PLUME DE POÉSIES
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 Prosper Jolyot De Crébillon. (1674-1762) Le Sylphe.

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James
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MessageSujet: Prosper Jolyot De Crébillon. (1674-1762) Le Sylphe.   Prosper Jolyot De Crébillon. (1674-1762) Le Sylphe. - Page 2 Icon_minitimeSam 21 Juil - 0:44

Rappel du premier message :

Vous sçavez que de tout tems j'ai souhaité avec ardeur de voir un de ces
esprits élémentaires connus parmi nous sous le nom de sylphes. J'ai toujours cru
que ce n'étoit point dans le fracas des villes qu'ils aimoient à se produire,
et, le pourrez-vous croire? Voilà l'idée qui m'entraînoit si souvent à la
campagne et me faisoit rejetter si fierement les conteurs de fleurettes: peut-
être, sans l'envie que j'avois d'être digne de l'amour d'un sylphe, aurois-je
succombé; car il y en a de jolis de ces conteurs-là. Je ne me repens point de ma
séverité, puisqu'elle m'a conduite à mon but.

C'est un songe, je ne vous donnerai mon avanture que sur ce pied-là, il faut
ménager votre incrédulité. Cependant, si c'étoit un songe, je me souviendrois de
m'être endormie avant que de l'avoir commencé, j'aurois senti mon reveil; et
puis quelle apparence qu'un songe eût autant de suite qu'il y en a dans ce que
je vais vous raconter? Comment aurois-je si bien retenu les discours du sylphe?
Il n'est pas naturel que j'aie pensé ce que vous allez entendre, toutes les
idées que vous y trouverez ne m'ont jamais été familieres. Oh! Assurément, je
n'ai pas rêvé.

Vous en croirez, au reste, ce qu'il vous plaira; quant à moi, je ne me servirai
pas de ces mots: il me sembloit, je croyois voir; je dirai: j'étois, je voyois.
Mais finissons ce préambule.

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Prosper Jolyot De Crébillon. (1674-1762) Le Sylphe. - Page 2 Une_pa12Prosper Jolyot De Crébillon. (1674-1762) Le Sylphe. - Page 2 Plumes19Prosper Jolyot De Crébillon. (1674-1762) Le Sylphe. - Page 2 James_12Prosper Jolyot De Crébillon. (1674-1762) Le Sylphe. - Page 2 Confes12


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MessageSujet: Re: Prosper Jolyot De Crébillon. (1674-1762) Le Sylphe.   Prosper Jolyot De Crébillon. (1674-1762) Le Sylphe. - Page 2 Icon_minitimeSam 21 Juil - 0:47

-C'est-à-dire, interrompit-il, que vous voudriez que je perdisse un tems qui
m'est précieux. Je ne suis point fait à cela. -les femmes, sans doute, ne vous y
ont point accoutumé. -non, assurément, reprit-il. -et vous avez plû par tout où
vous avez adressé vos voeux? -par tout, non, repliqua-t'il; j'ai été souvent
obligé de changer de forme pour me faire aimer. La premiere personne qui me plut
étoit une jeune innocente qui avoit encore peur des esprits. Je m'avisai de lui
parler la nuit, je pensai la faire mourir. J'eus beau lui dire que j'étois un
esprit aërien, que nous étions beaux, bien faits: l'énumeration que je lui fis
de nos bonnes qualitez ne la rendit que plus craintive, et si je n'avois pris la
figure de son maître de musique, j'étois perdu. Celle à laquelle je m'adressai
ensuite étoit une dame de grande condition, fort ignorante, qui ne comprit rien
non plus aux substances celestes, et qui ne voulut pas imaginer que je pûsse
être un corps solide. Cette idée me fit auprès d'elle un tort considérable. Ne
pouvant la vaincre malgré elle-même, je crus qu'en prenant la ressemblance d'un
fort aimable homme qui l'aimoit, je pourrois la ramener: je perdis mon tems.

