuse ombre,
Sollicitent Betford de les venger sur vous,
Du sang qu'ils ont versé, sous le poids de vos coups,
Il vous accablera d'insupportables chaisnes,
Il vous tourmentera de douloureuses gesnes,
Et vous verrés par luy vos soldats desarmés,
Vos biens mis au pillage, et vos toits enflammés.
Vos yeux verront par luy deschirer vos entrailles,
Profaner vos autels, renverser vos murailles,
Enlever vos enfans vers un bord escarté,
Et de vos chastes lits soüiller la pureté.
Une fin magnanime, un sepulchre honnorable,
Est, à tant de rigueurs, sans doute, preferable,
Sans doute les françois qui sont nés genereux,
Mourant sans l'esprouver, croiront mourir heureux.
S'il faut perdre le jour, de vous mesmes, sans doute,
Vous prendrés du cercüeil la tenebreuse route,
Vous mourrés par vos mains, et ne permettrés pas
Que Betford ait l'honneur de vostre beau trespas.
Dans les champs de la mort, il n'est aspre carriere,
Où n'ayme mieux courir vostre vertu guerriere;
Sous terre, au fond des eaux, et jusques dans les feux,
Vous irés vous sauver du barbare outrageux.
Ouy, je lis sur vos fronts, je descouvre en vos ames,
Qu'il est plus craint de vous, que ne le sont les flammes,
Et que rien de si dur ne se sçauroit offrir,
Que plustost que ses loix vous ne puissiés souffrir,



Donques d'un ferme coeur, contre sa violence,
De ces derniers remparts embrassons la defense,
Et si nostre ennemy nous force à le quiter,
Ostons luy les premiers ce qu'il doit nous oster.
S'il nous met en estat de ne le plus defendre,
Remplissons tout de feu, reduisons tout en cendre,
Contentons le destin contre nous irrité,
Et ne survivons pas à nostre liberté.
Ce transport vehement, ce funeste langage,
Excite en chacun d'eux une subite rage,
L'affreuse servitude estonne leurs esprits,
Et fait que pour la mort ils n'ont que du mespris.
Une illustre fureur s'empare des familles,
Les enfans, les vieillards, les femmes et les filles,
Tous suyvent de Dunois l'horrible mouvement,
Et de leurs chers remparts veulent l'embrasement.
Tel, sur les champs salés, le courageux pilote
Pressé de toutes parts d'une puissante flotte,
Sur le point d'estre pris, peut, à l'extremité,
Choisir plustost la mort que la captivité.
Il le propose aux siens, et les y fait resoudre,
Sous le tillac conquis roule la noire poudre,
Et d'un bras vigoureux y porte le flambeau,
Pour se faire de l'onde un superbe tombeau.
Le prince confirmé dans son penser tragique,
Depite la fortune à sa valeur inique,
Repousse des anglois les violens assauts,
Et de leur propre sang arrose leurs travaux.



Betford s'en esmerveille, et ne sçauroit comprendre,
Qui fait que l'assiegé s'ose encore defendre,
Qui fait qu'ayant perdu tout espoir de secours,
Sans esperance mesme, il resiste tousjours.
Mais Charles, à l'avis du succes deplorable,
Qui rendoit d'Orleans la perte inevitable,
Par un si rude choq a l'esprit terracé,
Et d'un mont de douleur le courage oppressé.
Sur quoy que sa raison puisse tourner la veüe,
Pour luy, de cet abysme il ne voit point d'issüe;
Au bas du precipice il se voit arrivé,
Et, sans retour en fin, croit son regne achevé.
Il consulte ses chefs sur la triste desfaite,
Et trouve en ce malheur leur prudence müete,
Müet il les regarde, et d'un oeil estonné
Se voit par leur silence à perir condanné.
De surprise et d'horreur il a l'ame interdite,
Le chagrin le devore, et le trouble l'agite,
Son desastre l'effraye, et dans ce point fatal,
Il contemple la mort, comme son moindre mal.
En cet estat confus son ange tutelaire
D'un celeste rayon ses tenebres éclaire,
Et presente à ses yeux le roy de l'univers,
Qui tient aux affligés les bras tousjours ouverts.
Sous Chinon La Vienne humecte, en son rivage,
Le pied vert et moussu d'un devot hermitage,
Où le dieu tout-puissant avec zele adoré,
Ne fut jamais d'aucun vainement imploré.



Mille lampes d'argent, mille vases antiques
Enrichissent sa voute, et parent ses portiques,
Voeux, depuis plus d'un siecle, à l'eternel rendus,
Par ceux que des perils sa grace a defendus.
Charles remply de Dieu, pour aller à ce temple,
Quite du sacré bois la route la plus ample,
Couppe, par un sentier, dans le taillis obscur,
Et descouvre de loin le solitaire mur.
Il prend alors son cours, vers la sainte caverne,
Sur son rustique sueil en tremblant se prosterne,
Laisse parler un temps ses pleurs et ses sanglots,
Puis y mesle sa voix, et prononce ces mots.
Monarque souverain des hommes et des anges,
Dont la terre et les cieux celebrent les loüanges,
Inesbranlable appuy des fragiles mortels,
Qui d'un fidelle culte encensent vos autels.
Je sçay que des françois les transports indontables
Leur ont soüillé le coeur d'offenses execrables,
Et que tous enyvrés d'un semblable poison,
Aveque l'innocence ont perdu la raison;
Aux pecheurs toutesfois vostre grace est propice,
Pour eux vostre bonté combat vostre justice,
Les françois contre vous ont cent crimes commis,
Mais ils sont vos enfans, comme vos ennemis.
C'est cette nation qui de saintes armées
A couvert tant de fois les plaines idumées,
Et c'est ce peuple éleu, qui doit à l'avenir,
Sous vostre aymable joug tous les peuples unir.



