PLUME DE POÉSIES
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 Jean Chapelain (1595-1674) LIVRE 11

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Jean Chapelain (1595-1674) LIVRE  11 Empty
MessageSujet: Jean Chapelain (1595-1674) LIVRE 11   Jean Chapelain (1595-1674) LIVRE  11 Icon_minitimeLun 7 Mai - 14:59

LIVRE 11




Tandis que, de la sorte, à l'attaque on s'appreste,
Betford, qui, sur son chef, voit fondre la tempeste,
Recueillant ses esprits, à l'abry des remparts,
Ramasse ses guerriers, par la frayeur, espars.
Pour le faire sans trouble, il veut qu'on chasse l'ombre,
Par un jour emprunté de lumieres sans nombre;
À leur brillant eclat cede l'obscure nuit,
Et la confusion, aveque elle, s'enfuit.



Cette illustre cité, qui la France maistrise,
Comme desdaignant d'estre en peu de lieu comprise,
D'une province à l'autre, estend son vaste enclos,
Et de la claire Seine embrasse les doux flots.
Ce fleuve en deux la fend, et, pour troisiesme ville,
Luy mesme, en se fendant, forme, entre elles, une isle,
Qui fut le vray Paris des gaulois habité,
Et qui conserve encor le surnom de cité.
Elle est seule un empire, et sa grandeur immense,
En seize regions, partage sa puissance,
Et chacune, au besoin, de ses forts habitans,
Sans peine, arme et fournit trois mille combatans.
Tout quartier a sa place, à sa trouppe, assignée,
L'une plus, l'autre moins, des portes esloignée;
Où s'assemblent les corps en bataille rangés,
Pour les conduire aux murs, lors qu'ils sont assiegés.
Betford, à qui sa triste et honteuse deroute
Laisse de sa fortune un legitime doute,
Et qui craint que le peuple, à ce coup repenty,
Ne vueille repasser au contraire party;
Pour son propre salut, sous ombre d'assistance,
Des altiers boulevards donne aux siens la defense,
Et, loin de chaque porte, et du tour des fossés,
Tient les pasles bourgeois, avec art, dispersés.
Seulement, de leur nombre, il choisit une bande,
Qu'il veut que l'un des siens, sous ses ordres, commande;
Et luy commet le soin d'un endroit escarté,
Où l'assaut du françois est le moins redouté.



Puis courant et volant de terrace en terrace,
Où le plus, dans les coeurs, il remarque de glace,
Où le plus, dans les bras, il trouve de langueur,
Là, sa voix il desploye, avec plus de vigueur.
Compagnons, leur dit-il, dont la fougue indiscrette
S'imagina du crime, en ma sage retraitte,
Et qui, d'un feu trop chaud vous sentant consumer,
Du nom de lasche fuitte osastes la nommer;
Reconnoissés le but de cette fausse fuitte,
Et joüissés du fruit de ma bonne conduitte;
Voyant vos ennemis, par mon art, attirés,
Où si long-temps, en vain, je les ay desirés.
J'ay leur orgueil accreu, me feignant, sans courage;
Ils vous attaqueront, à leur desavantage;
Et, du haut de ces murs, vos moins robustes bras,
Aisement, aux plus forts donneront le trespas.
En ce lieu, du françois l'imprudence amenée,
De Poitiers, d'Azincourt, aura la destinée;
Il marche audacieux, et, sans voir son danger,
Brutalement, par vous, se vient faire egorger.
Pour faire, à sa valeur, aussi foible qu'altiere,
Dans ces larges fossés, trouver son cimetiere,
Roulés, par tout, sur luy, vos cailloux et vos grais,
Lancés, sur luy, par tout, et vos dards et vos traits,
Couvrés ses bataillons, d'un nüage de fleches,
D'un visage assuré, presentés vous aux breches,
Attendés son assaut, et soustenés ses coups,
Quelque brave qu'il soit, guerriers, il est à nous.



Puis au peuple il se tourne, et luy tient ce langage;
Ce Charles, luy dit-il, ce reste de carnage,
Qu'autresfois, parmy vous, vous ne pustes souffrir,
Contre nous, à vostre ayde, aujourd'huy vient s'offrir.
Mais voyés, quel secours vous offre l'infidelle;
D'abord il remplit tout, d'une flamme crüelle,
À ceux qu'il feint d'ayder il dechire le flanc,
Et les noye, en un lac, qu'il forme de leur sang.
Ah! Vous connoissés trop le dessein qui le meine;
Vous ne pouvés douter de sa rage inhumaine,
Ny qu'il n'ait, dans le coeur, profondement gravé
Le massacre des siens, par vos mains, arrivé.
De tant d'affreuses morts, dans son ame implacable,
Il n'est aucun de vous qu'il n'estime coupable;
Comme ses criminels, il vous regarde tous,
Et son courroux ardent n'a, pour objet, que vous.
Sur vos malheureux murs, oyant gronder l'orage,
Dont de ce fier tyran les menace la rage,
À quels masles efforts cet horrible danger
Ne doit point, contre luy, vostre coeur obliger?
Allons donc vaillamment escarter la tempeste,
Dont se promet son bras d'ecraser vostre teste;
Allons sauver l'honneur, dont il veut vous priver;
Allons vos biens, vos loix, et vos temples sauver.
Par ces mots si pressans, et si pleins d'artifice,
Il anime au combat l'une et l'autre milice,
Et, bien que, plus qu'aucun, il se sente abatu,
Ne fait pas, sur son front, lire moins de vertu.



Ainsi le medecin, qu'un accident funeste
Renferme en un palais attaqué de la peste,
Quoy qu'à son jugement le venin soit trop fort,
Et que tout ce qu'il voit luy parle de la mort;
Il offre aux infectés sa fidele assistance,
Flatte les moribonds, les repaist d'esperance,
Et, dans l'exces du mal, lors qu'il est deploré,
Dissimule sa peur, sous un front assuré.
Talbot qui, de tout temps, en son ame hautaine,
Nourrissoit, pour Betford, une jalouse haine,
Et, contre sa grandeur, hautement declaré,
Vivoit, aux yeux de tous, d'avec luy separé;
Languissant à Paris, depuis plus d'une lune,
Du succes de Patay maudissoit l'infortune,
Et de sa playe encor n'estoit pas bien remis,
Quand Betford s'y sauva, devant ses ennemis.
Sa honte eust satisfait un moins noble courage;
Le genereux Talbot, loin d'en prendre avantage,
Suspendit, contre luy, ses vieux ressentimens,
Et sentit ses desdains, pour luy, moins vehemens.
Du fauxbourg attaqué, sa supreme vaillance
Voulut, plus d'une fois, embrasser la defense,
Voulut, plus d'une fois, les flammes amortir;
Mais l'effroy de Betford ne le put consentir.
Mesprisant, par vertu, l'ordinaire loüange,
En cette occasion, seul aux murs il se range,
Et, comme independant, sans à rien s'obliger,
Se destine par tout, où sera le danger.