Enfin, ne sçachant plus que faire, je me mis à son service et me travestis si
bien qu'elle ne m'auroit jamais pris pour un esprit élementaire; et, voyez la
bizarrerie! Je réussis. En Espagne, je trouvai une femme qui, après m'avoir vû,
ne voulut pas de moi et me prefera son amant. Je n'ai pas encore eu ce chagrin
en France. Le détail de mes avantures seroit trop long; je ne dois cependant pas
oublier une femme sçavante, dont les études avoient eu pour principal objet
l'astronomie et la physique. Je la vis et lui dis qui j'étois: je ne l'effrayai
pas mais, quoiqu'avec des efforts incroyables, je ne la persuadai point. «
Comment, disoit-elle, est-il possible, si vous êtes dans votre région matiere
corporelle, que notre air ne vous ait point étouffé en descendant parmi nous? Et
si votre être n'est qu'un composé de vapeurs fines qui ne peuvent résister aux
impressions de l'air et que le moindre vent peut dissoudre, à quoi pouvez-vous
être bon ici? » loin de refuter cet argument par des discours, je la priai de
m'admettre aux preuves. Elle y consentit, déterminée sans doute par le peu de
risque qu'elle crut y courir, ou, supposé qu'il y en eût, par le plaisir d'avoir
trouvé dans la physique élevée quelque chose d'extraordinaire que tout le monde
ne sçût pas. J'essayai donc de la convaincre; mais dans le tems que je devois
esperer qu'elle cédoit à la force de mes raisons. "ah dieu! Quel songe!"s'écria-
t'elle.
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MessageSujet: Re: Prosper Jolyot De Crébillon. (1674-1762) Le Sylphe.   Prosper Jolyot De Crébillon. (1674-1762) Le Sylphe. - Page 2 Icon_minitimeSam 21 Juil - 0:47

Avez-vous jamais vû d'incrédulité plus opiniâtre? Je ne me rebutai pas d'abord;
mais, voyant qu'à quelque heure et de quelque façon que je lui parlasse, elle
s'obstinoit, ainsi que vous le ferez sans doute, à me traiter de chimere et de
songe, je m'ennuyai de lui donner matiere à rêver et la quittai, quoiqu'elle me
fît esperer une conversion prochaine. Mais vous, ajouta-t'il, ne seriez-vous pas
aussi incrédule? -Je ne serois pas du moins si curieuse, lui répondis-je. Je
suis persuadée que je rêve, mais, contente du plaisir que ce songe me donne, je
ne veux pas sçavoir s'il pourroit être verité.

-Et moi, reprit l'esprit, je sens que tout devient trop verité auprès de vous;
je ne veux plus m'exposer au danger de voir vos charmes, je pars assez
malheureux pour n'avoir pû me faire aimer de vous, je vais me dérober aux
rigueurs que votre cruauté me prépare. -que vous êtes impatient! Comment voulez-
vous que je vous aime? Sçais-je seulement ce que vous êtes? -avez-vous eu,
repliqua-t'il, la curiosité de le demander? -Helas! Répondis-je, j'ai craint de
vous fâcher en vous le demandant; cette peur et celle que vous ne fussiez pis
qu'un esprit m'ont contrainte. Mais, puisque vous me le permettez, qu'êtes-vous?
-vous, dit-il, qui croyez-vous que je sois? -Je vous crois, repris-je, esprit,
démon ou magicien; mais, sous quelque espece que je vous imagine, je vous crois
quelque chose de fort aimable et de fort singulier. -Voudriez-vous me voir?
Répondit l'esprit. -non, dis-je, il n'est pas tems; répondez, de grace, à mes
questions.

Qu'êtes-vous? -je suis un sylphe. -un sylphe! M'écriai-je avec transport, un
sylphe! -Oui, charmante comtesse, les aimeriez-vous? -si je les aime, grand
dieu! Mais vous me trompez, il n'en est point, ou s'il en est, qu'est-ce que les
mortels peuvent pour votre bonheur, et comment une essence aussi celeste que la
vôtre peut-elle descendre au commerce des hommes? -notre felicité, dit-il, nous
ennuye quand nous ne la partageons avec personne, et tout notre soin est de
chercher quelque objet aimable qui mérite de nous attacher. -mais, interrompis-
je, j'ai lû que les sylphides étoient si belles, pourquoi...

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MessageSujet: Re: Prosper Jolyot De Crébillon. (1674-1762) Le Sylphe.   Prosper Jolyot De Crébillon. (1674-1762) Le Sylphe. - Page 2 Icon_minitimeSam 21 Juil - 0:47

-Je vous entends, dit-il, pourquoi ne nous pas attacher constamment à elles?
Nous ne les touchons pas assez, elles nous voyent trop, et ce n'est jamais que
par raison et pour ne pas laisser perdre la race des sylphes qu'elles nous
accordent quelques faveurs; la même consideration nous détermine, et, comme vous
voyez, cela ne doit pas former entre nous des liens fort tendres: c'est à peu
près agir comme vous autres humains quand vous êtes mariés. Nous cherchons des
femmes qui nous tirent de notre léthargie, comme elles cherchent de leur côté
des hommes qui les dédommagent de l'ennui que nous leur causons.