Seigneur, soyés humain à la foiblesse humaine,
Leur forfait en luy-mesme a rencontré sa peine;
Ne leur ordonnés point de plus aspre tourment,
Il les punit assés sans autre chastiment.
D'insupportables maux une suite enchaisnée,
Sur le bord du sepulchre a mis leur destinée;
Ils ont desja souffert les douleurs du trespas;
S'ils meurent, ils mourront, mais ne souffriront pas.
Grand dieu, si leur courage et leur vertu passée
Ont autresfois si loin vostre gloire poussée,
Et si, par eux encor, vous devés quelque jour,
Assujetir le monde aux loix de vostre amour;
Apres tant de malheur, apres tant de souffrance,
Faites leur desormais sentir vostre clemence,
Calmés en leur faveur vostre juste courroux,
Et moderés pour eux la rigueur de vos coups.
Accordés leur la vie, et bornés leur supplice,
Où s'il faut d'une mort payer vostre justice,
Pour les en delivrer, je la veux bien souffrir,
Et viens à vostre foudre en leur place m'offrir.
Alors du roy des roys la venerable image
Fit d'un soudain éclair resplendir son visage;
Charles baise la terre à l'aspect de ces feux,
Renforce sa priere, et redouble ses voeux.
Loin des murs flamboyans, qui renferment le monde,
Dans le centre caché d'une clarté profonde,
Dieu repose en luy-mesme, et vestu de splendeur
Sans bornes est remply de sa propre grandeur.



Une triple personne en une seule essence,
Le supreme pouvoir, la supreme science,
Et le supreme amour, unis en trinité,
Dans son regne eternel forment sa majesté.
Un volant bataillon de ministres fidelles
Devant l'estre infiny soustenu sur ses ailes,
Dans un juste concert de trois fois trois degrés,
Luy chante incessamment des cantiques sacrés.
Sous son throsne estoillé, patriarches, prophetes,
Apostres, confesseurs, vierges, anachoretes,
Et ceux qui par leur sang ont cimenté la foy,
L'adorent à genoux, saint peuple du saint roy.
À sa gauche et debout, la vierge immaculée,
Qui, de grace remplie, et de vertu comblée,
Conceut le redempteur dans son pudique flanc,
Entre tous les eleus obtient le premier rang.
Au mesme tribunal, où tout bon il reside,
La sage providence à l'univers preside,
Et plus bas, à ses pieds, l'inflexible destin
Recüeille les decrets du jugement divin.
De son estre incrée tout est la creature,
Il voit rouler sous luy l'ordre de la nature,
Des elemens divers est l'unique lien,
Le pere de la vie et la source du bien.
Tranquille possesseur de sa beatitude,
Il n'a le sein troublé d'aucune inquietude,
Et voyant tout sujet aux loix du changement,
Seul, par luy-mesme en soy, dure eternellement.



Ce qu'il veut une fois est une loy fatale,
Qui tousjours, malgré tout, à soy-mesme est egale,
Sans que rien soit si fort, qu'il le puisse obliger
À se laisser jamais, ni flechir, ni changer.
Du pecheur repenty la plainte lamentable,
Seule peut esbranler son vouloir immuable,
Et forçant sa justice, et sa severité,
Arracher le tonnerre à son bras irrité.
Du prince humilié la fervente priere,
Penetra jusqu'au fond l'abysme de lumiere,
Emut Dieu dans son throsne, et pleine de vigueur,
Pour le bien des françois ammollit sa rigueur.
La vierge mere alors, la celeste Marie,
D'un mal si deplorable ayant l'ame atendrie,
Conjure l'eternel de finir leurs malheurs,
Et parle avec la voix, les souspirs et les pleurs.
Contemple, luy dit-elle, ô monarque supreme,
Tes françois accablés sous leur misere extreme,
Et te satisfaisant des maux qu'ils ont soufferts,
Vueille les garantir du trespas et des fers.
Il n'est point de mortel, qui d'un semblable zele,
Ait jamais confessé ton essence immortelle,
Ni qui d'un sentiment si plein d'humilité,
Ait rendu son hommage à ta divinité.
Qu'il serve à ces pecheurs, pour appaiser ton ire,
D'avoir en l'univers fait fleurir ton empire,
Et, d'un coeur en ta foy pleinement confirmé,
Tousjours dans leurs besoins ton pouvoir reclamé.



Dieu respond à la vierge. Au son de ses paroles,
La machine des cieux chancelle sur ses poles,
Le feu brille d'éclairs, l'air de foudres fremit,
La mer est agitée, et la terre gemit.
Soit, dit le tout-puissant, et cesse ma colere;
Que le françois pour luy m'esprouve moins severe,
Qu'à la rigueur en fin succede la douceur;
J'accorde son salut à son intercesseur.
Je le veux de ma main tirer du precipice,
Je veux que de la mort mon bras seul l'affranchisse,
Et que desesperé de tout secours humain,
En la main d'une fille il connoisse ma main.
Pour honnorer ton sexe, et relever sa gloire,
Je veux qu'en ce combat il gaigne la victoire,
Que du sexe robuste il soit le ferme appuy,
Et qu'en le soustenant il triomphe pour luy.
Je veux que des anglois la longue tyrannie,
Par ce foible instrument, soit à la fin punie,
Et que par ses efforts leur orgueil abbatu,
Face dans le bas monde eclater ma vertu.
La bien-heureuse cour, dans un profond silence,
Entend du roy des roys la sacrée ordonnance,
Puis, d'un ton de transport et d'applaudissement,
Benit à haute voix le divin jugement.
Pour accomplir son oeuvre, aussi-tost il commande
À l'un des messagers de l'angelique bande,
Qu'il aille vers l'Ardenne, et trouve dans son bois
La fille destinée à sauver les françois.