Le brave Lyonnel, au dessein de son pere,
Dans le mesme party, fait un dessein contraire,
Craint, pour un seul endroit, les effets du malheur,
Et, pour ce seul endroit, reserve sa valeur.
Il adoroit Marie, et son ardeur fidelle,
En ce peril commun, ne craignoit que pour elle;
Il l'y regardoit seule, et son bras redouté
Y combatoit pour elle, et non pour la cité.
Quand, du royal desert, en la royale ville,
Cette chaste beauté vint chercher son asyle,
L'ayant, plus que jamais, contemplée à loysir,
Il en vit redoubler le feu de son desir.
Sans rival, sans jaloux, qui troublast sa fortune,
Il vit, jusqu'à trois fois, renouveller la lune;
Et, durant tout ce temps, ne passa point de jour,
Qu'il ne le signalast, par cent preuves d'amour.
Attiré par ces yeux, eschauffé de leur flamme,
Il en fit desormais tout l'objet de son ame;
Il fut tout à Marie, et, reverant ses loix,
Pour estre son amant, oublia d'estre anglois.
Rejetté, desdaigné, sans aucune esperance,
Il l'ayma, toutesfois, avec perseverance;
Il cherit ses rigueurs, et creut que le trespas
Estoit un mal plus doux, que de ne l'aymer pas.
De ses yeux flamboyans les vives estincelles,
Autant que de Talbot les souffrances crüelles,
Avoient, en ce grand coeur, amoureux des hazards,
Engendré du mespris, pour les faveurs de mars.



S'il consent qu'à la guerre encore on le remeine,
C'est comme defenseur du sejour de sa reyne,
Du beau sejour des roys, du palais eclatant,
Dont la garde est commise aux soins de l'habitant.
Ce poste est le plus fort, et le moins honnorable;
À tout autre, pourtant, il le tient preferable;
Il regle son honneur, par son affection,
Et fait, de son amour, sa seule ambition.
Betford, dont tous les lieux desirent la presence,
Dans ses preparatifs, fait luire sa prudence;
Et, par tout, où du camp se peut tourner l'effort,
Sous cent aspects divers, il oppose la mort.
Par tout, de l'arsenal les poudres on charrie;
Sous un faix si pesant, le charroy ploye et crie;
On ne voit que boulets, que dards, que traits, qu'espieux,
Qu'affusts desmesurés, et qu'enormes essieux.
De terre et de fumier on comble des barriques;
Aux creneaux abatus on redonne des briques;
L'huille sur les trepieds boüillonne en mille endroits;
Icy poussent les forts, là rangent les adroits;
Les enfans ont la hotte, et les vieillards la pelle;
À ce travail encor les femmes on appelle,
Et, dans l'extremité d'un danger si present,
Nul âge n'est oysif, nul sexe n'est exempt.
Ainsi, lors qu'un essaim d'abeilles vigilantes,
Voit s'obscurcir le ciel, sur ses ruches tremblantes,
Un son triste et confus sort de ces logemens,
Qui fait retentir l'air de sourds bourdonnemens.



Les volans citoyens, pour soustenir l'orage,
De leurs toits crevassés reparent le dommage,
Courent à chaque fente, et bouchent tous les trous;
Le labeur inquiët se partage entre tous.
L'assiegé, sur le mur, precipite sa tasche;
L'assiegeant, sous le mur, travaille sans relasche;
Desormais tout est prest, et, de chaque costé,
L'on n'est plus retenu que par l'obscurité.
Chacun des deux partis, en diverse maniere,
L'anglois et le françois attendent la lumiere,
Dans la peur, dans l'espoir du grand evenement,
Par qui se doit finir un si long mouvement.
Et des-ja, sur le lit, où la clarté sommeille,
Le douteux crepuscule, et s'estend, et s'esveille,
Et, d'abord foible et sombre, en suitte paslissant,
Vient preparer la voye au soleil renaissant.
Des-ja des moindres feux les lampes infinies
Paroissent, dans le ciel, esteintes ou ternies;
Dans le profond des airs, les astres les plus grands,
Ne jettent plus, des-ja, que des rayons mourans;
L'aube naist, puis s'enfuit, par l'aurore, chassée;
Par le soleil, enfin, l'aurore est effacée;
Le jour, d'un jaune d'or, peint la crouppe des monts,
Et de perles, sans nombre, emaille les vallons.
Par cent bouches d'airain, une foudre subite
Pousse, alors, cent eclairs, vers le mur opposite;
Cent boulets embrasés, de cent lieux differens,
Volent, vers un lieu mesme, à-l'envy murmurans.



La terre, sous les pieds, se meut à ces tempestes;
L'air, en cent lieux s'ouvrant, siffle aigu sur les testes;
Le canonnier recharge, et, soudain repointant,
À redoubler ses coups, ne perd pas un instant.
Un feu succede à l'autre, et sa pronte furie
Forme un nüage espais, sur chaque baterie;
D'une obscure vapeur, le canon aveuglé,
Bien qu'il tire tousjours, n'a plus de but reglé.
Mais, des remparts batus, une contraire foudre,
Au milieu du broüillards, que fait l'ardente poudre,
Confondant son tonnerre aveque son eclair,
Resillonne, à grand bruit, les campagnes de l'air.
Entre les canons seuls, durant un long espace,
L'effroyable combat, des deux costés, se passe,
Et des-ja le haut mur, de mille coups ouvert,
Laisse du boulevard le terrain descouvert;
Des-ja le bas du pan, qui revest la courtine,
Remplit le bas fossé, de sa vaste rüine;
Le terrain, d'heure en heure, affaisse sa hauteur,
Et l'ouvrage entrepris s'avance, avec lenteur.
Mais, enfin, le canon, qui sans cesse descharge,
Donne aux voeux du françois une breche assés large,
Et pour y monter mesme, à force de grands coups,
En fait voir le panchant desormais assés doux.
Des siecles precedens, la rude architecture
Enfermoit les cités, d'une simple closture,
Et, contre la fureur des drappeaux assaillans,
Ignoroit le secours des angles et des flancs.



Paris, pour sa ceinture, en cet age rustique
Gardoit, comme pour tout, l'ordonnance gothique,
Et, par de creux fossés, et de hauts boulevards,
Couvroit ses habitans des orages de mars.
Du tonnerre infernal la machine naissante
Estoit, encore alors, de carnage innocente;
Et, contre les seuls murs, l'art encore imparfait
En avoit destiné le formidable effet.
La malice d'alors, moins qu'en ces temps subtile,
Ne rendoit point encor la valeur inutile,
Par les ressorts cachés, et les menus boulets
De la longue harquebuse, et des courts pistolets.
Quand les chefs au combat engageoient les armées,
On n'oyoit plus gronder ces bouches enflammées,
Et l'on n'avoit à craindre, au milieu des hazards,
Que les lances, les traits, les fleches, et les dards.
La sainte, cependant, qui voit chaque brigade,
À grands cris, en tous lieux, demander l'escalade,
Et voit que, si son roy tarde à les occuper,
Leur mutine chaleur les va faire eschapper;
S'escrie; ô compagnons, quelle fureur subite
À donner, avant l'ordre, ainsi vous precipite?
Quoy! Ne sçauriés-vous donc vous contraindre un moment?
Voulés-vous de l'assaut risquer l'evenement?
Voyés quelle est la breche, et jugés si, sans blasme,
On y peut exposer vostre imprudente flamme;
Devant le temps venu, cette ardeur tesmoigner,
C'est perdre follement ce que l'on veut gaigner.



