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 Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS

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MessageSujet: Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS   Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS - Page 15 Icon_minitimeLun 30 Juil - 15:06

Rappel du premier message :

Votre pauvre enfant.


JOURNAL DU SIEGE DE PARIS

En envoyant à sa famille son Journal du siège de Paris
que nous donnons ci-après, Crémazie l'accompagne de la
note suivante qui fait comprendre dans quelles conditions ce
journal a été écrit.

Je vous envoie aujourd'hui mon journal jusqu'au 19
décembre. J'y ai inséré régulièrement, chaque soir, les
impressions de la journée. Vous verrez dans ces pages bien
des choses qui n'ont existé que dans l'imagination des
assiégés, des rumeurs insensées et des cancans absurdes.
Séparés par une muraille de fer de la France et de l'univers,
nous nous sommes nourris, pendant quatre mois,
d'espérances trompeuses et d'illusions décevantes. Comme le
mirage du désert, la délivrance miroitait toujours à nos yeux,
mais elle ne devait jamais devenir une réalité. Il vous faut
donc, en lisant ces pages, vous mettre à la place des assiégés
qui, pendant près de cinq mois, n'ont entendu d'autre
musique que celle du canon et de la fusillade, n'ont connu la
situation de la province que par les messages emphatiques et
mensongers de Gambetta.
Non seulement nous ne connaissions pas ce qui se passait
dans les départements, mais nous n'étions même pas
renseignés sur les batailles qui se livraient à nos portes: le
gouvernement de l'Hôtel de ville nous donnant comme des
succès toutes les sorties de l'armée de Paris, à l'exception de
l'affaire du 2 décembre, qui a été glorieuse, mais sans
résultat, puisqu'il a fallu rentrer dans Paris le 4 au matin.
Maintenant que le voile qui nous cachait le véritable état des
choses se lève chaque jour davantage, nous pouvons bien


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MessageSujet: Re: Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS   Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS - Page 15 Icon_minitimeLun 30 Juil - 17:07

jusqu'à ce jour, les forts seuls ont été atteints par les
projectiles de l'ennemi.
VENDREDI, 6 janvier. - Le temps s'adoucit un peu. C'est
malheureusement trop vrai, le quartier latin a reçu le baptême
du feu. Les obus prussiens ont tué six personnes à Plaisance.
Aujourd'hui, le bombardement, commencé hier, continue à
faire rage. Les Parisiens n'en sont pas autrement effrayés.
Comme les canons Krupp ne peuvent atteindre que le côté
sud, la plus grande partie de la capitale restera toujours à
l'abri des projectiles allemands, et si le bombardement de la
rive gauche devient trop violent, les habitants viendront
chercher un abri sur la rive droite. On prétend qu'il y a de
bonnes nouvelles de la province: Chanzy aurait battu le
prince Frédéric-Charles. Le commandant de l'armée de la
Loire est maintenant l'idole des Parisiens, qui lui prêtent le
génie de Napoléon ler pour avoir le plaisir de démolir
Trochu, qui vient de déclarer officiellement qu'il ne
capitulera pas. Je crois que cette déclaration du gouverneur
de Paris est une imprudence. Le commandant en chef d'une
ville de deux millions d'âmes ne doit pas dire qu'il ne
capitulera jamais, car il arrive toujours un moment où il faut
mettre bas les armes devant ce général invincible qui
s'appelle la famine. Trochu a voulu avoir sa petite phrase à
sensation comme son collègue Jules Favre, qui a été porté
aux nues parce qu'il a écrit: « Ni un pouce de notre territoire;
ni une pierre de nos forteresses. » Un homme politique ne
doit pas brûler ses vaisseaux. En le faisant, Jules Favre se
trouvera obligé, pour ne pas se désavouer lui-même, de faire
une guerre à outrance, que ne permettront peut-être plus les
ressources épuisées de la France.
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MessageSujet: Re: Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS   Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS - Page 15 Icon_minitimeLun 30 Juil - 17:07