Que, par les traits ardens d'un celeste langage,
Il allume en son coeur l'heroique courage,
Qu'il dispose son bras aux grandes actions,
Et chasse de son sein les basses passions.
Sur les confins douteux de France et de Lorraine,
Une espaisse forest s'avance dans la plaine,
Où des arbres chenus les troncs desmesurés
Sont, malgré mille hyvers, par le temps reverés.
Sous leur branchage courbe, et leur feüille touffüe,
L'or des rayons du jour ne frappe point la veüe,
Et le brillant soleil, quand plus fort il reluit,
N'en sçait point escarter les ombres de la nuit.
Là domine la paix, là le repos habite,
Là, ni meute, ni trompe, aucun bruit ne suscite,
Là, les rampans ruisseaux coulent sans murmurer,
Et là le plus doux vent n'oseroit souspirer.
À l'abord de ce bois, d'une soudaine crainte
Les errans voyageurs sentent leur ame atteinte,
Et, cent fantosmes vains à tous coups se formant,
Passent ses noirs sentiers avec fremissement.
En cet affreux sejour, une modeste fille,
L'honneur de son pays, et l'heur de sa famille,
Sous le tranquille abry des ombrages couverts,
Adore incessamment l'autheur de l'univers.
Un trouppeau de brebis, ainsi qu'elle innocentes,
Occupe de ses ans les forces impuissantes,
Dans ce simple exercice elle regne en ces lieux,
Mais son coeur a pour but de regner dans les cieux.



La grandeur du tres-haut est son objet unique,
Elle en repaist le feu de son amour pudique,
Et, par les vifs elans de sa devote ardeur,
Monte jusqu'à sa gloire, et soustient sa splendeur.
Sur le lion bruslant l'astre de la lumiere,
Marchoit avec lenteur dans sa longue carriere,
Et racourcissant l'ombre en ralongeant le jour,
Esclairoit aux mortels du plus haut de son tour.
L'ange, en ce mesme temps, vient d'une aile legere
Porter le grand message à la sainte bergere,
De pompe revestu, de splendeur couronné,
Et d'un globe de feu par tout environné.
Plus pront que n'est l'éclair qui previent le tonnerre,
De sphere en sphere il passe, et descend vers la terre;
Le monde voit sa chute avec estonnement,
Et croit que le soleil tombe du firmament.
Ainsi, lors que la nuit couvre tout de son voile,
On apperçoit souvent une brillante estoille,
Qui du ciel se detache, et se precipitant,
Trace l'air tenebreux d'un sillon éclatant.
Il tombe sur le bois, où la fille medite,
L'ombrage s'en esloigne, et ces flammes evite;
Il n'est tronc ni rameau, qui n'en semble doré,
Et le fort le plus noir en demeure éclairé.
Ce nouvel accident interrompt sa priere,
De frayeur elle tremble, et sille la paupiere,
Ses yeux perdent le jour, à force de clarté,
Et d'un trouble inconnu son coeur est agité.



Du globe lumineux, qui brille autour de l'ange,
Sort une voix alors, mais une voix estrange,
Dont le son plusqu'humain, et les graves accens,
Luy penetrent l'esprit, et ravissent les sens.
Bergere, dit la voix, pucelle juste et sainte,
Calme ton tremblement, et dissipe ta crainte,
Du monarque eternel je suis l'ambassadeur,
Et te viens annoncer ta future grandeur.
Par ton bras aujourd'huy l'auguste providence
Veut redonner la vie aux peuples de la France,
Et, pour leur bien monstrer qu'ils la doivent aux cieux,
Te vient tirer du fond de ces sauvages lieux.
Ton bras sera le bras du grand dieu des armées,
L'anglois verra par toy ses forces consumées,
Orleans deploré s'affranchira par toy,
Et par toy Rheims verra le sacre de son roy.
À ces faits merveilleux prepare ton courage,
La gloire du tres-haut luira sur ton visage,
Et, sa vertu guerriere animant ta vertu,
Fera mordre la terre à l'anglois abatu.
La fille à ces grands mots oppose sa foiblesse,
Ne peut, ni ne veut croire à la haute promesse,
Et se renfermant toute en son humilité,
S'aneantit aux yeux de la divinité.
Mais l'ange qui l'observe, et qui voit sa pensée,
Ton ame en vain, dit-il, est icy balancée,
Dieu, le dieu des combats, t'ordonne par ma voix,
De partir, d'attaquer, et de vaincre l'anglois.



Puis, d'un celeste feu l'ombrageant toute entiere,
Luy souffle du seigneur la puissance guerriere,
Luy fait dans les regards eclater sa terreur,
Et luy met dans les mains les traits de sa fureur.
Dans le sein, à grands flots, il luy respand ses graces,
Il luy fait desdaigner les entreprises basses,
Et la determinant aux actes valeureux,
Luy donne un avant-goust du sort des bien-heureux.
Le jour s'esteint alors, et le lieu solitaire
Demeure dans l'horreur de sa nuit ordinaire,
Le silence y retourne, et son ombrage espais
Redevient le sejour du calme et de la paix.
Elle voit le desert tout semblable à luy-mesme,
Mais elle sent en elle un changement extreme;
De cette nouveauté son esprit est confus,
Elle se cherche en elle, et ne s'y trouve plus.
Son trouppeau, sa forest, ses prés et ses fontaines,
Pour elle desormais sont des images vaines,
Dieu, l'anglois, le françois, les sieges, les combats,
Seuls maintenant pour elle ont de dignes appas.
Pour sauver le royaume elle prend la campagne,
Rodolfe, son cher frere, en son cours l'accompagne;
Elle se sent vaillante, et sa sainte chaleur
L'excite à rechercher l'objet de sa valeur.
Par les lieux que Betford a reduits en servage,
Elle fait en marchant un perilleux voyage,
Les champs et les cités, les fleuves et les bois,
Toute chose est contre elle, en faveur de l'anglois.