Permettés qu'aujourd'huy la guerriere science
De ce feu belliqueux regle la violence;
Le courage, ô françois, ayde moins qu'il ne nuit,
Si, par le jugement, son effort n'est conduit.
Souffrés que la raison, par un chemin facile,
Vous meine en seureté, dans la rebelle ville.
La sainte, avec ces mots, les croyant reprimer,
Ne fait que d'autant plus leur fureur animer.
Surprise d'un transport, si fier, si redoutable,
Elle cede, vaincüe, à leur fougue indontable,
Et, ployant sous le joug de la necessité,
Accorde aux bataillons le rempart souhaité.
Ainsi, lors que l'enceinte a renfermé la beste,
Que chacun dans la plaine à la courre s'appreste,
Et que le seur limier, au veneur satisfait,
Par ses abois, l'enseigne, et bande sur le trait;
Souvent des chiens couplés la forte impatience
Du bras qui les retient maistrise la puissance,
Et contraint le chasseur, bien que mal preparé,
De les souffrir donner, dans le fort desiré.
Plein de joye, à l'instant, chacun prend sa fassine;
Chacun, vers les fossés, à grands pas, s'achemine,
Et son fardeau leger, par ordre, y deschargeant,
Se monstre, en ce labeur, à-l'envy diligent.
Des spacieux fossés des-ja la vaze humide,
Sous les faisseaux, se cache, et devient plus solide;
Des-ja, sur les faisseaux, les regimens espars
Vont appuyer l'eschelle, au front des boulevards.



Des archers, cependant, la valeureuse elite
Borde la contr'escarpe, et leurs cours facilite,
Et, voilant l'air serain d'un nüage de traits,
Esloigne des creneaux le defenseur espais.
À la gauche du mur, que le canon foudroye,
Où, du couchant au nord, doucement il se ploye,
Saintrailles, Barbazan, Vignoles, Rieux, Aymard,
Chacun, de suitte en suitte, entreprend le rempart.
René doit, apres eux, assaillir la courtine;
Archambauld prend l'attaque à cette autre voysine,
Et Dunois, vers l'endroit à la breche opposé,
Tient, plus ardent que tous, son assaut disposé.
La guerriere est, sans poste, et, par tout, elle vole;
Par tout, à la mesme heure, on entend sa parole;
Elle a l'esprit à tout; à tout elle a les yeux;
Le camp, avec plaisir, la remarque en tous lieux.
Au pied du mont prochain, sur la verte prairie,
Charles fait plus d'un gros de sa cavallerie;
Reserve necessaire, et corps brillant et fort,
Destiné pour remede aux accidens du sort.
Du fifre et du tambour les cadences grossieres,
Se meslent au concert des trompettes guerrieres;
Leur son enfle le coeur des moins braves soldats,
Et les met au dessus de la peur du trespas.
Chaque corps, d'un temps mesme, aux murailles s'elance;
Chacun vers le sommet, d'un pas ferme, s'avance;
Par l'anglois vigoureux, à ce choq appresté,
Le vigoureux françois est, par tout, rejetté.



À ceder aux efforts du belliqueux orage,
L'assaillant courageux voit forcer son courage;
L'un, sur l'eschelon bas, meurt de gloire privé,
L'autre meurt glorieux, sur le haut arrivé.
Tel, que renverse un grais, roulant sur plus d'un homme,
Comme leur ennemy, de son poids les assomme;
Tel autre, son meurtrier, dans sa cheute, attirant,
Fait, par ses propres mains, sa vengeance, en mourant.
On ne voit que fracas, et d'armes, et d'eschelles;
Tout resonne de cris, et d'atteintes mortelles,
Les traits, les javelots, les fleches, les cailloux,
Sans perdre une mort seule, addressent tous leurs coups.
L'attaque, toutesfois, n'en devient pas plus lente;
Soudain aux boulevards l'escalade on replante.
Robert, sous Barbazan, y monte avec ardeur,
Et d'un chemin si droit ne sent point la roideur.
Il soustient huit grands dards, sur une ample rondache,
Qui, sous son espaisseur, à huit trespas le cache;
Suit, malgré tout, sa pointe, et, d'aise transporté,
Se flatte de l'espoir de prendre la cité;
Quand le fort Villougby, dont ce poste est la garde,
De toute sa vigueur, son javelot luy darde;
Du grand coup il trebuche, ouvert de part en part,
Et perd, en gemissant, la vie et le rempart.
Vers où Rieux à l'assaut sa fiere bande anime,
Geoffroy se guinde en l'air, et va jusqu'à la cime;
Quatre dards, contre luy, sont poussés à la fois,
Il les pare, et, du sien, repousse les anglois.



À ses coups, l'ennemy plie, et prend l'espouvente;
Geoffroy saisit le mur, d'une main triomphante,
Tout prest à le franchir, si Morton survenu,
Au fort de son ardeur, n'eust son cours retenu.
Morton leve le bras, et, d'une lourde hache,
Du robuste poignet une main luy detache;
De l'autre il se racroche, et voit Morton soudain,
Avec le mesme fer, luy trancher l'autre main.
Les dents, tout luy manquant, dans les pierres il plante;
Et perd la teste encor, sous la hache tranchante;
Le tronc, en sang, retourne au françois indigné;
Luy, des mains et des dents, garde le mur gaigné.
Au poste d'Archambauld, le candiot Thrasyle
Se fait remarquer seul, et s'eleve entre mille;
L'anglois le charge en foule, et le repousse en bas;
Ce grand coeur, toutesfois, ne se rebute pas;
Soudain le defenseur se le revoit en teste,
Et, fait d'en haut, sur luy, retonner sa tempeste;
Il descend derechef, puis remonte à l'instant,
Et tout couvert de traits, de sang tout degoutant,
Par le chemin de l'air, il se fait faire place,
Et, d'un pied glorieux, va franchir la terrace;
Quand le brave Pembrok, transporté de douleur,
À l'effroyable aspect d'une telle valeur,
Contre ce seul guerrier, pousse sa trouppe entiere,
Et roule, sur son front, la boüillante chaudiere,
L'huille qu'en mille lieux, sur des trepieds ardens,
Tenoient, au bord du mur, les ennemis prudens.