SAMEDI, 7 janvier. - Température assez douce. Après-
midi, je suis allé au quartier latin. Près du jardin du
Luxembourg, un obus, lancé de Châtillon, c'est-à-dire à une
lieue et demie de Paris, est venu éclater sur le boulevard
Saint-Michel, à deux cents pas devant moi. Il a tué un cheval
attelé à un fiacre, fracassé la tête d'une pauvre vieille femme
qui est morte sur le coup, et démoli la devanture d'un
marchand de vin. Je n'ai pas jugé à propos d'aller plus loin et
je suis revenu chez moi, me promettant bien de ne plus
traverser la Seine tant que durera cet infernal bombardement.
La coupole du Panthéon a été atteinte par les projectiles
prussiens, ainsi que la tour de Saint-Étienne-du-Mont. Les
bonnes nouvelles de la province qui circulaient hier ne se
confirment pas. Voilà bientôt un mois que nous sommes sans
dépêches de Gambetta. Tout cela n'est guère rassurant. Les
ultra-radicaux, ennemis jurés de Trochu, font courir le bruit
que c'est lui qui fait bombarder Paris par les forts, afin de
hâter la capitulation de la capitale et de rétablir Napoléon III.
C'est stupide, mais il y a des imbéciles pour avaler cette
bourde. Ce bombardement de Paris nous a pris par surprise.
C'est une loi de la guerre qu'avant de bombarder une place
qui renferme une population civile, l'assiégeant doit notifier
quarante-huit heures à l'avance le commandant de la ville
assiégée, afin que les femmes, les enfants et les vieillards
puissent chercher un refuge en dehors des murs. M. de
Bismarck, l'homme qui a dit: La force prime le droit, ne se
gêne pas pour si peu. Du reste, cette dépense de ferrailles
n'avance pas la reddition de Paris de cinq minutes. Tant que
nous aurons une bouchée de pain à manger, nous tiendrons
quand même, en dépit de tous les canons Krupp du monde.
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MessageSujet: Re: Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS   Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS - Page 15 Icon_minitimeLun 30 Juil - 17:08

DIMANCHE, 8 janvier. - Le froid semble vouloir revenir.
Nous avons enfin des nouvelles de la province. Gambetta
nous annonce que Faidherbe a remporté, le 3 courant, à
Bapaume, une grande victoire sur les Prussiens. Chanzy
réussit à maintenir le prince Frédéric-Charles sur la rive
gauche de la Loire. Cela ne nous suffit pas, car si l'armée de
la Loire ne vient pas à notre secours, il faudra bien que nous
succombions, puisque le pain nous manquera bientôt. Il est
déjà noir et lourd comme le pain de seigle. On annonce qu'il
sera rationné à partir de demain. Nous n'aurons plus que trois
cents grammes par personne. Le bombardement a fait rage
toute la journée. Au point de vue de la capitulation de Paris,
c'est tout à fait inoffensif. Malheureusement, il y a chaque
jour une dizaine de victimes. Déjà, au quartier latin, on
descend dans les caves, espérant y trouver un refuge contre
les obus. Tout ce qui est comestible atteint des prix insensés.
Les rats d'égout, qui sont les plus recherchés parce qu'ils
sont plus gros et plus gras que les autres, se vendent
maintenant trois francs pièce. Un chat vaut vingt-cinq francs.
Le chien continue à se vendre à des prix moins exagérés. On
annonce la mort de Prim, tué par les républicains de Madrid.
Veuillot prétend que l'homme qui a mis fin aux jours de ce
trop célèbre conspirateur, a volé la potence. M'est avis qu'il a
raison.
LUNDI, 9 janvier. - Le temps est redevenu très froid.
Aujourd'hui le bombardement a été effrayant: c'est une
véritable pluie d'obus monstrueux qui est tombée sur le
quartier latin. Comme les projectiles prussiens, en éclatant
dans l'air, font un bruit aussi retentissant que les grosses
pièces de marine, nous avons eu un véritable tonnerre à jet
continu pendant toute la journée. Je suis sorti vers quatre
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MessageSujet: Re: Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS   Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS - Page 15 Icon_minitimeLun 30 Juil - 17:08

