PLUME DE POÉSIES
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 Guillaume Colletet (1598-1659) Les bergers.

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Inaya
Plume d'Eau
Inaya


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Guillaume Colletet (1598-1659) Les bergers. Empty
MessageSujet: Guillaume Colletet (1598-1659) Les bergers.   Guillaume Colletet (1598-1659) Les bergers. Icon_minitimeSam 23 Juin - 15:36

Les bergers.


Heureux troupeau de filles innocentes,
Qui sur les bords de ces ondes glissantes
D' un coeur content goustez tous les plaisirs
Que le destin refuse à mes desirs,
Les gais accens de vos dances pressées
Tesmoignent bien quelles sont vos pensées.
L' ambition ne vous agite pas ;
Les vains honneurs sont pour vous sans appas,
Et vous coulez une si douce vie,
Que le ciel l' aime, et la terre l' envie.
Ces eaux vous sont un favorable port,
Où pas-un vent n' exerce son effort ;
Ces blonds espics sont vos mines dorées,
Les diamans dont vous estes parées,
Et les parfums qui fardent vostre teint,
Ce sont les fleurs donc ce rivage est peint.
Le plus grand soin qui vous tienne en haleine,
C' est la santé de vos bestes à laine,
C' est que vos champs reçoivent leurs façons,
Et que la gresle espargne vos moissons.
Pourquoy le ciel, à qui je dois mon estre,
Loin des citez ne m' a-t' il point fait naistre ?
Je gousterois de semblables appas,
Mes pieds suivroient les traces de vos pas ;
Franc de soucis, libre d' inquietudes,
Je me plairois dedans vos solitudes.
Dés le matin que l' aube espand ses pleurs,
Avecque vous je cueillerois des fleurs ;
Quand le soleil à plomb nous envisage
Avecque vous je chercherois l' ombrage,
Où sur l' esmail de ces beaux tapis vers
À vostre chant j' accorderois mes vers.
Puis quand ce feu s' esteint au sein de l' onde,
Pour ne point voir ce que l' on fait au monde,
Je m' en irois surprendre dans ces eaux
Quelque naïade au milieu des roseaux ;
Ainsi la nuit je ferois ma conqueste,
Et tous les jours me seroient jours de feste.
Que vostre sort est different du mien !
J' abboye apres l' esperance d' un bien,
Pour qui je suë, et pour qui je travaille ;
L' ambition me gesne et me tenaille :
Je n' eus jamais une heure de loisir
Pour savourer une heure de plaisir ;
Je me feins gay quand mon deüil est extresme,
Et pour autruy je me quitte moy-mesme.
Je suy la cour, je caresse les grands,
Je fay le sot avec les ignorans,
J' estime sage un coeur plein de folie,
Je traitte mal celuy qui s' humilie,
Je fay d' un vice une haute vertu,
Je croy vaillant un qu' on aura battu,
Je dis que tel est un maistre en bien dire,
Qui sera begue, ou ne sçaura pas lire.
Je fais passer pour gentil courtisan
Tel qui n' a rien que l' air d' un païsan,
Si j' apperçois que d' une ardeur commune
Leur main s' employe à bastir ma fortune.
Mais c' est me plaindre un peu mal à propos,
Et sans raison choquer vostre repos ;
Vous ne sçauriez concevoir ces supplices,
Vous qui n' avez gousté que des delices ;
Joüissez-en jusqu' en vos derniers jours,
Et que mes maux n' en troublent point le cours.
Adieu trouppeau de filles innocentes,
Qui sur les bords de ces ondes glissantes
D' un coeur content goustez mille plaisirs
Que le destin refuse à mes desirs,
Suivez les pas de vos dances pressées,
Et me laissez dans mes tristes pensées.
Cher Villeneufve, à qui les doctes soeurs
Ont à l' envy prodigué leurs douceurs,
Gentil esprit, ame la plus polie
D' entre tous ceux dont l' amitié me lie ;
Reçoy ces vers en eschange de ceux
Où ton esprit monstre ce que tu peux,
Où tu dépeins ma gloire et ma loüange
Des mesmes traits dont tu peindrois un ange.
C' estoit ainsi qu' au milieu des ennuis,
Tristes enfans du malheur où je suis,
J' arraisonnois dans le sein d' un bocage
Un gay troupeau de filles de village,
Lors que fuyant le trouble des citez
Je frequentois les deserts escartez,
Où la paix regne avecque le silence,
Où tous les maux perdent leur violence,
Où tout contente et l' esprit, et les yeux,
Où les mortels vivent comme des dieux.
Mais, cher amy, laisse là ces bergeres
Fouler les fleurs de leurs dances legeres ;
Et dans ces vers qui secondent ceux-cy,
Voy des bergers les delices aussi.