L'ondoyante liqueur, dans ses blessures, entre,
Luy penetre les os, et luy ronge le ventre;
À ce trespas horrible, on le voit succomber;
Mais il tient, long-temps, ferme, avant que de tomber.
Tel, quand, pleins de fureur, les enfans de la terre,
Aux habitans du ciel declarerent la guerre,
Et qu'Osse et Pelion, l'un sur l'autre entassés,
Servirent d'eschellons à leurs pas insensés;
Entre mille geans, l'immense Briarée
S'alloit faire passage à la voute azurée,
Si, par un foudre heureux, le ciel presque emporté,
En terre, avec ses monts, ne l'eust precipité.
Du valeureux françois l'attaque vigoureuse,
Par tout egalement, se trouve malheureuse;
René, Poton, Aimard, l'obstinent vainement;
L'entreprise a, sous eux, le mesme evenement.
Dunois mesme, Dunois, ce heros invincible,
Qui jamais à son coeur n'a rien veu d'impossible,
Bien qu'il fust, dans la ville, entré victorieux,
N'en esprouva pas moins le sort injurieux.
Vers où dans un marais, pres du bord de la Seine,
La Bastille commande, et la ville, et la plaine,
Et cache de son ombre, aux premiers feux du jour,
L'hostel, qui des vieux roys fut le pompeux sejour;
Ce heros, à grands pas, jusqu'au fossé s'avance,
Et medite un effort digne de sa vaillance;
Mais il voit qu'en ce lieu le limon du marais
S'estend plus qu'en nul autre, et mesme est plus
Espais.



De l'oeil il le mesure, et, sans craindre l'orage,
Qui de traits et de dards, sur luy, verse un nüage,
Employant tous les bras de ses vaillans drappeaux,
De roches et de troncs y roulent des monceaux.
Par vingt guerriers choisis, chacun suyvi de trente,
Dans le ferme bourbier, vingt eschelles il plante;
Le crochet mord la cime, et le pivot pointu
Oste au brave assaillant la peur d'estre abatu.
Par vingt endroits, alors, tous s'elevent ensemble,
Et d'abord l'habitant, sur sa muraille, tremble;
D'un cours, et si rapide, et si determiné,
Il se sent l'ame emeüe, et le coeur estonné.
Mais, l'exces du peril affoiblissant la crainte,
Par ses grais, par ses traits, il garde son enceinte,
Et l'on luy voit long-temps son destin balancer,
Sans ceder à l'assaut, et sans le repousser.
Enfin, les assaillans forcent sa resistance,
Et font, vers eux, du sort incliner la balance;
Des-ja quatre d'entre eux ont franchy le rempart,
Et pressent l'habitant, par leur terrible dard.
Lyonnel qui, plus haut, combatoit avec gloire,
Voyant, là, les françois proches de la victoire,
Vient à l'ayde des siens, et, boüillant de courroux,
Dans un besoin si grand, suffit seul contre tous.
De ces quatre, d'abord, il purge la terrace;
Deux meurent à ses pieds, deux luy quittent la place,
Et, d'effroy demy-morts, roulent precipités,
Sur ceux mesmes qu'au sac ils avoient invités.



Il va de là, par tout, et, par tout, on le treuve;
La valeur, en son bras, fait sa derniere espreuve;
Il porte à chaque eschelle un assuré trespas,
Et l'on ne voit de luy, que son fer et son bras.
Ainsi quand, sur les monts du baltique rivage,
De sarmates chasseurs une bande sauvage
Anime ses terriers, par un barbare son,
À forcer, dans son trou, le dormeur herisson.
À l'importun aboy de la meute pressante,
Il resveille, en sursaut, sa vertu languissante,
Au bord du trou se monstre, et, de mobiles traits,
Sur soy, dresse, contre eux, un bataillon espais;
À l'ombre de ses dards, sa vaillance il aiguise,
Blesse loin, blesse pres, et jamais ne s'espuise;
Ses traits, par tout volans, ne laissent rien debout,
Et seul, sans qu'on le voye, il fait teste par tout.
Dunois qui, sur le point d'achever sa conqueste,
Voit qu'un guerrier tout seul tous ses guerriers arreste,
Envie à sa vertu cet honneur eternel,
Et, si ce n'est Talbot, croit que c'est Lyonnel.
Comme digne de luy, ce danger le chatoüille;
D'un ennemy si noble il pretend la despoüille;
Fait redresser l'eschelle, et, le premier monté,
Reconduit au rempart le françois rejetté.
Lyonnel le voyant, et, prevoyant l'orage,
Recueille, en ce peril, ce qu'il a de courage,
Et, jusqu'au bord du mur, portant ses vistes pas,
Du glorieux Dunois medite le trespas.



L'un sur le bois pliant, vers les creneaux, s'elance,
L'autre, sur les creneaux, attend ferme en defense;
Et, le bras haut-levé, chacun cherche de l'oeil,
Par où peut son rival estre mis au cercueil.
Tous deux, d'un mesme effort, en mesme instant se donnent,
Les armes, à tous deux, sous les armes resonnent,
Dunois voit, loin de luy, de son brillant armet,
Avec son grand pennache, emporter le sommet;
Et, des lames d'acier de sa forte cuirasse,
Lyonnel, pres de luy, voit semer la terrace.
Sans relasche pourtant, ils redoublent leurs coups,
Deschargent leurs harnois de mailles et de clous,
Entament leurs plastrons de leurs moindres atteintes,
Et retirent de sang leurs javelines teintes.
D'un pied seul, l'un des deux, sur l'eschelle, tenant;
L'autre, de tout le corps, le mur abandonnant,
Ils combattent en l'air, et, dans cette posture,
De leur estrange guerre, estonnent la nature;
Chacun, d'ardeur egale, au combat s'animant,
Chacun à triompher pensant egalement.
Mais, devant le soldat, l'habitant hors d'haleine
Ne pouvant plus tenir, qu'avec beaucoup de peine,
S'en alloit luy ceder, pour la seconde fois,
Et forcer Lyonnel de ceder à Dunois.
Quand le sage Betford, qui, contre sa creance,
Voit ce poste attaqué, par la fleur de la France,
Y fait soudain voler deux drappeaux resolus,
Entre tous les anglois, pour ses gardes, eleus.



L'un d'eux, sur le rempart, les fugitifs ramasse,
Par la secrette porte, au fossé l'autre passe,
Et vient avec un cry, non moins affreux que haut,
Fondre sur le françois, attentif à l'assaut.
La trouppe de Dunois, chargée à l'improviste,
Ou ne resiste point, ou foiblement resiste;
De haches et d'espieux les rebelles munis
Vont unis au combat, et combatent unis.
Des-ja plus d'une eschelle, abbatüe ou tranchée,
D'hommes precipités a la terre jonchée;
Le prince le descouvre, et, l'attaque laissant,
Pour assister les siens, de l'eschelle descend.
Du mur demy-conquis il suspend l'escalade,
Et vers luy, de douleur, tourne une fiere oeillade;
Il n'en peut qu'à regret le faiste abandonner,
Et, mesme en le quittant, y voudroit retourner.
Pour eviter, enfin, une entiere desfaitte,
D'enhaut, sur les vainqueurs, comme un foudre, il se jette;
Les efforts de son bras, et le feu de ses yeux
Rendent, comme ses coups, ses regards furieux.
À la cheute, aux eclats, de ce vivant orage,
Les valeureux anglois perdent force et courage,
L'un tombe, l'autre fuit, et douze des plus forts
À peine, en se serrant, soustiennent ses efforts.
Dunois victorieux les pousse de furie,
Sa redoutable main fait toute la turie;
L'anglois, à petit nombre, en peu de temps, reduit,
À la secrette porte, à grands coups, est conduit.



