PLUME DE POÉSIES
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 Alfred De Musset (1810-1857) Acte second Scène I. Scène III.

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Alfred De Musset (1810-1857) Acte second  Scène I. Scène III. Empty
MessageSujet: Alfred De Musset (1810-1857) Acte second Scène I. Scène III.   Alfred De Musset (1810-1857) Acte second  Scène I. Scène III. Icon_minitimeMer 22 Aoû - 23:13

Scène III.

La nuit. - Une terrasse au bord d'un chemin. - Monna Belcolore, Frank, assis
dans un kiosque.

Belcolore
Dors, ô pâle jeune homme, épargne ta faiblesse.
Pose jusqu'à demain ton coeur sur ta maîtresse;
La force t'abandonne, et le jour va venir.
Carlo, tes beaux yeux bleus sont las, - tu vas dormir.
Frank
Non, le jour ne vient pas, - non, je veille et je brûle!
O Belcolor, le feu dans mes veines circule.
Mon coeur languit d'amour, et si le temps s'enfuit,
Que m'importe ce ciel, et son jour et sa nuit?
Belcolore
Ah! Carlo, mon Carlo, ta tête chancelante
Va tomber dans mes mains, sur ta coupe brûlante.
Tu t'endors, tu te meurs, tu t'enfuis loin de moi.
Ah! lâche efféminé tu t'endors malgré toi.
Frank
Oui, le jour va venir. - O ma belle maîtresse!
Je me meurs; oui, je suis sans force et sans jeunesse,
Une ombre de moi-même, un reste, un vain reflet,
Et quelquefois la nuit mon spectre m'apparaît.
Mon Dieu! si jeune hier, aujourd'hui je succombe.
C'est toi qui m'as tué, ton beau corps est ma tombe.
Mes baisers sur ta lèvre en ont usé le seuil.
De tes longs cheveux noirs tu m'as fait un linceul.
Eloigne ces flambeaux, - entr'ouvre la fenêtre.
Laisse entrer le soleil, c'est mon dernier peut-être.
Laisse-le-moi chercher, laisse-moi dire adieu
A ce beau ciel si pur qu'il a fait croire en Dieu!
Belcolore
Pourquoi me gardes-tu, si c'est moi qui te tue,
Et si tu te crois mort pour deux nuits de plaisir?
Frank
Tous les amants heureux ont parlé de mourir.
Toi, me tuer, mon Dieu! Du jour où je t'ai vue,
Ma vie a commencé; le reste n'était rien;
Et mon coeur n'a jamais battu que sur le tien.
Tu m'as fait riche, heureux, tu m'as ouvert le monde.
Regarde, ô mon amour! quelle superbe nuit!
Devant de tels témoins, qu'importe ce qu'on dit,
Pourvu que l'âme parle, et que l'âme réponde?
L'ange des nuits d'amour est un ange muet.
Belcolore
Combien as-tu gagné ce soir au lansquenet?
Frank
Qu'importe? Je ne sais. - Je n'ai plus de mémoire.
Voyons, - viens dans mes bras, - laisse-moi t'admirer. -
Parle, réveille-moi, - conte-moi ton histoire.
Quelle superbe nuit! - je suis prêt à pleurer.
Belcolore
Si tu veux t'éveiller, dis-moi plutôt la tienne.
Frank
Nous sommes trop heureux pour que je m'en souvienne.
Que dirais-je, d'ailleurs? Ce qui fait les récits,
Ce sont des actions, des périls, dont l'empire
Est vivace, et résiste à l'heure des oublis.
Mais moi qui n'ai rien vu, rien fait, qu'ai-je à te dire?
L'histoire de ma vie est celle de mon coeur;
C'est un pays étrange où je fus voyageur.
Ah! soutiens-moi le front, la force m'abandonne!
Parle, parle, je veux t'entendre jusqu'au bout.
Allons, un beau baiser, et c'est moi qui le donne,
Un baiser pour ta vie et qu'on me dise tout.
Belcolore, soupirant.
Ah! je n'ai pas toujours vécu comme l'on pense.
Ma famille était noble, et puissante à Florence.
On nous a ruinés; - ce n'est que le malheur
Qui m'a forcée à vivre aux dépens de l'honneur...
Mon coeur n'était pas fait...
Frank, se détournant.
Toujours la même histoire!
Voici peut-être ici la vingtième catin
A qui je la demande, et toujours ce refrain!
Qui donc ont-elles vu d'assez sot pour y croire?
Mon Dieu! dans quel bourbier me suis-je donc jeté?
J'avais cru celle-ci plus forte, en vérité!
Belcolore
Quand mon père mourut...
Frank
Assez, je t'en supplie.
Je me ferai conter le reste par Julie
Au premier carrefour où je la trouverai.
(Tous deux restent en silence quelque temps.)
Dis-moi, ce fameux jour que tu m'as rencontré,
Pourquoi, par quel hasard, - par quelle sympathie,
T'es-tu de m'emmener senti la fantaisie?
J'étais couvert de sang, poudreux, et mal vêtu.
Belcolore
Je te l'ai déjà dit, tu t'étais bien battu.
Frank
Parlons sincèrement, je t'ai semblé robuste.
Tes yeux, ma chère enfant, n'ont pas deviné juste.
Je comprends qu'une femme aime les portefaix;
C'est un goût comme un autre, il est dans la nature.
Mais moi, si j'étais femme, et si je les aimais,
Je n'irais pas chercher mes gens à l'aventure;
J'irais tout simplement les prendre aux cabarets;
J'en ferais lutter six, et puis je choisirais.
Encore un mot: cet homme à qui je t'ai volée
T'entretenait sans doute, - il était ton amant.
Belcolore
Oui.
Frank
- Cette affreuse mort ne t'a pas désolée?
Cet homme, il m'en souvient, râlait horriblement.
L'oeil gauche était crevé, - le pommeau de l'épée
Avait ouvert le front, - la gorge était coupée.
Sous les pieds des chevaux l'homme était étendu.
Comme un lierre arraché qui rampe et qui se traîne
Pour se suspendre encore à l'écorce d'un chêne,
Ainsi ce malheureux se traînait suspendu
Aux restes de sa vie. - Et toi, ce meurtre infâme
Ne t'a pas de dégoût levé le coeur et l'âme?
Tu n'as pas dit un mot, tu n'as pas fait un pas!
Belcolore
Prétends-tu me prouver que j'aie un coeur de pierre?
Frank
Et ce que je te dis ne te le lève pas!
Belcolore
Je hais les mots grossiers - ce n'est pas ma manière.
Mais quand il n'en faut qu'un, je n'en dis jamais deux.
Frank, tu ne m'aimes plus.
Frank
Qui? moi? Je vous adore.
J'ai lu, je ne sais où, ma chère Belcolore,
Que les plus doux instants pour deux amants heureux,
Ce sont les entretiens d'une nuit d'insomnie,
Pendant l'enivrement qui succède au plaisir.
Quand les sens apaisés sont morts pour le désir;
Quand, la main à la main, et l'âme à l'âme unie,
On ne fait plus qu'un être, et qu'on sent s'élever
Ce parfum du bonheur qui fait longtemps rêver;
Quand l'amie, en prenant la place de l'amante,
Laisse son bien-aimé regarder dans son coeur,
Comme une fraîche source, où l'onde est confiante,
Laisse sa pureté trahir sa profondeur.
C'est alors qu'on connaît le prix de ce qu'on aime,
Que du choix qu'on a fait on s'estime soi-même,
Et que dans un doux songe on peut fermer les yeux!
N'est-ce pas, Belcolor? n'est-ce pas, mon amie?
Belcolore
Laisse-moi.
Frank
N'est-ce pas que nous sommes heureux? -
Mais, j'y pense! - il est temps de régler notre vie.
Comme on ne peut compter sur les jeux de hasard,
Nous piperons d'abord quelque honnête vieillard,
Qui fournira le vin, les meubles et la table.
Il gardera la nuit, et moi j'aurai le jour.
Tu pourras bien parfois lui jouer quelque tour,
J'entends quelque bon tour, adroit et profitable.
Il aura des amis que nous pourrons griser;
Tu seras le chasseur, et moi, le lévrier.
Avant tout, pour la chambre, une fille discrète,
Capable de graisser une porte secrète,
Mais nous la paierons bien; aujourd'hui tout se vend.
Quant à moi, je serai le chevalier servant.
Nous ferons à nous deux la perle des ménages.
Belcolore
Ou tu vas en finir avec tes persiflages,
Ou je vais tout à l'heure en finir avec toi.
Veux-tu faire la paix? Je ne suis pas boudeuse,
Voyons, viens m'embrasser.
Frank
Cette fille est hideuse...
Mon Dieu, deux jours plus tard, c'en était fait de moi!
(Il va s'appuyer sur la terrasse; un soldat passe à cheval sur la route.)
Le Soldat, chantant.
Un soldat qui va son chemin
Se raille du tonnerre.
Il tient son sabre d'une main,
Et de l'autre son verre.
Quand il meurt, on le porte en terre
Comme un seigneur.
Son coeur est à son amie,
Son bras est à sa patrie,
Et sa tête à l'empereur.
Frank, l'appelant.
Holà, l'ami! deux mots. - Vous semblez un compere
De bonne contenance, et de joyeuse humeur.
Vos braves compagnons vont-ils entrer en guerre?
Dans quelle place forte est donc votre empereur?
Le Soldat
A Glurens. - Dans deux jours nous serons en campagne.
Je rejoins de ce pas ma corporation.
Frank
Venez-vous de la plaine, ou bien de la montagne?
Connaissez-vous mon père, et savez-vous mon nom?
Le Soldat
Oh! je vous connais bien. - Vous êtes du village
Vis-à-vis le moulin. - Que faites-vous donc là?
Venez-vous avec nous?
Frank
Oui, certe, et me voilà.
(Il descend dans le chemin)
Je ne me suis pas mis en habit de voyage;
Vous me prêterez bien un vieux sabre là-bas?
(A Belcolore.)
Adieu, ma belle enfant, je ne souperai pas.
Le Soldat
On vous équipera. - Montez toujours en croupe.
Parbleu! compagnon Frank, vous manquiez à la troupe.
Ah! çà! dites-moi donc, tout en nous en allant,
S'il est vrai qu'un beau soir...
(Ils partent au galop.)
Belcolore, sur le balcon.
Je l'aime cependant.
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Alfred De Musset (1810-1857) Acte second Scène I. Scène III.
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