Mais le saint messager, sans paroistre à sa veüe,
Autour d'elle ramasse une volante nüe,
Ce precieux depost à sa garde est commis,
La fille sous ce voile eschappe aux ennemis.
Vers Chinon elle acourt des provinces lointaines,
Elle passe les monts, elle passe les plaines,
D'aucun empeschement son cours n'est arresté,
La nüe à son depost garde fidelité.
Dans les murs cependant, tous, d'une ardeur egale,
Ne s'abandonnoient pas à leur perte fatale,
Et l'illustre projet de leur embrasement,
N'estoit pas approuvé de tous egalement.
Neuf riches citoyens, basses et foibles ames,
Craignirent de brusler en de si belles flammes,
Leur courage glacé ne les pût concevoir,
Et la peur en leur sein fit renaistre l'espoir.
Pour remede aux grands maux, dont la ville est pressée,
Le prince bourguignon s'offrit à leur pensée,
Et le plus resolu, par de secrets destours,
Vint, contre Dunois mesme, implorer son secours.
Du haut des cieux alors un autre ange invisible,
Fond au camp de l'anglois durant l'ombre paisible,
Et voit que d'aspres soins Philippes travaillé,
Dans le repos commun languit seul esveillé.
Il voit que de Betford l'insolente fortune
Est ce qui l'inquiete, et ce qui l'importune,
Se coule dans son ame, en accroist la langueur,
Et fait sonner ces mots au profond de son coeur.



Ainsi par l'estranger ta grandeur mesprisée,
À tes propres sujets servira de risée,
Ainsi ceux dont l'orgueil s'abbaissoit devant toy,
Dans tes propres estats te donneront la loy!
C'est-là l'heureux effet de la folle vengeance,
Qui rangea ton Paris sous leur obeissance,
C'est ce que merita le transport desloyal,
Qui te les fit placer dans le throsne royal.
Tu te laissas conduire à ton aveugle rage,
Sans voir qu'en la suyvant tu courois au servage;
Maintenant de leurs fers tu ne te peux garder,
Tu les as commandés, ils te vont commander.
Cette forte cité, bien qu'à-demy conquise,
Seule en te resistant conserve ta franchise;
Juge dans quels filets ton courroux t'a jetté,
Si tu gaignes ces murs, tu pers ta liberté.
L'ange du tout-puissant, d'une ardeur vehemente,
Par de semblables mots l'agite et le tourmente;
La nuit se passe en veille, et le nouveau soleil
Cherche en vain dans ses yeux des traces du sommeil.
L'esprit comblé d'horreur, au plus fort de sa peine,
Il voit un citoyen qu'à sa tente on ameine,
Se trouble à son abord, et consent à regret,
Qu'au nom du triste peuple il luy parle en secret.
L'habitant pres de luy jusqu'en terre s'incline,
Dit que ces boulevards sont prests de leur ruine,
Qu'attaqués de l'anglois, et pressés de la faim,
Si son ayde leur manque, ils resistent en vain.



Desormais, poursuit-il, rien ne les peut defendre,
Mais on les veut brusler, plustost que de les rendre,
La valeur de Dunois passe à l'extremité,
Et prefere la flamme à la captivité.
Contre ces nobles toits, et ce rempart fidelle,
Son indontable coeur rend sa vertu cruelle,
Il a pris des soldats le funeste serment,
Et la ville esplorée attend l'embrasement.
Prens pitié de ce peuple, et reçoy-le en ta garde;
C'est toy seul qu'aujourd'huy pour asyle il regarde,
Au dehors, au dedans, il ne voit que la mort;
Sauve-le de Dunois, sauve-le de Betford.
Pourrois-tu rejetter une gloire si grande,
Tu luy dois demander le bien qu'il te demande,
Affranchis-le du moins des estrangeres loix,
Et s'il subit le joug, que ce soit d'un françois.
Comme quand un meurtrier, qu'un juge impitoyable
Retient sous cent verroux, dans un antre effroyable,
Convaincu de son crime, et privé de support,
N'attend à tous momens que le coup de la mort;
Si la bonté royale arrestant sa justice,
Vient dans le noir cachot l'enlever au supplice,
Il est si prevenu de la peur de mourir,
Que, bien qu'il ait sa grace, il croit tousjours perir.
Du prince criminel ainsi l'ame confuse
Au message flateur la creance refuse;
C'est le plus grand des biens qu'il puisse desirer,
Il le voit, il le touche, et n'ose l'esperer.



En fin ravy de joye il reçoit la requeste,
Et se promet desja le fruit de la conqueste;
Il reprend ses desseins, et pense desja voir
L'audacieux Betford rangé dans le devoir.
Il luy porte soudain l'agreable nouvelle,
Qu'Orleans à leurs voeux cesse d'estre rebelle,
Mais que telle est en luy la frayeur de l'anglois,
Que du bourguignon seul il veut suyvre les loix.
Puis offre, si sa foy peut meriter ce gage,
D'en faire aux leopards un solennel hommage,
De s'unir avec eux d'un eternel lien,
Et par leur interest regler tousjours le sien.
Betford baisse la veüe, et le sourcil qu'il fronce,
Fait, mesme avant qu'il parle, entendre sa responce;
Il est long-temps müet; en fin haussant les yeux,
Il profere ces mots d'un air imperieux.
L'inflexible rigueur des triomphantes armes
Ne permet aux vaincus que l'usage des larmes,
Et, lors qu'à la valeur la fortune se joint,
Elle donne des loix, et ne les reçoit point.
Où jamais a-t-on veu, qu'une ville captive,
Au pouvoir du vainqueur, des limites prescrive,
Pour maistre, dans les fers, ose le refuser,
Et vueille d'elle-mesme à son gré disposer.
Le legitime droit, qui suit l'heureuse guerre,
Avec ses boulevards met tous ses droits par terre,
Et du bras qui la donte, on voit absolument
Dependre, ou sa misere, ou son soulagement.