Jeunes bergers, dont la douce naissance
Respire l' air d' un siecle d' innocence,
Qui ne quittez que bien tard ces beaux lieux
Pour vous asseoir dans le throsne des dieux ;
Ha ! Que j' estime heureuse vostre vie !
Et que sa fin est bien digne d' envie !
Tout vostre corps au travail endurcy,
Se rid du froid, et des chaleurs aussi ;
Et la sueur qui parmy vostre ouvrage
À petits flots baigne vostre visage,
Est une eau d' ange, est un parfum de prix,
Que vostre humeur préfere à l' ambre gris.
Si vos palais ne sont qu' une cabane,
Si vos habits ne brillent point de pane,
Si vos festins ne sont point dissolus,
Si vous n' oyez la musique des luts ;
La peur n' est pas sur vostre front dépeinte,
Vous reposez sans danger, et sans crainte,
Vous n' estes point l' objet des médisans,
Ny le poison n' accourcit point vos ans.
L' escornifleur aux griffes de harpie,
Par ses discours qui n' ont rien que d' impie,
Ne vous rend pas l' esprit plus libertin,
L' excés du soir ne vous nuit au matin,
L' ambre meslé dans le sel et l' espice
Ne vous est pas une alumette au vice ;
Et le fredon de nos charmans accords
N' amolit pas vos esprits, ny vos corps.
Le sort douteux qui preside aux alarmes,
Ne vous invite à respandre des larmes,
Cazal vous touche autant que Montauban,
Autant le ban comme l' arriere-ban ;
Et vous n' oyez au lieu d' une trompette,
Que le doux son qui part d' une musette.
Ces hauts aspects du mouvement des cieux
N' exercent point vos esprits, ny vos yeux ;
Sans vous courber, ny pallir sur un livre,
Vous apprenez de vous seuls à bien vivre.
Vous laissez là ces disputes en l' air,
Si le tonnerre est premier que l' esclair,
Et si Diane esclatte en sa carriere
De son feu propre, ou d' une autre lumiere ;
Si le soleil est le pere des vents,
S' il forme seul les nuages mouvans,
Et si le cours de la sage nature,
Suit une reigle, ou roule à l' avanture.
Aprés qu' hymen vous a mis sous ses noeuds,
Qui rendent l' homme heureux, ou mal-heureux,
Lors vos ardeurs ne sont point mesprisées,
Vos femmes sont de vous seuls embrazées ;
Des traicts naïfs animent leurs discours,
Qui sont le seau de vos chastes amours.
Le trop grand soin de paroistre plus belles
Ne corrompt point leurs graces naturelles ;
Comme tousjours vos esprits sont constans,
Leur teint de rose est égal en tout temps.
D' un coeur sans fard, et libre d' artifice,
À vostre exemple elles quittent le vice,
Elles n' ont point de mauvaises humeurs,
Simples d' esprit, comme chastes de moeurs.
Estes-vous vieux, vostre foible vieillesse,
Leur plaist autant qu' a fait vostre jeunesse.
Elles ont part à tous vos longs travaux ;
Comme vos biens elles sentent vos maux.
Tout leur soucy, c' est de pourvoir leurs filles.
Et de regler l' estat de vos familles.
Quel plaisir c' est, quand la froide saison
Couvre les champs d' une blanche toison,
Et que les flots bridez jusqu' à leur source
Ne traisnent plus les replis de leur course !
Auprés du feu vous sondez le progrés
De vos enfans qui se suivent de prés ;
Là chacun d' eux, en guise de couronne,
Avec respect vostre chaire environne ;
Vous leur monstrez, non pas à discourir,
Mais à bien vivre, afin de bien mourir.
Et puis passant des choses serieuses
Dans le recit des matieres joyeuses,
Vous leurs contez comme vos jeunes ans
Estoient gaillards, sans estre mal-faisans ;
Combien de fois en luttant dans la plaine
Vous avez mis vos rivaux hors d' halaine,
Pour plaire aux yeux de ce morceau friant,
(monstrant au doigt vostre femme en riant ? )
Combien de fois vous avez recouvree
Une brebis qui s' estoit esgarée.
Bref, par quel art les tygres, et les loups
Ont succombé sous l' effort de vos coups,
Toutes les fois qu' une aveugle furie
Les a conduits dans vostre bergerie.
Ainsi, bergers, vous bornez vos desirs
À savourer de semblables plaisirs.

Mais aussi tost qu' il plaist aux destinées,
Dont le fuseau devide vos années,
D' en arrester et la trame, et le cours,
D' un coeur content vous finissez vos jours,
Et vous allez dans le ciel empyrée
Gouster des biens d' eternelle durée.
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Guillaume Colletet (1598-1659) Les bergers.
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