Là, s'accroist la frayeur, et là, chacun, en foule,
Devant le trait fatal, l'un sur l'autre se roule,
Dunois heurte le chef, et le couche estendu
Sur le seüil, vaillamment, mais en vain, defendu.
Puis, pardessus son corps, il passe dans la ville;
Alors tombe la herse, et l'enferme entre mille;
Qui de pres, qui de loin, qui d'en haut, qui d'en bas,
Chacun egalement aspire à son trespas.
Un nüage de traits l'environne et le couvre;
Mais tousjours il s'avance, et le passage s'ouvre,
Et, voyant tout ceder à son terrible dard,
Il repensoit à vaincre, et gaignoit le rempart;
Lors que de Lyonnel l'assistance implorée
Vint relever l'espoir de la ville eplorée;
Il est suyvi des siens, et, sous son bras heureux,
Le peuple intimidé redevient genereux.
Dunois voit mille dards lancés, contre sa teste;
Il voit mille arcs, sur luy, descharger leur tempeste;
Il s'arreste par force, et, dans un lieu pressé,
Malgré son puissant bras, demeure embarassé.
Sous mille coups sonnans, sa cuirasse estincelle,
Le sang, à gros boüillons, de ses veines ruisselle,
La vigueur desormais vient à luy defaillir,
Toutesfois il resiste, et peut mesme assaillir.
Comme quand, où l'Afrique est la plus solitaire,
Dans le piege dressé trebuche la panthere,
Et que de ses aguets le numide sorty,
A le brave animal, tout autour, investy;



De diverses couleurs sa peau naguere peinte,
D'une seule, de sang, aussi-tost se voit teinte,
Les mores, contre luy, se monstrent insolens,
Mais palissent, de crainte, à ses moindres elans.
Ainsi du grand Dunois la vaillance indontable
Se rend, dans la mort mesme, aux anglois redoutable;
Toutesfois Lyonnel ses efforts redoublant,
De foiblesse il chancelle, et, des genoux tremblant,
Sans espoir de ressource, il va tomber par terre,
Et finir, en tombant, la moitié de la guerre;
Quand, sur le dernier point de ce combat fatal,
Marie, à son secours, part du sejour royal,
Et vers luy s'avançant, d'une course hastive,
Dans l'affreuse meslée, assés à temps arrive,
Pour empescher sa cheute, et retenir le bras
Qui l'alloit abysmer, dans la nuit du trespas.
Malgré l'oubly crüel, et l'inconstante flamme,
Dont il semble ternir la gloire de son ame,
Tout leger, tout barbare, et tout ingrat qu'il est,
Elle l'ayme tousjours, et tousjours il luy plaist.
À changer, comme luy, son exemple le porte;
Mais tout exemple est foible, où l'amour est si forte;
Rien de ce cher objet ne la peut desunir;
Elle s'en veut distraire, et ne peut l'obtenir.
Rigueur de mon destin, astre ennemy, dit-elle,
Qui fais que j'ayme un homme, et mesme un infidelle,
Espargne mon courage, espargne ma pudeur,
Et me laisse estouffer cette honteuse ardeur.



Ne rens pas la vertu, dans mon coeur, inutile;
Ah! C'estoit bien assés que mon coeur trop facile,
Quand ce volage amant ne brusloit que pour moy,
Eust agréé ses voeux, et fait cas de sa foy.
Maintenant que le sien nourrit d'autres pensées,
Qu'il a publiquement ses promesses faussées,
Quel attrait, plus puissant que sa legereté,
Le rend aymable encore à mon coeur enchanté?
Ma pudeur, mon courage, et ma haute naissance,
Veulent que le mespris punisse l'inconstance,
Veulent que ma raison, s'armant d'un beau desdain,
De tout mon souvenir, bannisse l'inhumain.
Toy seul, aveugle sort, sort remply d'injustice,
Tu veux que, sous sa loy, mon coeur souffre et languisse;
Tu le luy fais aymer, contre ses propres voeux,
Et le retiens tousjours, dans ces indignes noeuds.
Il a beau demander que le ciel l'en delivre,
Beau connoistre son bien, et tascher de le suyvre;
Par l'ordre impetüeux de la fatalité,
Il se sent, malgré soy, vers son mal emporté.
En semblables discours, l'amante infortunée
Accuse de son feu la dure destinée,
Et, pour haïr Dunois, faisant un vain effort,
Suit, mais suit à regret, le torrent de son sort.
Ne le pouvant haïr, au moins, sage et discrette,
Elle tient, avec soin, sa passion secrette,
Et fait, par sa sagesse et sa discretion,
Qu'on la croit desormais libre de passion.



N croit que son amour par Dunois desdaignée,
Contre luy, fortement à son ame indignée,
Qu'il est de sa memoire, à jamais, effacé,
Et qu'à la sainte fille elle l'a tout laissé.
Ce sentiment la flatte, et sa triste fortune
Trouve quelque douceur en cette erreur commune;
Sa pudeur s'en prevaut, et fait que son malheur
Accable son esprit, d'une moindre douleur.
Elle se dit alors; trop heureuse Marie,
Joüis de la faveur de cette tromperie;
Tasche à vaincre ta flamme, ou, si tu ne le peux,
Vueille du moins couvrir la honte de tes feux.
Aux regards des humains derobe ta foiblesse,
Qu'ils ignorent ta playe, et le trait qui te blesse;
Sauve au moins l'apparence, et qu'on juge à te voir
Que l'amour a, sur toy, perdu tout son pouvoir.
Au feu qui la devore elle fait violence;
Mais plus il est caché, plus il a de puissance;
La contrainte l'embrase, et sa pointe aiguisant
Le luy fait ressentir, plus aspre, et plus cuysant.
Cent desseins, jour et nuit, roulent dans sa pensée,
Pour ramener Dunois à sa prison passée;
Cent moyens differens s'offrent à son esprit;
Mais tous ont leurs defauts, et pas un ne luy rit.
Son delicat honneur de rien ne se contente;
Elle trouve à redire à quoy qui se presente,
Cent scrupules divers la viennent agiter,
Et la peur de faillir luy fait tout rejetter.



Enfin, quand, sous ces murs, Charles vint à parestre,
Elle pria le ciel de l'en rendre le maistre;
Et cherit leur danger, dans leur prise esperant
De tomber en partage à son cher conquerant.
Tandis que, pour Dunois, sa flamme la travaille,
Et que de tous costés l'on monte à la muraille;
Voilà qu'un cry soudain, aussi confus que grand,
Divertit sa pensée, et son ame surprend.
Elle juge la ville, à ce bruit, emportée,
Croit de ses defenseurs la vaillance dontée,
Et, redoutant alors ce qu'elle a desiré,
Accuse ses souhaits de l'avoir procuré.
Sous son appartement ce bruit enfin s'arreste;
Au balcon, effrayée, elle avance la teste,
Et voit, ah! Que voit-elle? Elle voit son Dunois,
Qui, dans son sang, baigné va rendre les abois.
Pressée, à cet objet, d'une douleur mortelle;
Que faittes-vous, crüels, ah! Cessés, leur dit-elle;
Mais sa foible clameur se perd, dans le grand bruit;
Elle s'esforce encore, et s'esforce, sans fruit.
Moins on entend sa voix, plus sa peine s'augmente;
La mort de son perfide à ses yeux se presente;
Sa pudeur luy defend de l'aller secourir;
Son amour luy defend de le laisser mourir.
L'un veut qu'elle demeure, et l'autre veut qu'elle aille;
Son coeur, en ce moment, est un champ de bataille,
Où ces deux passions, arbitres de son sort,
Combattent pour resoudre, ou sa vie, ou sa mort.



Sa scrupuleuse honte, opposée à sa flamme,
Pendant quelques momens, sert de bride à son ame,
Puis, se laisse forcer, voyant lever le bras,
Qui portoit au volage un assuré trespas.
Par le large escallier, le transport qui l'agite,
À pas desmesurés, vers luy, la precipite;
Elle sort du palais, et, d'un rapide cours,
En ce fatal instant, luy va donner secours.
Le prince qui la voit, au milieu de la guerre,
Et sent que, par le bras, sa belle main le serre,
La prend pour son bon ange, en ce besoin dernier;
Rens-toy, dit-elle, ingrat, et sois mon prisonnier.
Puis, au fort Lyonnel, dont la valeur sousmise
Luy cede, avec respect, la gloire de sa prise;
Il est à moy, dit-elle, et nul, avec raison,
Ne me peut disputer l'honneur de sa prison.
Lyonnel, des yeux seuls, respond à ce langage,
Qu'il envie à Dunois ce bien-heureux servage;
Et luy prestant la main, dans l'exces de son mal,
Pour plaire à sa maistresse assiste son rival.
Pendant qu'ainsi, par tout, la vertu malheureuse,
À l'escalade, en vain, se monstre valeureuse;
À la breche du mur, contre le fier Betford,
L'elite des soldats fait le plus grand effort.
L'oeil de Charles present met le feu dans leurs ames;
La voix de la Pucelle en augmente les flammes;
Tous bruslent de combattre, et ce double aiguillon
Pousse, vers la cité, le premier bataillon.



Sur la vaze affermie, il marche pique basse,
Au pied du boulevard sans resistance passe,
Monte sur la rüine, et, d'un front egalé,
S'avance, vers le haut du rempart eboulé.
L'anglois, de son sommet, pour defense premiere,
Roule de mille grais la tempeste meurtriere;
Un grais succede à l'autre, et trace le terrain;
On les veut arrester, mais on le veut en vain.
Sous leur enorme poids les piques herissées,
Jusques dans le talon, demeurent fracassées,
Et les rocs, malgré tout, leur chemin poursuyvant,
Sous eux ne laissent rien d'entier ni de vivant.
Dans toute la longueur, de la cime à la base,
Le bataillon serré se dissipe et s'ecrase;
Ce n'est que froissemens de testes et de bras;
Tout, par un mesme sort, souffre un mesme trespas.
Sous l'effroyable cours d'une gresle si dure,
L'assaillant est privé de l'humaine figure,
On ne voit que du sang, on ne voit point de morts;
Le harnois perd la forme, aussi bien que le corps.
Ainsi lors que du sein de la terre enflammée,
Il s'eleve d'espics une innombrable armée,
Et que, par un vent frais agités mollement,
Ils semblent se darder contre le firmament;
Si de l'air courroucé la guerriere tempeste
Vient, en cailloux de glace, eclater sur leur teste,
Ils retombent hachés, en morceaux si menus,
Qu'on cherche, en les voyant, ce qu'ils sont devenus.



Mais, sans emotion, la prudente Pucelle
Commande, pour l'assaut, une trouppe nouvelle;
Ceux-cy vont moins pressés, et s'entre-separans,
Donnent passage aux grais, par le jour de leurs rangs.
Avec peu de dommage, et d'une marche pronte,
Le nouveau bataillon à la breche remonte;
Talbot, qu'en cet endroit appelle le danger,
Fait, à l'assaut changé, la defense changer.
Avant que, sur le mur, le françois se respande,
Il oppose à son cours une nouvelle bande;
Le long bois ondoyant, deçà, delà, couché,
Par eux est, l'un vers l'autre, à secousses lasché.
L'un terracé d'un coup, qu'un bras nerveux luy tire,
Meurt sous les pieds des siens, et sans blessure expire,
L'autre percé tout outre, en rendant les abois,
Se soustient, comme vif, sur l'homicide bois.
L'anglois, en se serrant, fait ferme à la defense,
Le françois, en s'ouvrant, à l'attaque s'avance;
Mais il s'avance à peine, et, ses pas elevant,
Souffre moins de l'anglois, que du terrain mouvant.
Apres un grand combat, l'inutile courage
Est contraint de ceder au trop grand avantage;
Par les anglois unis, les françois escartés
De la penible breche enfin sont rejettés.
Comme un mole construit au devant d'un rivage,
Pour servir de barriere aux assauts de l'orage,
Fait craindre sa rüine aux pasles matelots,
Quand Neptune en courroux le bat de tous ses flots.



Affermy toutesfois sur sa base solide,
Il soustient, sans bransler le choq du camp liquide;
Et se moquant des flots, moins pressés que ses grais,
Les rejette en escume, escartés et desfaits.
De tant de vains efforts la Pucelle irritée,
Voulant, par un dernier, voir la breche emportée,
Double son bataillon, et, sans perdre un moment,
Contre l'anglois vainqueur, le pousse vivement.
Par son ordre, à la teste, est son genereux frere,
Rodolfe, au camp françois rendu depuis naguere,
Et, par les coups receus aux remparts de Gergeau,
Retenu longuement, sur les bords du tombeau.
Il n'a pas recouvré sa force toute entiere;
Mais il n'a rien perdu de son ardeur guerriere;
Pour chercher les perils, le coeur porte le corps,
Et, par luy, la foiblesse est propre aux grands efforts.
Il monte, où l'ennemy luy presente serrées
De son bois ondoyant les pointes acerées;
Contre elles, d'un pas viste, il s'esleve tousjours,
Et ce terrible objet haste mesme son cours.
La pertuisane au poin, d'un mouvement rapide,
On le voit s'elancer dans le fer homicide,
S'y faire ample passage, et reduire l'anglois
À defendre sa vie, en quittant le long bois.
Le françois et l'anglois, sans qu'aucun se rebute,
Desormais, corps à corps, et bras à bras, se lutte;
Le pied presse le pied, le front presse le front,
Et le sein, sur le sein, se meurtrit, et se rompt.



Mille cris languissans, mille voix douloureuses,
S'elevent du milieu des bandes valeureuses,
Et, dans le puissant choq des partis eschauffés,
Cent, des moins vigoureux, demeurent estouffés.
On les voit tous combattre, avec pareille gloire,
Et quelque temps, sur eux, balance la victoire;
Mais aux françois, enfin, elle alloit se donner,
Et sur le boulevard leurs travaux couronner.
Quand le brave Talbot, jusqu'alors immobile,
Remarquant le danger de la tremblante ville,
Les siens des-ja plians, et les murs des-ja pris,
En cette extremité, recueille ses esprits.
Il fond, parmy les rangs, il les ouvre, il les perce,
Et tout le bataillon, deçà, delà, disperse;
Son bras tonne, et foudroye, et, par son fer brillant,
Moissonne, sans pitié, la fleur de l'assaillant.
On le recharge en vain, et son sort favorable
À mille dards volans le rend invulnerable;
L'anglois espouventé, par ses faits, reprend coeur,
Et le coeur, par ses faits, manque au françois vainqueur.
Par eux, en un moment, la fortune se change;
L'assaillant renversé retombe dans la fange,
Et, dans la fange encor, de traits persecuté
Se voit, de plus d'un coup, ravir à la clarté.
Le puissant La Bastide, en cette vaze impure,
De sa rare valeur trouve la sepulture;
Le robuste Guichard, et l'adroit Valentin,
Malgré tous leurs exploits, y bornent leur destin.



Là, perdent la lumiere, entre mille autres braves,
Oppede, Montastruc, Attagnan et Sarcaves;
Entre cent braves chefs, Pardillac et Belfort,
Sur leurs morts officiers, finissent, là, leur sort.
Rodolfe, bien qu'armé d'un courage supreme,
Par ce torrent funeste, est emporté luy-mesme;
C'est en vain qu'il s'oppose à son flot courroucé,
Il roule, du rempart, au plus bas du fossé.
Ce desastre nouveau, d'une peine mortelle,
Vient encore serrer le coeur de la Pucelle;
Son visage paslit, et ses yeux eclatans,
D'un nüage soudain, se couvrent quelque temps.
Aux guerriers expirés le trespas elle envie,
Et voudroit, pour leur vie, avoir donné sa vie;
L'exces de sa douleur l'empesche de parler;
Mais lors que, par la voix, elle peut l'exhaler;
C'est moy, dit-elle, ô cieux! C'est ma lasche imprudence,
Qui seule a fait couster tant de sang à la France;
Et le crüel anglois, pour perdre mes soldats,
N'a fait que me prester son espée, et son bras.
Pourquoy, dans cet assaut, n'aller pas la premiere
Planter, sur le rempart, la royale banniere?
Ah! Je m'aquitte mal de mon celeste envoy;
Je dois payer pour eux, et non pas eux pour moy.
La guerriere, en parlant, à l'attaque s'engage,
Plus puissante de corps, plus ferme de courage;
Le françois craint pour elle, et tristement la suit;
L'anglois tremble à sa veüe, et se juge destruit.



Elle marche à grands pas, et ses saintes furies
S'enflamment à l'aspect de ses trouppes meurtries;
Ses soldats, sa vengeance, à ses ardens regards
S'offrent de tous costés, volent de toutes parts.
Elle monte, et l'anglois, sur elle, aveque rage,
De traits, de grais, de dards, verse un espais nüage;
Son escu les reçoit, resiste à tous leurs coups,
Soustient toute la guerre, et fournit seul à tous.
Sans rallentir ses pas, ni tesmoigner de trouble,
Bien que l'orage affreux, sur elle, se redouble,
Au mur elle s'eleve, et, de son javelot,
Entre tous les anglois, choisit le seul Talbot.
Luy, qui la voit venir, sa puissance ramasse,
À la teste des siens, plein d'asseurance, passe,
Hausse sa javeline, avance son pavois,
Et, sous luy, se derobe au javelot françois.
De loin, contre son chef, la vaillante guerriere
Lance son javelot, et tire la premiere;
Il vole, en brüissant, et, d'un effort aisé,
Va fendre le pavois, à son vol opposé.
De la main de Talbot, la rondache emportée,
En deux egales parts, est en terre jettée,
Et le dard fort encor, de son coup mal-content,
Sur le proche gazon, s'enfonce, en tremblotant.
Talbot, voyant le dard suyvi de la Pucelle,
Sans attendre son choq, marche trois pas, vers elle,
Et, de son puissant bras redoublant la vigueur,
Pousse sa javeline, et tire droit au coeur.



Le fer, de haut en bas, glisse sur la cuirasse,
D'une ligne de feu, legerement la trace,
Atteint la cuisse à plomb, l'ouvre de part en part,
Et, d'un ruisseau de sang, arrose le rempart.
Un moment, toutesfois, la sainte ne s'arreste;
Ferme, à la soustenir, son ennemy s'appreste,
Prend le saint javelot, non loin de la tombé,
Et, pour le lancer mieux, sur elle, est tout courbé.
D'un violent effort, son fer propre il luy darde,
Et la main criminelle à sa gorge regarde;
L'ange, qui la protege, en destourne l'effet;
Le coup fuit vers la plaine, et demeure imparfait.
Talbot, qui voit la sainte à sa foudre eschapée,
Donne, de l'estomach, dans sa brillante espée;
Le corselet espais n'en peut estre enfoncé;
Il l'embrasse au temps mesme, et d'elle est embrassé.
Chacun aspire à vaincre, et, d'une voix altiere;
Rens-toy, dit le guerrier, rens-toy, dit la guerriere;
Ils monstrent, en parlant, l'addresse de leurs corps,
Et, pour s'entr'ebransler, font mille grands efforts.
Dans la lutte mortelle, il n'est force ni ruse,
Dont, à son avantage, et l'un, et l'autre n'use;
Mais tousjours vainement; nul n'en est terracé;
Le sort des deux estats se voit, là, balancé.
Cependant, par la rude et vigoureuse estrainte,
Le sang, à gros boüillons, sort du coup de la sainte;
Sa force devient foible, et son feu rallenty
La fait resoudre à prendre un dangereux party.



Au bord de la terrace, elle conduit la lutte,
Et fait faire à Talbot une effroyable cheute;
Estroittement liés de jambes et de bras,
Du plus haut de la breche, ils tombent au plus bas.
L'ame du grand Talbot, d'un tel saut est surprise;
Sur des monceaux de grais, en tombant, il se brise;
La guerriere aisement se desfait de ses noeuds,
Et luy presse le front, de son fer lumineux.
Ainsi souvent l'autour, dans la volante chasse,
Entreprend le heron, sur les monts de la Thrace,
Et tous deux à-l'envy, plus pronts que des eclairs,
Montent à tire d'aile, et pointent dans les airs.
Le heron a le bec, et l'autour a la serre;
L'autour prend le dessus, fond sur l'autre et s'enferre;
Et bien que du long bec il ait le flanc percé,
Il luy tient le long col de la serre pressé,
Long-temps, en cet estat, ils luttent dans la nüe;
Mais, enfin, à l'autour la vigueur diminüe,
Il pousse en bas sa proye, et, la tenant dessous,
Luy va froisser le dos, sur un mont de cailloux.
Talbot, par la douleur, est contraint de se rendre;
Rien, dit-elle, à ce coup ne t'en sçauroit defendre;
Lyonnel icy manque, icy manque la nuit;
Dans ta vieille prison, ton sort t'a reconduit.
Sauve-t'en, si tu peux. Aux siens elle le baille,
Et reprend le chemin de la haute muraille;
Mais son sang qui jalit, et qui coule tousjours,
La retient, et l'oblige à reprimer son cours.



Vers le fleuve prochain, seule elle se retire,
Desceint sa longue escharpe, en bandes la deschire,
Descouvre sa blessure, et, d'un coeur plus qu'humain,
En arrache le fer, avec sa propre main.
En suitte au flot courant les bords elle en nettoye,
Et, pour tout appareil, l'enferme dans la soye;
Les bandes, à l'entour, font cent divers replis,
Et conservent la vie aux vaisseaux desemplis.
Aussi-tost, à genoux, le seigneur elle adore,
Dans ce pressant besoin, son assistance implore,
Et voit, à l'instant mesme, en globes radieux,
Descendre à son secours la milice des cieux.
Avec les legions du grand dieu des batailles,
En haste, elle retourne aux tremblantes murailles;
Son fer brille en sa main, d'une affreuse clarté,
Et le tonnerre ardent n'est pas si redouté.
Betford, non sans effroy, sur la breche sanglante,
Avec tous ses guerriers, contre elle, se presente,
Et de tout son esprit, et de tout son pouvoir,
Tasche de les resoudre à la bien recevoir.
D'autres grais plus pesans, il munit la terrace,
De troncs d'arbres couchés le haut en embarasse,
Recharge les canons, et, de tout preparé,
Contre elle, toutesfois, se tient mal assuré.
Les françois, à l'aspect de la courtine horrible,
En estiment l'abord desormais impossible,
Jugent temerité de plus tenter l'assaut,
Fremissent, pour la sainte, et l'en blasment tout
Haut.



Mais, j'iray, leur dit-elle, et je prendray la ville;
Le tres-haut, qui le veut, me le rendra facile;
Sans vous, j'ay, pour soldats au combat animés,
Du monarque des roys les escadrons armés.
Aux plus sombres replis des magnanimes ames,
Parmy ce que le ciel y respand de ses flammes,
Le corps formé de glace, et l'esprit de splendeur,
Aux regards des humains se cache la pudeur.
Un large voile blanc la couvre toute entiere;
Elle baisse la veüe, elle craint la lumiere,
Et, quand elle est forcée à la voir quelquesfois,
Sa demarche est tremblante, et tremblante sa voix.
Il n'est point de vertu qui soit pure sans elle;
Mais l'honneur l'a, sur tout, pour compagne eternelle;
C'est elle qui le garde, et, d'un ton vigoureux,
Le resveille, et l'excite aux actes genereux.
La sainte ayant parlé, le françois, en son ame,
Sent la froide pudeur s'elever toute en flamme,
Et l'honneur endormy, par elle, en ce moment,
Dans le sein de chacun, sort d'assoupissement.
Honteux de leur foiblesse, Amador, la Palisse,
Pour seconder la sainte, entrent dans cette lice;
Valpergue, Chasteaubrun, Villandrade et Puyseux,
Pour le faire à-l'envy, s'y jettent apres eux.
Ils sont suyvis d'Aymard, de Paumy, de Canede,
Et d'un front estendu volent tous à son ayde;
Des bataillons troublés les plus braves soldats
La soustiennent, comme eux, et marchent sur leurs pas.



Elle, loin devant tous, d'un coeur inebranslable,
Remesure, à grands pas, la breche espouventable,
Et, d'un pied glorieux foulant l'aspre terrain,
Fait paslir les anglois, de la peur de sa main.
Betford, par tout alors, fait joüer ses machines,
De cent palais, sur elle, il pousse les rüines,
Et verse sur sa teste, avec l'huile et les grais,
Une forest de dards, un deluge de traits.
Mais, le secours des cieux, prevenant leur atteinte,
D'un mur de diamant, environne la sainte;
Les feux, les dards, les rocs, sur sa teste, lancés,
Tombent, deçà, delà, rompus, ou repoussés.
Elle gaigne la cime, et d'une force immense,
Elevée au dessus de l'humaine puissance,
Heurte les rangs anglois, et d'abord s'y fait jour;
Où se portent ses pas, tout s'escarte à-l'entour.
Dans un cercle d'espieux l'ennemy la renferme;
Mais rien, contre ses coups, ne sçauroit tenir
Ferme;
Le cercle se dissipe, ouvert de toutes parts;
Tous, devant son bras seul, laissent tomber leurs dards.
Tel parut autresfois le grand camp d'Assyrie,
Quand d'un fer ondoyant, affamé de turie,
Contre ses escadrons, l'ange exterminateur
Fut de l'ire du ciel l'horrible executeur.
D'armes et de soldats la terrace se jonche;
L'un trebuche sous l'autre, et l'un sur l'autre bronche;
Tout s'enfuit, et Betford, pour retenir leurs pas,
Luy-mesme employe, en vain, et la voix, et le bras.



Pres d'eux, contre la sainte, il voit tout inutile;
Pour un coup qu'elle donne, ils en ressentent mille;
La milice du ciel fait l'effort principal,
Et, dans tous leurs esprits, jette un trouble fatal.
Elle, qui le connoist, de leur crainte profite,
Et, du haut du rempart, en bas les precipite;
Betford, dans ce desordre, à perir obstiné,
Est par eux, malgré luy, dans la ville entraisné.
Chacun, qui çà, qui là, cherche à couvrir sa teste,
Des eclats foudroyans d'une telle tempeste;
La fille monte, enfin, sur des piles de corps,
Ne voit plus d'ennemis, et ne voit que des morts.
Comme quand le soleil, respandant sa lumiere
Du plus sublime point de sa vaste carriere,
Voit les sombres vapeurs, afin de l'obscurcir,
En tourbillons guerriers, sur son front, s'espaissir;
La terre s'espouvente, et la race mortelle
Craint, pour l'astre du jour, une nuit eternelle;
Tant que, de tout son feu, les ombres assaillant,
Enfin, il en triomphe, et roule plus brillant.
Ainsi, plus que jamais la Pucelle eclatante
De tous, par sa valeur, ayant trompé l'attente,
Et de l'anglois tonnant le nüage escarté,
Regne sur le sommet du boulevart donté.
Les cieux, dit-elle alors, ont gaigné la victoire;
Avancés, compagnons; prenés part à leur gloire;
Voyés le fier tyran, par leur foudre, destruit,
Et de leur oeuvre saint venés cueillir le fruit.



Elle leur parle ainsi, d'une voix plus qu'humaine;
Le camp voit le miracle, et, ne le croit qu'à peine;
Il sent son coeur ravy d'aise et d'estonnement,
Et, sur le mur conquis, monte rapidement.
Dans ce moment fatal, l'importune trompette,
D'un effroyable ton, sonne pour la retraitte;
Le françois, d'un tel ordre, à telle heure, surpris,
De courroux, et de peur, sent troubler ses esprits.
La trompette redouble, et les bandes rappelle;
Ce son renouvellé leur trouble renouvelle,
Et, ce qui de tout point offusque leur raison,
L'air retentit par tout, trahison, trahison.
À ce funeste cry, tout se glace, et s'arreste.
Mais quel vent dans le port emut cette tempeste?
Quelle, ou rigueur des cieux, ou ruse des enfers,
Fit retomber Paris, dans ses antiques fers?
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Jean Chapelain (1595-1674) LIVRE 11
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