Non, non, nous la prendrons cette orgueilleuse place,
Nous camperons armés sur sa haute terrace,
Nous aurons en nos mains, sa vie et son trespas,
Et luy ferons vouloir ce qu'elle ne veut pas.
C'est une gloire deüe à la seule Angleterre,
Puisque son seul travail acheve cette guerre;
Elle possedera ce superbe rempart,
Et nul impunément n'y croira prendre part.
Ouy, malgré ciel et terre, il faut qu'elle en joüisse;
Il le faut par honneur, il le faut par justice;
Et, qui pourroit permettre, ayant bien combatu,
Qu'un autre vinst cuëillir le fruit de sa vertu.
Le bourguignon surpris de la response amere,
En sent jusqu'à la rage enflammer sa colere,
Il demeure sans voix, il change de couleur,
Et d'un fixe regard tesmoigne sa douleur.
Plein de fiel il le quite, et s'enferme en sa tente,
Contemple avec horreur sa fortune presente,
Voit sa perte assurée, et forme dans son sein,
Par un sanglant depit, un genereux dessein.
Betford prend l'habitant, et par plus d'une gesne,
Le force à declarer le sujet qui le meine,
Puis, d'un sombre nüage ayant le front chargé,
Avec ces mots crüels, il luy donne congé.
Va, dit-il, et retourne à la ville obstinée,
Dis-luy qu'à mille morts nous l'avons condannée,
Et qu'avec tout leur art, Philippes ni Dunois
Ne sçauroient la sauver de nos plus dures loix.



L'habitant effrayé dans la ville repasse,
Et par tout y respand l'arrest de leur disgrace,
Un mesme desespoir maistrise tous les coeurs,
Et chacun se prepare aux dernieres rigueurs.
De toutes parts alors l'errante renommée,
Comme si la cité venoit d'estre abysmée,
D'un vol infatigable, et d'un langage ardent,
Porte, et conte aux mortels, son mortel accident.
Elle dit qu'à perir par Dunois disposée,
Pour n'estre pas esclave elle s'est embrasée,
Et qu'aveque Dunois, sous ses murs demolis,
Le peuple et le soldat se sont ensevelis.
Du monarque, à ce bruit, la constance succombe,
Son corps d'horreur se glace, et de foiblesse tombe,
De trouble son esprit perd l'usage des sens,
Et lors qu'il se resveille il pousse ces accens.
Que peut plus contre moy le ciel inexorable?
Dequoy peut-il encor me rendre miserable?
Ce que j'avois à perdre, il me l'a tout osté,
À force de malheurs je suis en seureté.
Acheve, acheve anglois, ton inique entreprise,
Mon Dunois, par sa mort, t'a la France conquise;
C'est cette mort fatale, à qui seule tu dois,
De la voir en fin preste à tomber sous tes loix.
Heureux que ce heros, digne du diademe,
Ait tourné sa valeur contre sa valeur mesme;
En vain tout son effort eust choqué ta vertu;
Ce grand coeur par luy seul pouvoit estre abatu.



Mais, ô brave Dunois, quelle fureur subite
Dans ce crüel dessein ton ame precipite?
Quel desespoir t'emporte, et t'excite à perir?
Qui t'engage en mourant, à me faire mourir?
Tu me destruis, helas! Et ta flamme inhumaine,
En t'ouvrant le sepulchre au sepulchre m'entraisne;
Je vivois par toy seul, et la rage du sort
M'attaquant desormais, n'attaque plus qu'un mort.
La France par ton bras, soustenüe, animée,
N'eust pû durant tes jours demeurer opprimée,
Quelques grands accidens qui nous soient arrivés,
Tu ne devois que vivre, et nous estions sauvés.
Par l'affreux mouvement qui t'enleve à la vie,
Tu rends à mes sujets ma couronne asservie,
Tu m'arraches le sceptre, et servant mon vassal,
Tu revests son orgueil de mon manteau royal.
Ton trespas me produit ma derniere misere,
Il me force à chercher une terre estrangere,
Me despoüille, me tüe, et pour comble d'ennuy,
M'abat du mesme bras, qui me servoit d'appuy.
Là, de saisissement, il met fin à sa plainte;
L'image de la mort sur son visage est peinte;
Il renferme en son coeur ses müets deplaisirs,
Ou, s'il les fait parler, ce n'est que par souspirs.
Tombé de maux en maux au fond du precipice,
En tout au fer rebelle il voit le sort propice,
En tout il voit le sort contre luy conjuré,
Et pour luy desormais juge tout deploré.



