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 François Coppée. (1842-1908) La Marchande De Journaux. II

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MessageSujet: François Coppée. (1842-1908) La Marchande De Journaux. II   François Coppée. (1842-1908) La Marchande De Journaux.  II Icon_minitimeSam 30 Juin - 18:36

II
U N soir, - les premiers froids étaient déjà venus, -
Au fond de la chétive échoppe, j'aperçus
Un spectacle nouveau, qui me fit de la peine.
C'était un pauvre enfant, - huit ou dix ans à peine, -
Blond, pâle, l'air malade, habillé tout en deuil,
Qui se tenait assis dans un petit fauteuil,
Ayant sur ses genoux un vieux dictionnaire
Et regardant avec des yeux de poitrinaire.

Je demandai :
« Quel est donc ce petit garçon?

- Mais c'est mon petit-fils; il apprend sa leçon,
Me répondit, d'un air tout orgueilleux, la vieille...
Et les Frères en sont très contents!
- A merveille!
Repris-je... Ses parents l'ont envoyé vous voir?
- Hélas, mon bon monsieur, voyez... il est en noir.
Pauvre enfant! il n'a plus sa mère ni son père...
Mais sa bonne-maman l'élèvera, j'espère.
Maintenant, il n'a plus que moi, cher innocent!
Il a coûté la vie à ma fille en naissant...
Et voilà des malheurs qu'on ne peut pas comprendre...
Des orphelins d'un jour!... Quant à mon pauvre gendre,
II était étameur de glaces; et les gens,
Dans ce vilain métier, ne durent pas dix ans,
S'ils n'ont pas les poumons comme un soufflet de forge...
A cause du mercure.
- Allons! un sucre d'orge, »
Dis-je à l'enfant, qui vint pour me remercier,
Prit mes sous et courut, joyeux, chez l'épicier.
Et, quand je fus resté seul avec la marchande :

« L'enfant se porte bien?
- J'attendais la demande,
Monsieur, répondit-elle avec un gros soupir.
C'est le chagrin que j'ai tous les jours à subir.
Non! il ne va pas bien... Que je suis malheureuse!...
Avec ses yeux cernés et sa figure creuse,
C'est tout son père... Il souffre, hélas! le cher petit!
11 tousse, il dort à peine, il n'a pas d'appétit.
Enfin, le médecin dit que c'est la croissance!...
C'est qu'il est si mignon... et d'une obéissance!...

Et tout ce qu'il voudrait, il l'apprendrait, je crois,
Mon Joseph... A l'école il a toujours la croix...
Mais sa santé... voilà ce qui me désespère!

- Courage! dis-je.
- Enfin mon commerce prospère,
Continua l'aïeule, et de telle façon,
Monsieur, que rien ne manque à mon pauvre garçon.
Le bon Dieu, quand j'ai trop de mal, me vient en aide.
Tenez! j'ai cru l'enfant malade sans remède,
Voilà tantôt trois ans... Le docteur ordonna
Des médicaments chers, du vin de quinquina...
Mais, juste en ce moment, je m'en souviens encore,
La Chambre renversa le cabinet Dufaure,
Et j'ai pu - je gagnais des douze francs par jour -
Donner ce qu'il fallait à mon petit amour...
Au Seize Mai, - la vente allait, je vous assure! -
J'ai fourni mon Joseph de linge et de chaussure;
Et quand le Maréchal à la fin est tombé,
J'ai fait faire un habit tout neuf à mon bébé... »

Le retour de Joseph finit la causerie;
Mais je sortis de là l'âme tout attendrie,
Et j'avais le coeur pris par le simple roman
De cet enfant malade et de sa grand'maman.
Le lendemain, je dus partir pour la province,
Mais sans les oublier; et l'intérêt fort mince
Qu'aux choses de l'État jusqu'alors j'avais mis
Grandit, quand je songeais à mes humbles amis.
Car je ne pouvais plus juger la politique
Qu'au point de vue étroit de leur pauvre boutique;
Et quand, par un hasard devenu bien banal,
J'apprenais, en voyant les pages du journal
Pleines d'alinéas et de rappels à l'ordre,
Que nos législateurs avaient failli se mordre
Et qu'en plein Parlement ils s'étaient outragés,
Rêveur, tout en lisant leurs discours prolongés,
Où le bon sens souffrait autant que la grammaire,
Je me disais :

« Tant mieux pour la pauvre grand'mère! »
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François Coppée. (1842-1908) La Marchande De Journaux. II
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