heures. Sur le boulevard de Sébastopol, on rencontre de
pauvres familles éplorées traînant dans des petites charrettes
leurs matelas, sur lesquels reposent les enfants. Elles
viennent chercher sur la rive droite un refuge contre les
bombes du roi Guillaume. C'est un spectacle navrant de voir,
par cette température sibérienne, tous ces pauvres petits
enfants, grelottant de faim et de froid, traînés par leurs
parents, qui vont demander un abri de maison en maison. Je
dois dire que tout le monde s'empresse de leur donner asile.
Notre maison a reçu sa part des émigrants de la rive sud.
Nous avons une pauvre femme, folle de douleur: sa fille
aînée, âgée de vingt ans, a été coupée en deux, avant-hier, par
un obus qui est tombé sur leur maison et a éclaté dans la
chambre où se trouvait la malheureuse victime. Pour sauver
les quatre enfants qui lui restent, elle a dû quitter son
logement. La guerre est une chose horrible. Quand on ne fait
que lire l'histoire des conquérants, on se laisse facilement
prendre au miroitement de la gloire militaire. Mais quand on
a vu de près les ravages et les désastres causés par la guerre,
on se demande avec effroi quel nombre incalculable de
misères sans nom, de douleurs inénarrables, de morts
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MessageSujet: Re: Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS   Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS - Page 15 Icon_minitimeLun 30 Juil - 17:08

épouvantables, il faut à un conquérant pour tresser ce qu'on
est convenu d'appeler la couronne du vainqueur.
MARDI, 10 janvier. - Moins froid qu'hier. Engagement
sans importance du côté de la Malmaison. Aujourd'hui, les
Prussiens ont lancé plus de cinq mille obus sur Paris. Cet
ouragan de fer n'a pas produit les résultats que l'ennemi
espérait. Une maison a pris feu, mais en moins d'une heure,
ce commencement d'incendie a été éteint. Douze personnes
ont été tuées. C'est bien triste de voir douze créatures
humaines anéanties par ces projectiles de l'enfer, mais au

point de vue général de la défense, c'est absolument
insignifiant. Si les Allemands comptent sur le bombardement
pour précipiter la chute de Paris, ils se trompent étrangement.
La faim seule pourra leur ouvrir les portes de la capitale. Les
richards seuls peuvent manger de la viande. Le boeuf
d'Australie conservé dans des boites de ferblanc, se vend
vingt francs la livre. Un chou ordinaire vaut aujourd'hui dix-
huit francs.
MERCREDI, 11 janvier. - Le froid s'obstine à nous faire
geler. Le bombardement de la rive gauche a continué sans
interruption pendant toute la journée. Huit personnes ont été
tuées, et une vingtaine plus ou moins dangereusement
blessées. Nous souffrons beaucoup de la mauvaise nourriture.
Le pain, dans la composition duquel il n'entre plus que 20%
de blé, est un mélange de riz, de pois, de haricots, de lentilles,
avec assaisonnement de paille. Si nous devons être soumis à
ce régime pendant encore un ou deux mois, je crois que je ne
pourrai y résister. Nous avons mangé presque tous les
chevaux de fiacre. En temps ordinaire, on compte à Paris
douze à quinze mille fiacres et voitures de remise.
Aujourd'hui, il n'y en a plus quatre cents. C'est presque une
curiosité de voir une voiture de louage dans les rues de la
capitale. Les omnibus continuent encore leur service, mais ils
ont diminué de moitié le nombre de leurs départs.
JEUDI, 12 janvier. - Un peu moins froid qu'hier. Le
bombardement continue avec la même rage et fait toujours
des victimes. Quelques incendies, allumés par les obus
prussiens, éclatent du côté de la Halle aux vins, mais on se
rend facilement maître du feu. On pense que le but de ce
bombardement, qui produit si peu d'effet au point de vue
militaire, est d'effrayer la population parisienne, afin de
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MessageSujet: Re: Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS   Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS - Page 15 Icon_minitimeLun 30 Juil - 17:09

