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 Gérard De Nerval (1808-1855) La mer IV

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Inaya
Plume d'Eau
Inaya


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Gérard De Nerval (1808-1855) La mer  IV Empty
MessageSujet: Gérard De Nerval (1808-1855) La mer IV   Gérard De Nerval (1808-1855) La mer  IV Icon_minitimeJeu 30 Aoû - 23:42

IV

La mer est calme; le soleil reflète ses rayons dans l'eau, et sur la surface
onduleuse et argentée le navire trace des sillons glauques.
Le bosseman est couché sur le ventre, près du gouvernail, et ronfle légèrement.
Près du grand mât, raccommodant des voiles, est accroupi le mousse goudronné.
Sa rougeur perce à travers la crasse de ses joues, sa large bouche est agitée de
tressaillements nerveux et il regarde tristement avec ses grands beaux yeux.
Car le capitaine se tient devant lui, tempête et jure, et le traite de voleur.
"Coquin! tu m'as volé un hareng, sur la tonne!"
La mer est calme! un petit poisson monte à la surface de l'onde, chauffe sa
petite tête au soleil et remue joyeusement l'eau avec sa queue.
Cependant, du haut des airs, la mouette fond sur le petit poisson, et, sa proie
frétillante dans le bec, s'élève et plane dans l'azur du ciel.
J'étais couché au bord du vaisseau et je regardais, les yeux rêveurs, dans le
clair miroir de l'eau, et je regardais de plus en plus avant, lorsque au fond de
la mer j'aperçus, d'abord comme une brume crépusculaire, puis peu à peu avec des
couleurs distinctes, des coupoles et des tours, et, enfin, éclairée par le
soleil, toute une antique ville belge remplie de vie et de mouvement. Des hommes
âgés, enveloppés de manteaux noirs, avec des fraises blanches et des chaînes
d'honneur, de longues épées et de longues figures, se promènent sur la place du
marché, près de l'hôtel de ville auquel conduit un grand escalier, et où des
empereurs de pierre veillent avec des sceptres et des épées. Non loin de là,
devant une longue file de maisons aux vitres brillantes, sous des tilleuls
taillés en pyramides, se promènent, avec des frôlements soyeux, de jeunes
femmes, de sveltes beautés dont les visages de roses sont décemment enveloppés
de coiffes noires et dont les cheveux blonds ruissellent en boucles d'or. Une
foule de beaux messieurs, costumés à l'espagnole, se pavanent près d'elles et
leur lancent des oeillades. Des femmes âgées, vêtues d'habits bruns et hors
d'âge, un livre d'heures et un rosaire dans les mains, se dirigent à pas menus
vers le grand dôme, attirées par le son des cloches et le bruit de l'orgue.
A ces sons lointains, un secret frisson s'empare de moi! D'infinis désirs, une
profonde tristesse, envahissent mon coeur, mon coeur à peine guéri; - il me
semble que mes blessures, pressées par des lèvres chéries, saignent de nouveau,
- de chaudes, de rouges gouttes tombent lentement, une à une, sur une vieille
maison au pignon élevé qui semble veuve de tous ses habitants, et à une fenêtre
basse de laquelle, cependant, une jeune fille assise appuie sa tête sur son
bras, comme une pauvre enfant oubliée! - et je te connais, pauvre enfant
oubliée!
Si loin, au fond de la ruer même, tu t'es cachée de moi, dans un accès d'humeur
enfantine, et tu n'as pas pu remonter, et tu t'es assise, étrangère parmi des
étrangers, durant un siècle, pendant que moi, l'âme pleine de chagrin, je te
cherchais par toute la terre, et toujours je te cherchais, toi toujours aimée,
depuis si longtemps aimée, toi que j'ai retrouvée enfin. Je t'ai retrouvée et je
revois ton doux visage, tes yeux intelligents et aimés, ton cher sourire, et
jamais je ne te quitterai plus, et je viens à toi, et, les bras ouverts, je me
précipite sur ton coeur.
Mais le capitaine me saisit à temps par le pied et, me tirant sur le bord du
vaisseau, me dit en riant d'un ton bourru: "Docteur, êtes-vous au diable?"
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Gérard De Nerval (1808-1855) La mer IV
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