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 François Coppée. (1842-1908) XIV

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François Coppée. (1842-1908)  XIV Empty
MessageSujet: François Coppée. (1842-1908) XIV   François Coppée. (1842-1908)  XIV Icon_minitimeDim 1 Juil - 17:52

XV
OLIVIER doit partir le lendemain matin;
Et près des grands tilleuls dépouillés du jardin
Sur qui, bleuâtre et froid, le clair de lune plane,
Silencieux, il marche à côté de Suzanne,
Quand celle-ci, laissant son pas se ralentir,
Longuement le regarde, et dit :
« Pourquoi partir? »

Il s'arrête à ce mot; et quand la jeune fille,
Fixant sur lui des yeux où la tristesse brille,
Bien douloureusement a répété :
« Pourquoi? »

Il lui prend les deux mains et dit :
« Oubliez-moi!
Oubliez-moi, Suzanne, et pour toujours! Qu'importe
Le vent capricieux qui passe et qui m'emporte?
Si je vous disais tout, je vous ferais pitié.
Oubliez-moi! Cela vaut mieux. Mon amitié
Ne peut pas dans votre âme encor presque enfantine
Avoir déjà poussé tellement sa racine
Que vous deviez beaucoup souffrir en l'arrachant,
Comme une mauvaise herbe éclose dans un champ.
Faites-le, vous disant que cette herbe sauvage
Aurait dans votre coeur fait un mortel ravage.
Perdez tout sentiment pour moi, sans nul regret,
Et même maudissez celui qui l'inspirait.
Dites-vous que je suis un ingrat, un frivole,
Que je quitte ce toit comme l'oiseau s'envole
De l'arbre où tout l'été s'est abrité son nid.
La raison qui bien loin de vos yeux me bannit,
Suzanne, ne cherchez jamais à la comprendre.
Pour moi ne conservez rien de bon, rien de tendre;
Et si mon souvenir persiste, oui, s'il le faut,
Pauvre enfant, que ce soit de la haine plutôt!
Car si j'avais troublé votre exquise innocence,
Si vous deviez souffrir demain de mon absence
Et ne pas m'oublier comme on oublie un mort,
Ce serait dans ma vie un éternel remord.
Adieu! Je ne puis pas en dire davantage. »

Il la tenait toujours par la main.
Un nuage
Passa devant la lune, et tout devint obscur.
Pourtant l'air était calme, et, dans le sombre azur
Où les sept diamants épars de la Grande Ourse
Vers le 'septentrion accomplissaient leur çoursc,
Régnait tant de silence et de sérénité
Qu'on aurait pu se croire en une nuit d'été.
Mais tout à coup, ainsi qu'au début d'un orage,
Le poète sentit sur sa main sans courage
Où Suzanne laissait la sienne, doux fardeau,
Tomber une brûlante et lourde goutte d'eau.

Fuis, malheureux! Le temps est long, le monde est vaste.
Fuis! Et pour oublier l'heure à jamais néfaste
Où naquit dans ton sein le remords étouffant
D'avoir troublé la paix de cette pure enfant,
Insensé, plonge-toi dans toutes les ivresses!
Pars! change de climat et change de maîtresses;
Le secret d'oublier que tous veulent en vain,
Cherche-le dans l'amour, dans le jeu, dans le vin;
Tâche de t'étourdir enfin, et cours le monde.
Dans le flot des cheveux dénoués d'une blonde
Tu pourras rafraîchir parfois ton front pâmé,
En respirant cet or fluide et parfumé;
Assis au tapis vert d'où la dame de pique
Darde sur le joueur son oeil microscopique,
Tu pourras t'absorber un instant dans l'émoi
De voir un monceau d'or s'élever devant toi;
Sur la table en désordre où coulent les bougies,
Tu pourras, t'accoudant à la fin des orgies,
Noyer dans les vins noirs tes souvenirs amers;
Tu pourras les bercer au roulis des steamers,
Et vers les cieux nouveaux où ton rêve s'égare
Les dissiper avec la vapeur d'un cigare.
Mille chemins divers s'ouvrent devant tes pas.
Va, misérable fou! pars! mais n'espère pas
Que le remords te quitte, et que jamais s'efface
- Quel que soit le destin que l'avenir te fasse,
Et jusqu'au dernier jour de ton voyage humain -
Cette larme d'enfant qui tomba sur ta main!
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François Coppée. (1842-1908) XIV
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