PLUME DE POÉSIES
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 Guillaume Colletet (1598-1659) La nuit amoureuse.

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Inaya
Plume d'Eau
Inaya


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Guillaume Colletet (1598-1659) La nuit amoureuse. Empty
MessageSujet: Guillaume Colletet (1598-1659) La nuit amoureuse.   Guillaume Colletet (1598-1659) La nuit amoureuse. Icon_minitimeSam 23 Juin - 15:35

La nuit amoureuse.


Petits globes d' argent, dont la flame connuë,
Sort du fonds de la mer pour luire dans la nuë,
Flambeaux estincelans, dont les aimables traits
Naissent du sein de l' ombre, et l' étouffent apres ;
Tenebreuses clartez ; yeux de la nuit obscure,
Qui veillez quand tout dort au sein de la nature,
Puis que vous estes seuls les fideles témoins
De la douce faveur que j' esperois le moins,
Et que vostre clarté ne donne plus d' ombrage
À l' aimable sujet des plaisirs où je nage ;
Astres soyez secrets, et ne publiez pas
Que Philis me fait vivre apres tant de trépas.
Le monde est bien trompé qui croid que je souspire,
Que le feu que je sens soit un feu de martyre ;
Qu' amour comme un tyran, et non pas comme un roy,
Imprime dans mon coeur les marques de sa loy,
Qu' en vain à mon secours sa grandeur je reclame,
Qu' un eternel hyver recompense ma flame,
Que je sois plus hay lors que j' aime le mieux,
Que je sois le rebut de la terre et des cieux,
Que mon excez d' amour soit un excez d' audace,
Que la mer pour moy seul n' ait jamais de bonace,
Et que de la beauté dont mon coeur est épris
Je ne recueille enfin que honte et que mépris.
Cependant à souhait je l' embrasse et la baise,
Et ne me plains de rien, si ce n' est de trop d' aise ;
Je beny l' heureux jour qui me rendit amant
D' un esprit si parfait et d' un corps si charmant.
Je luy voy de l' ardeur autant que j' ay de flame,
Je regne dans son coeur comme elle dans mon ame,
Et la terre et le ciel, ont selon mes desirs
Moins de fleurs et de feux que je n' ay de plaisirs ;
Je me voy sur le port affranchy du nauffrage ;
Philis se rend à moy si je luy rends hommage ;
Et pour comble de biens, je voy que sa douceur
Me rend de sa beauté l' unique possesseur.
Sur les lys de son sein mollement je repose,
Je baise mille fois ses deux levres de rose,
J' idolatre sa jouë, et frise ses cheveux,
Je les épans en onde, et les reserre en noeuds,
Je me pasme aux rayons de ses douces oeillades,
Qui guerissent mon corps et mes esprits malades,
Alors que flanc à flanc, bouche à bouche pressez,
Nous nous récompensons de nos ennuis passez.
Mille petits amours, nos folastres complices,
Viennent participer à nos cheres delices ;
Sur son front de crystal l' un aiguise ses dards,
L' un se mesle en sa tresse, et l' autre en ses regards,
L' un nous couvre de myrthe, et de fleurs immortelles,
L' autre évente nos feux du doux vent de ses aisles.
Beaux astres qui voyez tant de ravissemens,
Si vous fustes jamais propices aux amans,
Tandis que dans le ciel vos clartez font la ronde,
Contentez-vous de voir ce que je cache au monde ;
Vostre splendeur obscure est plus douce à mes yeux
Que les feux éclatans du soleil radieux,
Puis qu' il est vray qu' un jour sa lumiere indiscrette
Découvrit Cytherée en sa flame secrette,
Par tous les mouvemens que donne la pitié,
Favorisez un peu nostre ardante amitié,
De semblables plaisirs formerent vostre essence,
Car ce fut des baisers que vous pristes naissance.
Un soir comme j' errois solitaire en ces lieux,
Voyant tant de flambeaux espandus dans les cieux,
Ce petit Dieu qui range aux loix de son empire
Tout ce qui meut au monde, et tout ce qui respire ;
Ces astres, me dit-il, qui d' un branle divers
Du sein du firmament éclairent l' univers,
Doivent à mon pouvoir ce qui les fait paraistre,
Et n' auroient point esté sans moy qui les fis naistre.
Au temps qu' on n' avoit point encore en ses amours
Déguisé son visage et fardé son discours,
Que les dieux se plaisoient d' habiter sur la terre,
Qu' ils n' avoient point encore élancé le tonnerre,
Que le fraisle respect de quelque dignité
N' estoit pas le tyran de nostre liberté ;
Que le fer ny l' acier n' estoient point en usage,
Que les plus hauts sapins n' en craignoient point la rage,
Que la possession devançoit le desir,
Que la nature estoit la reigle du plaisir,
Que le temps ne rendoit aucune flame esteinte,
Qu' elle éclattoit par tout et sans honte et sans crainte,
Et qu' on n' interrompoit les discours des amans
Qu' avecque des baisers et des embrassemens ;
En ce temps bien-heureux, Jupiter jeune encore,
Affranchy qu' il estoit du soin qui le devore
De rendre sa grandeur redoutable aux humains,
N' avoit pas pris encor l' Aegide entre ses mains ;