Toutes ces choses sont reglées entre nous, et nous nous laissons de part et
d'autre aller à notre penchant sans jalousie et sans mauvaise humeur. Vous
rêvez, ajouta-t'il: avouez que c'est une chose gracieuse que d'avoir un sylphe
pour amant.

Il n'est point, comme je vous l'ai dit, de fantaisie que nous ne satisfassions,
de biens dont nous ne comblions ce que nous aimons; plus esclaves qu'amans, nous
sommes soumis à toutes ses volontés, incommodes dans un point seulement. -quel
est-il? Demandai-je brusquement.

-Nous exigeons de la constance, et je veux bien vous avertir que la mort la
plus cruelle suit toujours avec nous la moindre apparence d'infidelité. -
Misericorde! M'écriai-je, je renonce à vous pour jamais. "l'esprit, à ce
discours, fit un éclat de rire qui me fit remarquer la simplicité de ma peur.

"Vous riez, mon sylphe, lui dis-je. -je ris, repartit-il, de ce qu'il n'y a
point de femmes qui ne se révoltent sur cet article, et qui n'aiment mieux
renoncer à tous les avantages que notre possession leur assure qu'à leur
inconstance naturelle. -Vous vous trompez, lui dis-je: ne voulant point être
inconstante, je n'ai rien à redouter, et cependant l'idée de ne la pouvoir
devenir sans risque m'afflige sensiblement: vous croirez toujours ne devoir mon
attachement pour vous qu'à la crainte du châtiment, vous m'en aimerez moins. -
pouvez-vous le croire? Répondit-il. Si nous sommes gênans pour les femmes
dissimulées, parce que nous sçavons tout ce qu'elles pensent, celles qui ont le
coeur bon et droit doivent être charmées que rien ne nous échappe; nous leur
tenons compte de ces délicatesses de l'ame, de ces sentimens fins que la
stupidité et l'indolence des hommes n'apperçoivent pas, et plus nous connoissons
leur amour, plus leur bonheur est parfait. Ne croyez cependant pas que la
condition que je propose soit si terrible. Les sylphes sont à tous égards si
forts au-dessus des hommes qu'il s'en faut bien que ce soit un supplice de les
aimer constamment. J'imagine que l'ennui d'une habitude où le coeur languit est
la seule chose qui détermine une femme vers l'inconstance: elle ne voit plus
dans un amant ces desirs tumultueux, lesquels, soit qu'elle les rebutât, soit
qu'elle voulût les satisfaire, l'amusoient également.

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MessageSujet: Re: Prosper Jolyot De Crébillon. (1674-1762) Le Sylphe.   Prosper Jolyot De Crébillon. (1674-1762) Le Sylphe. - Page 2 Icon_minitimeSam 21 Juil - 0:47