l'empêcher de faire une sortie et de profiter de cette panique
pour détacher de l'armée d'investissement quelques corps de
troupes, afin d'aller au secours du prince Frédéric-Charles,
qui semble menacé par Chanzy. Le chiffre de la mortalité
continue sa progression ascendante, quatre mille six cents la
semaine dernière. Dans les pharmacies, un certain nombre de
drogues sont épuisées, et les malades à qui elles sont
indispensables, doivent nécessairement succomber. Le lard se
vend vingt-cinq francs la livre, et le jambon cinquante francs.
VENDREDI, 13 janvier. - Le temps s'adoucit. Pluie d'obus
et de bombes incendiaires sur le quartier latin. Les pauvres
habitants de la rive gauche continuent à déménager. On les
rencontre sur les boulevards, les femmes pleurant, les enfants
criant la faim et le froid. Tout cela est bien triste. On
commence à perdre espérance et une anxiété bien proche du
découragement étreint toutes les poitrines. Personne
cependant ne songe à se rendre, et il se ferait un mauvais
parti celui qui parlerait d'ouvrir les portes à l'ennemi. On
tiendra jusqu'à la dernière bouchée de notre affreux pain
noir, non pas dans l'espoir du triomphe, mais seulement pour
avoir le droit de dire: Nous avons tout perdu fors l'honneur.
SAMEDI, 14 janvier. - Le temps est presque doux. On a
fait du côté du Moulin-de-Pierre une sortie qui n'a pas réussi.
On se plaint beaucoup du général Trochu, qui ne fait des
sorties que de quatre à cinq mille hommes, quand il a
,000 soldats, mobiles et gardes nationaux mobilisés, avec
douze cents pièces de canon. On l'accuse hautement de
trahison. J'avoue que je ne comprends plus rien à son fameux
plan. Si, depuis que nous sommes investis, on avait fait une
ou deux sorties par semaine, on aurait certainement mis
,000 Prussiens hors de combat. Comment se fait-il que le
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MessageSujet: Re: Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS   Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS - Page 15 Icon_minitimeLun 30 Juil - 17:09

gouverneur de Paris s'obstine à demeurer dans l'inaction? Il
sait pourtant bien que les provisions s'épuisent rapidement et
que, dans un mois, six semaines au plus, nous n'aurons
d'autre alternative que la capitulation ou la mort par la faim.
Je laisse à de plus grands élèves que moi le soin de résoudre
ce problème.
DIMANCHE, 15 janvier. - Temps doux, brouillard épais.
Canonnade d'une violence extrême, qui fait toujours
quelques victimes de l'autre côté de l'eau. On parle d'une
grande sortie. Si elle doit avoir le même résultat que les
précédentes, si, vainqueur le matin, on doit, le soir, se replier
en bon ordre, autant vaut rester dans les murs. Le beurre frais
se vend soixante francs la livre. Cette abominable ratatouille
que l'on appelle du boudin de cheval, vaut aujourd'hui huit
francs la livre. Le chien augmente aussi de prix. On le paie à
présent huit francs la livre. Un oeuf se vend trois francs.
LUNDI, 16 janvier. - Le temps s'est refroidi. Pas de
nouvelles de l'extérieur. Bombardement sur toute la ligne sud
et, comme tous les jours, réponse des forts, qui réussissent à
démolir une batterie ennemie de temps en temps. Nous
sommes très inquiets, car le dénouement, et quel
dénouement! approche. La province viendra-t-elle enfin à
notre secours? Parmi les enfants, la mortalité est énorme.
Tout cela n'est pas gai et l'avenir nous apparaît sous les
couleurs les plus sombres.
MARDI, 17 janvier. - Même température qu'hier.
Aujourd'hui, le bombardement a été moins violent. Les forts
de Vanves et d'Issy ont seuls été attaqués avec acharnement.
Le gouvernement devient de plus en plus impopulaire.
L'avocat Ferry, qui a succédé à M. Haussmann, comme
préfet de la Seine, commet sottise sur sottise. Ce républicain,
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MessageSujet: Re: Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS   Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS - Page 15 Icon_minitimeLun 30 Juil - 17:09