Voyant fondre sur luy la tempeste fatale,
Pour l'espargner au moins à sa teste royale,
Il resout de ceder, et consent à la fin,
De laisser le cours libre à son mauvais destin.
Ainsi lors qu'un nocher, au milieu de l'Egée,
Quand sa fougue escumeuse est la plus enragée,
Avec peu d'esperance, et beaucoup de vertu,
A le flot dans le flot mille fois rabatu;
Si le ferme timon en sa main se fracasse,
Le sang autour du coeur d'espouvante luy glace,
Il voit qu'il faut perir, sans pouvoir l'eviter,
Donne l'esquif à l'onde, et va pour s'y jetter.
Dans le foible Chinon, qui luy sert de retraitte,
Sous le lambris doré d'une chambre secrette,
Il assemble ses chefs, et pressé de douleur
Leur declare en ces mots l'exces de son malheur.
Indontables guerriers, ma fortune crüelle
N'est pour aucun de vous une chose nouvelle,
Vous avés partagé mes peines et mes soins,
De mes sanglants travaux compagnons et tesmoins.
Des que je vis le jour, ma deplorable vie
Fut l'objet de la haine, et le but de l'envie,
Mes sensibles tourmens sont creus aveque moy,
Je fus malheureux prince, et suis malheureux roy.
Passons de mes vassaux les pratiques rebelles,
Passons de ma maison les horreurs criminelles,
Passons de mes tyrans les injustes assauts,
Ces maux, pour nous, helas! Sont des antiques maux.



Un dernier, plus que tous, à mon regne est funeste,
Du fidelle Orleans nulle trace ne reste,
Et le brave Dunois, en renversant ses tours,
Sous leur vaste rüine a terminé ses jours.
Mon genereux Dunois, de qui l'ame inflexible,
Jusques dans le tombeau s'est fait voir invincible,
Et dont les puissans bras, par tout si redoutés,
Pouvoient me valoir seuls plus que mille cités.
Ainsi l'heureux anglois remporte la victoire,
Tout respond à ses voeux, rien ne manque à sa gloire,
J'empesche seul qu'en tout il ne soit satisfait,
Je manque à son triomphe, et le rends imparfait.
De mon desastre, amis, je n'accuse personne,
C'est le ciel qui le veut, c'est le ciel qui l'ordonne,
Et si le bon succes eust suyvi le grand coeur,
Betford seroit vaincu, Charles seroit vainqueur.
Mais pouvant de ses mains estre encore la proye,
Ostons à sa fureur l'espoir de cette joye,
Ostons au sort injuste, à ses voeux complaisant,
Le moyen de luy faire un si rare present.
L'Auvergne, pour finir mes tristes avantures,
Me fournira de port en ses grottes obscures,
Et je conserveray, dans ces sauvages lieux,
L'image de l'eclat, dont brilloient mes ayeux.
Que si le fier anglois, suyvant son entreprise,
Vient parmy ces rochers attaquer ma franchise,
Lors qu'il aura percé leurs espaisses forests,
Je me puis bien ailleurs garantir de ses traits.



De l'aspre Daufiné je suis tousjours le prince,
Il m'offre un doux refuge en sa forte province,
Et je puis, sur ses monts, attendre en seureté,
Ce que de mes destins les cieux ont arresté.
De là, quand nous verrons adoucir l'inflüence,
Qui de tant de malheurs persecute la France,
Nous reviendrons armés, en belliqueux torrens,
D'un cours impetüeux fondre sur nos tyrans.
Donc, pour ne tomber pas sous le joug du barbare,
Que chacun à partir sans regret se prepare;
Quitons à l'estranger nostre propre maison,
Et choisissons l'exil plustost que la prison.
À ce mot il s'arreste, et la trouppe assemblée,
D'une amere douleur ayant l'ame comblée,
Tristement consentoit au dur commandement,
Et Charles pour sortir se levoit tristement.
Quand il voit, vers la porte, un mobile nüage
S'avancer contre luy, traverser son passage,
Estinceler, se fendre, et descouvrir aux yeux
Un portrait animé des merveilles des cieux.
Le nüage, en son sein, comme en une ample scene,
Luy monstre une bergere, ou plustost une reyne;
Tant d'eclat rejalit, tant de majesté sort
De son air venerable, et de son grave port.
Sa taille est plus qu'humaine, et dans sa haute mine
Reluit l'impression de la grace divine;
Elle a le front modeste, et son severe aspect
Des moins respectüeux attire le respect.



Son poil brun, qui se frise en boucles naturelles,
Acompagne le feu de ses noires prunelles,
Et lon voit en son teint, d'eternelle fraischeur,
La rougeur se confondre aveque la blancheur.
Les douceurs, les sousris, les attraits ni les charmes,
De ce visage altier ne forment point les armes,
Il est beau de luy-mesme, il donte sans charmer,
Et fait qu'on le revere, et qu'on n'ose l'aymer.
Pour tous soins, une fiere et sainte negligence,
De sa masle beauté rehausse l'excellence,
Et par ses ornemens, ouvrages du hazard,
Rend la nature en luy plus aymable que l'art.
Une innocente flamme, ainsi qu'une couronne,
Dore sa tresse brune, et sa teste environne,
Mais d'un divin brasier ses regards flamboyans,
Percent et bruslent tout de leurs traits foudroyans.
Son geste, bien que sage, est plein de hardiesse,
Sa contenance est humble, et pourtant sans bassesse,
Et sa condition ne paroist nullement,
Sinon par sa houlette, et par son vestement.
Le ciel, pour la former, fit un rare meslange
Des vertus d'une fille, et d'un homme, et d'un ange,
D'où vint, apres, au jour cet astre des françois,
Qui ne fut pas un d'eux, et qui fut tous les trois.
Chacun plein de surprise, à ce nouveau spectacle,
Doute si c'est un songe, ou si c'est un miracle,
Et tous, acoustumés à leur sort rigoureux,
N'oseroient s'en promettre un estat plus heureux.



