ACTE 4 SCENE 7
Valerius, Servilius.
Servilius.
Que me fait-on entendre ?
D' où vient que Manlius est par vous arrêté,
seigneur, ay-je payé trop peu sa liberté ?
Cette grace pour tous n' est-elle pas signée ?
Le sénat reprend-il sa parole donnée ?
Valerius.
De ses ordres secrets je ne rends pas raison.
Il vous importe peu de les connoître, ou non,
puisque pour vous, seigneur, ils ne sont point à craindre.
Sa bonté ne vous laisse aucun droit de vous plaindre.
Il vous fait grace entiere, et veut que dans l' oubli
son arrest contre vous demeure enseveli.
Il vous rend tout, il veut de vôtre illustre zele,
dans nos fastes, garder la memoire immortelle.
C' est ce que, de sa part, je viens vous déclarer :
et pour moy-même aussi, je viens vous assurer,
qu' avec vous renouant une amitié sincere,
je rends graces aux dieux, dont le soin salutaire
a fait de vôtre hymen, contraire à mes desseins,
le principe secret du salut des romains.
Servilius.
Et moy, c' est ce qu' icy mon ame desavoue.
Je deteste à jamais ce sénat qui me loue.
Je luy rends ses faveurs, qu' il m' accorde à moitié.
Je vous rends à vous-même une vaine amitié.
J' en fais, et mon malheur, et mon ignominie,
à Manlius trahi, s' il en coûte la vie.
Mon dessein n' étoit pas, en trahissant le sien,
ny de vendre son sang, ny d' épargner le mien.
Pour son propre interêt, j' ay pris ce soin du vôtre,
et ma pitié vouloit vous sauver l' un de l' autre.
Quoy ? De ma trahison, dont le remors me suit,
n' aurois-je que la honte ? Auriez-vous tout le fruit ?
Perdrois-je tout moy seul, en sauvant tout l' empire ?
Valerius.
Je vous ay déja dit ce que je pouvois dire :
mais retenez, seigneur, cet injuste transport.
Nous allons au sénat décider de son sort,
et soit qu' on le condamne, ou bien qu' on luy pardonne,
croyez-moy, desormais la gloire vous ordonne
de quitter sa querelle, ainsi que ses projets,
et du bon-heur public faire tous vos souhaits.
Le tems me presse. Adieu.