qui n'a rien de l'austérité lacédémonienne, est une espèce de
gandin qui connaît beaucoup mieux les cabinets particuliers
de la Maison-Dorée que les besoins d'une population
assiégée et affamée. Aussi jouit-il d'une impopularité qu'il
n'a pas volée. Le sucre devient très rare. La cassonade brune,
de la plue basse qualité, se vend 1 fr. 50 la livre. Un pâté de
lièvre d'une livre est payé 75 francs. Une petite boîte de
sardines, comme celles qui se vendent 1 chelin chez nous,
vaut aujourd'hui 15 francs.
MERCREDI, 18 janvier. - Brouillard. Les obus allemands
ont mis le feu à la Halle aux vins. Heureusement qu'on a pu
maîtriser l'incendie en peu de temps. Un décret de M.
Magnin, ministre du commerce, offre une prime de vingt-
cinq francs à tout citoyen qui dénoncera les personnes qui ont
en leur possession plus de quatre livres de farine. Tous les
journaux éreintent le dit ministre Magnin à propos de ce
décret, qui rappelle les plus beaux jours de 93, à cette
bienheureuse époque où fleurissait la loi des suspects. On a
horreur aujourd'hui de cet encouragement donné aux
délateurs. Le fils de l'amiral Saisset a été tué au fort de
Montrouge. Tout le monde partage la douleur du père, qui est
très populaire à Paris. On va faire une grande sortie demain.
Sur le boulevard de Sébastopol, j'ai rencontré plusieurs
régiments de marche de la garde nationale. Les femmes, les
enfants leur font la conduite, comme lorsque, dans le mois de
juillet dernier, les soldats de l'Empire allaient s'embarquer au
chemin de fer de l'Est. Puisse cette sortie être plus heureuse
que celles qui ont été tentées jusqu'à ce jour!
JEUDI, 19 janvier. - Temps très doux. Le bombardement
est presque nul aujourd'hui. Nous avons d'excellentes
nouvelles de l'expédition du général Trochu. On s'est emparé
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de Montretout, Garches et Buzenval. Sur le boulevard, toutes
les figures sont radieuses. On dit que les Français coucheront
demain à Versailles et qu'ils donneront la main à l'armée de
Faidherbe, qui est à Montlhéry. - Si ce beau rêve se réalise,
la position sera sauvée. Je le désire, mais je n'ose l'espérer.
Nous avons réellement besoin que notre situation prenne fin.
Les prix de tout ce qui se mange atteignent des proportions
insensées. Une livre de fromage de Gruyère se vend trente
francs; un poireau vaut deux francs; une échalote, un franc;
un boisseau de pommes de terre est payé cinquante francs, et
un boisseau d'oignons, quatre-vingts francs; un lapin,
soixante francs; un lièvre, quatre-vingts francs; une dinde,
cent quatre-vingt-dix francs; un canard, quarante francs; un
pigeon, dix-huit francs; une oie, cent cinquante francs; une
poule, cinquante francs; pâté de boeuf et porc, cinquante
francs la livre; pâté de cheval, vingt-cinq francs la livre; le
bois se vend douze francs les cent livres; le charbon, quinze
francs les cent livres.
VENDREDI, 20 janvier. - Temps froid. Le bombardement
a repris avec beaucoup de vigueur. Notre joie a été de courte
durée. Nous apprenons que, dans la soirée d'hier, le général
Trochu a dû abandonner toutes les positions conquises dans
la matinée. Il a fait des pertes considérables, puisqu'il
demande un armistice de quarante-huit heures pour relever
ses blessés et enterrer ses morts. Sur les 150,000 hommes qui
sont sortis, 25,000 seulement ont donné, les 125,000 autres
n'ont pas brûlé une cartouche. Pourquoi? Je n'y comprends
rien. Pensez si les cris: À la trahison! sont plus nombreux que
jamais. Un malheur ne vient jamais seul. Un pigeon est arrivé
ce matin. Il nous apprend la défaite de Chanzy, qui, après
avoir laissé 28,000 prisonniers et 12 batteries de canons aux
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mains de l'ennemi, a été obligé de se réfugier derrière la
Mayenne. Dans l'Est, Bourbaki tient encore. A moins d'un
miracle, tout est décidément bien perdu.
SAMEDI, 21 janvier. - Temps doux. Le bombardement
continue avec une grande violence. Le mécontentement est
général contre Trochu, qui n'a pas su, depuis cinq mois,
remporter une seule victoire. Où sont les acclamations
enthousiastes du 13 septembre, quand il passait en revue les
gardes nationaux? Mais où sont les neiges d'antan? Hier soir,
les clubs de Belleville et de la Villette ont été d'une violence
extrême contre les hommes du 4 septembre; on craint une
émeute. La misère va augmentant chaque jour. En ce
moment, le gouvernement nourrit gratuitement 623,000
personnes. Quand je dis nourrit, j'entends qu'il les empêche à
peu près de mourir de faim, en leur donnant quelques onces
de riz et une demi-livre de pain noir. Trochu avait déclaré
officiellement qu'il ne capitulerait jamais. Le gouvernement
vient d'abolir la position de gouverneur de Paris. Le général
Trochu n'est plus que le président du gouvernement de la
défense nationale. Aucuns disent que tout ce tripotage n'est
fait que pour ne pas mettre Trochu dans l'obligation de signer
la capitulation, qui est prochaine maintenant. Nos chefs
militaires jouent de malheur. Ducrot, le 29 novembre, lançait
une proclamation flamboyante dans laquelle il jurait qu'il ne
rentrerait à Paris que mort ou vainqueur. Il n'a pas été
victorieux, et bien loin d'être mort, il se porte aussi bien que
le Pont-Neuf. Trochu devra signer, sinon comme gouverneur
de Paris, du moins comme chef du gouvernement, la
capitulation que la faim nous imposera dans quelques jours.
DIMANCHE, 22 janvier. - Temps très doux. Le
bombardement continue et fait toujours quelques victimes.
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Pendant la nuit, une bande de Bellevillois a forcé la prison de
Mazas et a obligé le directeur à mettre en liberté Flourens,
Bauer et une dizaine d'autres détenus politiques. Après-midi,
quelques milliers d'habitués des clubs sont descendus sur la
place de l'Hôtel de Ville. Ils ont commencé à faire feu sur les
mobiles bretons qui gardent le palais municipal. Ceux-ci ont
répondu en faisant des feux de peloton. En un instant, ça été
un sauve-qui-peut général. On parle de 40 blessés et d'une
quinzaine de tués. Parmi ces derniers, le commandant Sapia,
qui avait été compromis dans les émeutes précédentes. Du
reste, le général Vinoy est un vieux brûlot avec qui il ne faut
pas plaisanter. Il avait déjà fait sortir les mitrailleuses pour
balayer la place de Grève. Heureusement que la peur a rendu
inutile l'intervention de ces terribles machines.
LUNDI, 23 janvier. - Le thermomètre continue à monter.
Suppression des journaux le Combat et le Réveil, qui avaient
poussé la population à faire une levée de boucliers pour
renverser le gouvernement actuel. Delescluze, rédacteur du
Réveil, a été arrêté ce matin. Les clubs sont fermés par ordre
de l'autorité. Le bombardement redouble d'intensité. On dit
que Faidherbe a subi une grande défaite dans le Nord, à
Saint-Quentin. Les Prussiens lui auraient fait 10,000
prisonniers. Dans l'Est, la position de Bourbaki serait très
compromise, sinon désespérée. Décidément, tout est perdu.
Les souffrances des pauvres gens qui ne veulent pas se faire
inscrire au nombre des nécessiteux, deviennent intolérables.
La mortalité atteint en ce moment le chiffre de 650 par jour.
Les corbeaux, viande dure et coriace, sont assez nombreux
chez les marchands de comestibles. Ils se vendent 8 fr. pièce.
En les mangeant, il ne faut pas songer qu'ils ne se trouvent en
si grande quantité autour de la capitale, que parce qu'ils sont
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