Ce n'est plus qu'un homme ennuyé qui s'excite par bienséance, qui dit
nonchalamment qu'il aime, qui le prouve avec plus d'embarras encore, et dont le
visage muet et glacé n'aide jamais à persuader ce que sa bouche prononce. Que
fera une femme en pareil cas? Par un honneur vain et mal entendu, passera-t'elle
le reste de sa jeunesse dans un lien qui ne fait plus son bonheur? Elle change,
et fait bien. On lui fait un crime de ce qu'elle change la première: c'est
qu'elle sent plus vivement que les hommes, et qu'elle n'a pas de tems à perdre.
D'ailleurs, c'est souvent par bonté pour celui qu'elle a aimé: elle le voit
languir auprès d'elle sans pouvoir se résoudre à la quîtter, parce qu'il craint
de se deshonorer; elle lui fournit un prétexte et se charge du crime. C'est un
procédé bien genereux et que les hommes ne méritent pas, car ils ont
l'impertinence de s'en fâcher. -les sylphes, lui demandai-je, ne sont donc pas
sujets à l'ennui et au dégoût? Ils sont sans doute aussi constans qu'ils exigent
qu'on le soit pour eux. -du moins, répondit-il, quand ils changent, c'est si
subitement qu'on n'a pas le tems de s'en défier; on les voit encore amoureux un
quart d'heure avant qu'ils disparoissent. -mais quelqu'un qui s'en défieroit et
qui changeroit avant eux? Lui dis-je. -Oubliez-vous que... -ah! Je m'en
souviens! Vous êtes de cruelles gens de nous priver de toutes nos ressources. -
quand, repartit-il, vous n'auriez point l'objet de la mort devant les yeux, vous
ne voudriez point changer. Le meilleur moyen d'empêcher une femme d'être
inconstante est de ne lui pas donner le tems d'appuyer sur un caprice; mais ce
soin seroit trop fatiguant pour les humains, et ce n'est qu'aux sylphes qu'il
appartient de sçavoir employer tous les instans et de prévenir ces fantaisies
momentanées qui naissent dans votre coeur. -je crois, lui dis-je, qu'avec ces
talens heureux que vous attribuez aux sylphes, on peut encore se dégoûter d'eux.
Il est bon de nous laisser désirer quelquefois. Il est des tems où nos
réflexions sur nos plaisirs nous amusent plus que tous les empressemens d'un
amant; d'ailleurs, vous avouërez que des soins perpetuels fatiguent, et ce
seroit assez pour m'empêcher de vous désirer que la certitude de ne vous désirer
jamais vainement. -ce sentiment est assez singulier, repartit-il, et je doute
qu'il soit vrai. Croyez qu'avec nous on n'a pas le tems de faire ces réflexions;
vous devenez sylphides par notre commerce, et, participant à notre substance, le
soin de répondre à nos empressemens devient aussi leger pour vous qu'il l'est
pour elles.

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MessageSujet: Re: Prosper Jolyot De Crébillon. (1674-1762) Le Sylphe.   Prosper Jolyot De Crébillon. (1674-1762) Le Sylphe. - Page 2 Icon_minitimeSam 21 Juil - 0:50

-Vous sçavez lever toutes les difficultez, lui dis-je; mais, quand vous quittez
une femme, lui reste-t'il quelque essence de vous? -quelquefois, par bonté,
répondit-il, nous lui en enlevons une partie; par malice souvent nous la lui
laissons toute entière. -ce procédé n'est pas bon, repris-je. -je conviens, dit-
il, que nous pourrions nous dispenser de laisser après nous des desirs que nous
seuls pouvons éteindre; mais nous ne connoissons que cela pour être regrettez,
et c'est un plaisir qui nous touche. Vous rêvez. -il est vrai, dis-je, je rêve
que je connois dans le monde nombre de femmes sylphides. -oh! Vraiment, me dit-
il, comme c'est à la cour que nous faisons nos plus grands coups, il n'est pas
difficile d'y reconnoître nos traces; mais il me semble que cette espece de
malice ne vous effraye pas tant que la mort sur laquelle vous vous êtes tantôt
récriée: elle a pourtant des inconveniens.

-Je les crains, mais je puis les éviter. -en ne m'aimant pas, dit le sylphe,
vous n'y gagneriez rien: c'est aussi la punition de celles qui nous résistent. -
Eh! Grand dieu, m'écriai-je, de quel côté fuïr! -laissons tout ce badinage,
reprit le sylphe. -Oh! Assurément, nous le laisserons, me récriai-je toute
effrayée; point de commerce, monsieur le démon: si vous vouliez m'engager à vous
donner l'immortalité, il falloit me cacher la perversité de votre caractere et
les risques qui suivent les engagemens qu'on prend avec vous. -Expliquons-nous,
répondit-il. Je vois que, l'esprit imbu des rêveries que le comte de Gabalis a
débitées, vous croyez que vous pouvez nous donner l'immortalité; c'est-à-dire
que vous faites ce que la nature n'a pas jugé à propos de faire. Je pense encore
que, selon ces belles idées, vous nous croyez soumis aux foibles lumieres de vos
sages, et que nous descendons à leurs évocations.

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MessageSujet: Re: Prosper Jolyot De Crébillon. (1674-1762) Le Sylphe.   Prosper Jolyot De Crébillon. (1674-1762) Le Sylphe. - Page 2 Icon_minitimeSam 21 Juil - 0:50

Quelle apparence qu'une essence superieure de l'homme ait besoin d'être
instruite par lui et puisse être forcée à lui obéïr! Pour l'immortalité que vous
prétendez pouvoir nous donner, cette imagination est encore ridicule, puisqu'il
est à présumer qu'un commerce frequent avec une substance inferieure aviliroit
la nôtre, loin de lui donner de nouvelles forces.

-Je vois, lui répondis-je, que j'ai été trop crédule, mais je n'en suis pas
plus disposée à vous aimer: je vous crains. -Rassurez-vous, reprit-il. Quant à
la mort dont je vous ai menacée, nous n'en venons pas toujours à cette
extrémité; souvent nous changeons nous-mêmes, et vous pouvez alors rentrer dans
vos droits; mais nous ne voulons pas plus qu'on nous prévienne que vous-mêmes
quand vous êtes engagées: ce sont des affronts que vous ne pardonnez point, et
notre vanité est aussi sensible que la vôtre. Quant à l'autre châtiment, à moins
que vous ne me le demandiez vous-même, je vous l'épargnerai.

Voyez, consultez-vous, congediez-moi bien serieusement ou acceptez les
conditions que je vous propose. -comment voulez-vous, répondis-je, que je puisse
assurer de ma tendresse quelqu'un que je ne connois pas, que je n'ai pas vû? Je
ne désavoue pas que vous ne me plaisiez déja un peu; mais si malheureusement
vous n'étiez qu'un gnome... -n'en dites point de mal, interrompit le sylphe. Il
est vrai qu'ils ne sont pas d'une figure avantageuse, mais ils ne laissent pas
de nous dérober bien des conquêtes. Ils sont parmi nous ce que les financiers
sont parmi les hommes, et ce n'est pas ce que votre sexe considere le moins;
tous les jours même ils nous enlevent nos sylphides. -comment, lui demandai-je,
une espece aussi superieure que la leur est-elle sensible aux presens? -oui,
dit-il, elles prennent des gnomes pour donner à leurs amans; et quand ce soin ne
les obligeroit pas à répondre à la passion de ces esprits hideux, elles sont
femelles, par consequent capricieuses; le changement les amuse et la bizarrerie
de leur goût est pour elles un plaisir d'autant plus touchant qu'il peut leur
être reproché. Mais, ma belle comtesse, ne voudrez-vous point me faire des
questions plus interessantes, et votre curiosité s'arrêtera-t'elle toujours sur
d'aussi petits objets que ceux sur lesquels je l'ai satisfaite? Ne me permettez-
vous donc point de me montrer? -ah! Mon sylphe, m'écriai-je, que je crains votre
presence! -que ne la souhaitez-vous! Dit-il en soupirant.

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Je ne répondis moi-même que par un soupir. En ce moment une lueur
extraordinaire remplit ma chambre, et je vis au chevet de mon lit le plus bel
homme qu'il soit possible d'imaginer, des traits majestueux et l'ajustement le
plus galant et le plus noble. Sa vûë m'étonna, mais ne m'effraya pas."eh bien,
dit-il en se jettant à genoux devant moi avec un air plein d'amour et de
respect, eh bien, charmante comtesse, pourriez-vous me jurer fidelité? -Oui, mon
cher, mon aimable sylphe, m'écriai-je, je vous jure une ardeur éternelle; je ne
redoute plus que votre inconstance.

Mais comment ai-je pû meriter? ... -votre mépris pour les hommes et la passion
secrete que vous aviez pour nous, me dit-il, ont déterminé la mienne; elle est
plus tendre que vous ne pensez. Je pouvois vous susciter un songe et me rendre
heureux malgré vous; mais je pense avec plus de delicatesse et n'ai voulu rien
devoir qu'à votre coeur." hélas! Je montrai peut-être dans ce moment trop de
foiblesse à mon sylphe, mais je l'adorois.

"Que vous êtes charmant! Lui dis-je; mais que je serois malheureuse si vous
n'étiez qu'une illusion! Est-il bien vrai que...

Ah! ... vous êtes palpable!"j'en étois là, madame, avec mon sylphe, et je ne
sçais ce qui seroit arrivé de mon égarement et de ses transports si ma femme de
chambre, qui entra dans le moment, ne l'eût pas effrayé. Il s'envola; je l'ai
depuis vainement rappellé. Son indifference pour moi me fait penser que ce n'est
qu'une agréable illusion qui s'est presentée à mon esprit; mais n'est-il pas
dommage que ce ne soit qu'un songe?

_________________
J'adore les longs silences, je m'entends rêver...  
James

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