En ce mesme moment l'auguste providence,
Qui veut que desormais le saint oeuvre commence,
Du souffle de son sein, dans leur sein descendu,
Determine en son choix leur esprit suspendu.
Avec ce sacré souffle, une forte lumiere
Leur descend dans le coeur, leur ouvre la paupiere,
Et pour croire en la fille, et recevoir sa loy,
Captive leur raison, et leur donne la foy.
Si quelque doute encore en leur ame demeure,
Par ses brulans rayons il se dissipe à l'heure;
Dans l'aspect de cet astre ils descouvrent leur bien,
Et pour eux desormais ne redoutent plus rien.
Ainsi quand, par l'effort d'un violent orage,
Quelque grand galion est proche du naufrage,
Qu'il voit ceder aux vents l'art de ses matelots,
Et que ses flancs ouverts donnent passage aux flots;
Si dans ce desespoir, sur sa hune tremblante,
Fond du plus haut des cieux une estoille eclatante,
Ce feu de bon presage à chacun rend le coeur,
Et les flots, ni les vents, ne leur font plus de peur.
Le monarque françois, en ce point deplorable,
Parmy ses courtisans n'a rien de remarquable,
Comme eux il est vestu d'un simple habillement,
Et comme eux, dans la foule, il va confusement.
La fille toutesfois, par les cieux eclairée,
Le choisit entre tous d'une oeillade assurée,
Et d'une ferme voix luy parle en mots puissans;
L'ange qui l'acompagne anime ses accens.



Ta priere, dit-elle, est en fin exaucée;
Charles, Dieu prend pitié de ta gloire abaissée;
Sa sainte volonté se tourne, en sa faveur;
Je seray sa guerriere, il sera ton sauveur.
C'est, dans le seul dessein de finir ta misere,
Qu'il ma ravie aux bois, jeune et foible bergere,
Et de sa propre main, guidée à ton secours,
Malgré tous les perils, qui traversoient mon cours.
Des merveilleux effets de sa grace propice,
Je suis la messagere, et suis l'executrice,
Et j'apporte, en son nom, dans ce fragile bras,
Aux françois le salut, aux anglois le trespas.
Je viens, sous le pouvoir de l'arbitre du monde,
Remettre ton empire, en une paix profonde,
Redonner la culture à tes champs desertés,
Et restablir la joye, en tes mornes cités.
La Loire, par ce bras, va voir sa delivrance,
La Seine va, par luy, couler sous ta puissance,
Et Rheims te va r'ouvrir un chemin glorieux,
Pour remonter au throsne, où regnoient tes ayeux.
Repren le noble espoir, et le ferme courage,
Qui t'ont fait, si long-temps, resister à l'orage;
Repren le gouvernail, que des ombrages vains
Ont fait abandonner à tes royales mains.
Arriere le penser d'en laisser la conduitte;
Arriere le penser de retraitte et de fuite;
Aucun lieu, si tu fuis, ne te peut assurer;
Dans le seul Orleans, il te faut retirer.



Orleans à l'anglois fait tousjours resistance,
Et donne jour encore au salut de la France;
L'invincible Dunois est encore vivant,
Et le bruit de sa mort est un bruit decevant.
De ton ame, ô grand roy, bannis donc la foiblesse;
J'ay, pour toy, du grand dieu la foudre vengeresse;
Ce bras est l'instrument de son juste courroux,
Et bien-tost le rebelle esprouvera ses coups.
À la fin de ces mots, la celeste guerriere,
Jette une plus ardente et plus vive lumiere;
De son superbe eclat, les yeux sont ebloüis;
De son masle discours, les coeurs sont resjoüis.
La grace du seigneur rend sa voix efficace,
Tous, au fond de leur sein, sentent fondre leur glace;
Chacun benit son sort, et s'estonne de voir,
Au plus fort de la peur, ressusciter l'espoir.
Le seul vieillard Gillon, qu'une jalouse crainte
Avoit rendu d'abord ennemy de la sainte,
Durant qu'elle parla, ne fit que murmurer,
Et parut en courroux, d'avoir lieu d'esperer.
Animé par sa peur, il s'avance, et s'escrie;
Ah! Charles, defens toy de cette piperie;
Dans le fond de l'abysme, on te veut replonger;
Et ce jeu, n'a pour but, que de t'y r'engager.
L'anglois te rend ce piege. à ces mots, la pucelle
Se tourne, l'envisage, et des yeux estincelle;
Par leurs brillans eclairs, il se sent interdit,
Et l'ardeur de son feu soudain se refroidit.



Il perd, et coeur, et voix, et tombe sur la place,
Amaury, De Gillon pleure et plaint la disgrace,
La trouppe la contemple aveque tremblement,
Et la croit du tres-haut un juste jugement.
Charles levant aux cieux la veuë et la parole;
Pere commun, dit-il, dont le soin nous console,
Qui d'un oeil de pitié regardes tes enfans,
Et de vaincus qu'ils sont, veux qu'ils soient triomphans.
Je reçoy, plein de foy, de respect et de crainte,
Cette insigne faveur de ta majesté sainte,
Et desja par l'effort de ton foudre lancé,
Je voy le françois libre, et l'anglois terracé.
Puis, rabaissant ses yeux sur la fille admirable,
Ô guerriere, dit-il, ô merveille adorable,
Mon sceptre desormais dependra de ta loy,
Je veux dans mon royaume estre sujet pour toy.
Use de tout le droit que ma noble couronne
Me donne sur mon camp, sur mes peuples me donne,
Guide et pousse mon bras contre mes ennemis,
Tousjours à ton vouloir le mien sera soumis.
Mes pas suyvront tes pas, au milieu des batailles,
Mon bras suyvra ton bras, à l'assaut des murailles,
Mon coeur suyvra ton coeur, dans les feux et les traits,
Et n'aura pour objet que tes illustres faits.
Mais armons, avant tout, ce celeste courage,
Qui nous doit affranchir de mort et de servage;
En cuirasse, en espée, il est temps de changer
Ces champestres habits, ces armes de berger.