Osse, ny Pelion, Briare, ny Typhée
N' avoient pas de leur perte embelly son trophée ;
Mais comme un jeune enfant sous son pere grison,
Il admiroit du ciel la brillante maison,
Et tout son entretien, et tout son exercice,
Estoient les petits jeux qu' inventoit sa nourrice,
Quand il vit par hazard éclatter en ces lieux
Je ne sçay quel objet qui luy charma les yeux ;
C' estoit une beauté qui servoit à Cybelle,
Dés que son oeil la voit il la trouve si belle,
Que pour elle son coeur commence à soupirer,
Et n' a plus de desirs que pour la desirer ;
Soit de jour, soit de nuit, qu' il veille, ou qu' il repose,
Il voudroit posseder une si belle chose ;
Il ne la connoist pas, mais son coeur en effet
Juge par sa douleur du plaisir qu' elle fait.
Dans ce ressentiment il aborde son pere,
Dont le sceptre fatal tout l' univers tempere ;
Lors d' un esprit esmeu, d' une timide voix ;
Ô pere, lui dit-il, qu' est-ce donc que je vois,
Qui lance dans mon sein tant de pointes de flame,
Et passant par mes yeux vient agiter mon ame ?
Mon fils, luy respond-il, tourne tes pas ailleurs,
Cherche si tu m' en crois d' autres destins meilleurs ;
Ce que tu viens de voir, c' est une ombre infidelle,
Qui trompe tost ou tard ce qui s' approche d' elle ;
Ombre ou non, ce dit-il, plein d' un petit couroux,
Jamais pourtant mes yeux n' ont rien veu de si doux,
Et mon humeur enfin ne seroit plus si sombre,
Si mon corps s' unissoit avec cette belle ombre.
Saturne à ce dessein ne pouvant consentir,
À force de raisons l' en voulut divertir,
Mais sa lente froideur ne pût jamais esteindre
Ce violent brasier dont on le voyoit plaindre.
Jupiter à son mal cherchant la guerison
Prenoit tous ses conseils pour une trahison ;
Plus on le destournoit d' aimer ce beau visage,
Plus son coeur s' engageoit dans un si doux servage ;
Quelque part qu' elle allast il marchoit sur ses pas,
Il monstroit son amour comme elle ses appas ;
Et fit tant à la fin par sa perseverence
Que de cette belle ombre il eut la joüissance.
Mais pour rendre eternels les effets de ses yeux,
Et les faire admirer des hommes, et des dieux,
Autant de doux baisers qu' il cueille dans sa couche
Sur les naissantes fleurs d' une si belle bouche,
Tout autant il marqua de petits feux luisans
Dessus le front des cieux à ses voeux complaisans ;
Afin qu' au mesme instant qu' ils commencent leur ronde,
Ces belles dont les yeux ravissent tout le monde,
Par mille privautez invitent leurs amans
À gouster des plaisirs si doux et si charmans ;
Aussi dés que vostre oeil ces lumieres contemple,
Mortels, faites l' amour par zele, ou par exemple,
Le temps vous favorise, et la terre et les cieux ;
Puis on ne peut faillir en imitant les dieux.
Ainsi me dit l' amour d' une parole affable ;
Mais dans l' égarement d' une si belle fable,
Je ne m' apperçoy pas que les rais du soleil
Donnent desja la fuite aux ombres du sommeil.
Je voy ces feux paslir, son éclat les surmonte,
Et je me trouve seul qui rougis de leur honte ;
Adieu petits flambeaux, je pren congé de vous
Jusqu' à tant que cet astre ait pris congé de nous.
Pour loyer des beaux vers dont ta muse animée
A jusques dans le ciel poussé ma renommée,
Que te puis-je donner, Frenicle mon soucy,
Favory d' Apollon, et des graces aussi ?
Si j' estois agité de l' ardeur qui t' allume,
Si le miel comme à toy distilloit de ma plume,
Ma plume en ta faveur traceroit des escrits
Que chacun jugeroit dignes des grands esprits.
Dans les doctes accens d' un fluide langage
Mieux que dans un tableau je peindrois ton image,
Qui pour toy feroit naistre autant d' adorateurs,
Que la France produit de celebres autheurs.
Mais puisque tant de bien mon astre me dénie,
Que mon style est rampant, que j' ay peu de genie,
Je quitte ce travail à qui le fera mieux ;
Et voulant t' honorer comme l' on fait les dieux,
D' un timide respect, du coeur, de la pensée,
Je suy les mouvemens dont mon ame est pressée.
Peut-estre un jour le ciel dans un plus grand loisir
M' en donnant le pouvoir ainsi que le desir,
Réveillera pour toy les fureurs de ma muse,
Et me prodiguera le bien qu' il me refuse.
Cependant si jamais les faveurs de l' amour
Obligerent tes sens à luy faire la cour ;
Si les beaux yeux d' Isis dont tu cheris l' empire
Ont causé le bonheur que ton ame respire,
Souffre le doux transport d' un amant bienheureux,
Qui fut autant aimé qu' il estoit amoureux ;
Et voyant les plaisirs où son ame se plonge,
Dy que les maux d' amour ne sont qu' un doux mensonge ;
Et quoy qu' il soit aveugle, et quoy qu' il soit enfant,
Qu' il connoist qui l' adore, et le rend triomphant.
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Guillaume Colletet (1598-1659) La nuit amoureuse.
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