De joye en finissant il verse quelques larmes,
Et la veut honnorer de ses plus cheres armes;
Il veut en ce lieu mesme, en ce mesme moment,
Offrir à sa valeur ce guerrier ornement.
Par son ordre on l'apporte, et pompeux marche en teste
L'armet, dont un grand coq forme l'altiere creste,
Et, qui d'un grand pennache ombragé tout autour,
Pardevant mesme à peine est eclairé du jour.
Le haussecol leger au grand casque succede,
Et de trempe et d'eclat, presque en rien ne luy cede;
Il s'ouvre, et se referme, et cent clous estoillés
En brodent pres à pres les rebords estalés.
Apres, entre et reluit la puissante cuirasse,
Qui seule à la porter deux puissans hommes lasse;
Et fait voir par son poids, qu'en aller revestu,
Ne peut estre un effort de commune vertu.
Puis, viennent les braçards à ployantes escailles,
La terreur des tyrans en l'ardeur des batailles,
Viennent les gantelets escaillés et ployans,
Que leur dos tant de fois a sentis foudroyans.
En fin, paroist la grande et solide rondache;
Celuy qui la soustient derriere elle se cache;
Son centre est un soleil, par qui de toutes parts,
Cent rayons ondoyans vers ses bords sont espars.
D'impenetrable acier ces armes composees,
De l'artisan robuste ont les forces usées;
Il les fit pour son prince, et, d'un soigneux devoir,
Sur elles de son art consomma le pouvoir.



Par la sçavante main leur estoffe polie,
Sous des lames d'argent fut toute ensevelie,
Et sur l'argent espais estinceloit encor,
Un riche embrasement de vives flammes d'or.
Entre-elles s'eslevoient, en bosse delicate,
Les faits par qui des francs l'antique honneur eclate,
Ces genereux desseins, ces triomphans exploits,
Qui servirent de base au throsne des françois.
Sur tout y resplendit la victoire ancienne,
Qui bannit de leurs coeurs l'impieté payenne,
Et le fameux succes des champs italiens,
Par qui fut leur grand roy l'aisné des roys chrestiens.
Charles de sa main propre en revest la pucelle,
Et dit, facent les cieux, pour leur gloire immortelle,
Que, plus heureusement qu'ils ne me l'ont permis,
Tu les puisses porter contre mes ennemis.
Puis ostant de son col la flamboyante espée,
Qu'il a de sang rebelle en tant de lieux trempée,
Au flanc de la guerriere il vouloit l'atacher;
Mais par ces graves mots il s'en vit empescher.
Garde ce fer, dit-elle, et fay que ta vaillance
Par luy serve à briser les chaisnes de la France;
Le sauvage Fierbois a dans son sein pieux,
Celuy par qui mon bras sera victorieux.
Là, non loin d'un cercueil rustique et venerable,
Où reposent les os d'une fille admirable,
Sous la terre sacrée, au pied d'un sombre autel,
Est l'ardent coutelas du celebre Martel.



Ce coutelas heureux, sur la Loire asservie,
Ravit aux sarrazins la conqueste et la vie,
Et par ce grand heros, au fond de ce saint lieu,
Encore tout sanglant fut offert au grand dieu.
Maintenant, pour ton bien, la majesté divine,
À destruire l'anglois ce coutelas destine,
Elle veut que par luy l'anglois soit immolé,
C'est un secret fatal qu'elle m'a revelé.
Si tu veux à sa teste enlever ta couronne,
Fay que bien-tost Fierbois ce coutelas me donne,
Sans luy mon foible bras ne te peut secourir,
Et ta France est encore en estat de perir.
Elle acheve d'un ton remply de vehemence;
Charles croit de Dieu mesme entendre l'ordonnance,
Et, pour l'executer, elit seul entre tous,
Le non moins valeureux que devot Chasteauroux.
De cent humbles respects il honnore la sainte,
Pour elle il a le coeur plein de zele et de crainte,
Sur elle avec transport il atache ses yeux,
Et l'imagine un ange envoyé par les cieux.
Chacun de ses guerriers, imitant son exemple,
Avec mesme transport la guerriere contemple,
Et tous, dans ses regards recherchant leur destin,
Pensent de tous leurs maux y descouvrir la fin.
Ainsi les voyageurs, que la nuit sombre et vaine
A surpris aux deserts de la plage africaine,
Parmy les monts de sable enflammés et mouvans,
Que font et que desfont les caprices des vents;



Apres mille terreurs, appercevant eclôre
Les feux resplendissans de la vermeille aurore,
Tournent les yeux vers elle, et d'aise transportés
Pensent voir leur salut en voyant ses clartés.
Desja le blond soleil demy-plongé dans l'onde,
De rayons languissans illuminoit le monde,
Et desja l'horizon, dans tout son large tour,
Tenoit plus de la nuit, qu'il ne tenoit du jour;
Desja du firmament les plus vives estoilles,
Des campagnes de l'air perçoient les sombres voiles,
Et desja les flambeaux de mille astres divers,
D'une lumiere pasle, eclairoient l'univers.
La sainte fille alors, de chacun reverée,
Loin du profane bruit, à l'ecart retirée,
Pour relever le throsne, et delivrer ces lieux,
D'ardentes oraisons importune les cieux.
Revenir en haut Aller en bas
 
Jean Chapelain (1595-1674) LIVRE 1
Revenir en haut 
Page 1 sur 1
 Sujets similaires
-
» Jean Chapelain (1595-1674) LIVRE 2
» Jean Chapelain (1595-1674) LIVRE 3
» Jean Chapelain (1595-1674) LIVRE 4
» Jean Chapelain (1595-1674) LIVRE 5
» Jean Chapelain (1595-1674) LIVRE 6

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
PLUME DE POÉSIES :: POÈTES & POÉSIES INTERNATIONALES :: POÈMES FRANCAIS-
Sauter vers: