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 Denis Diderot. (1713-1784) LETTRE DE MADAME MADIN À M. LE MARQUIS DE CROISMARE.

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Denis Diderot. (1713-1784)    LETTRE DE MADAME MADIN À M. LE MARQUIS DE CROISMARE. Empty
MessageSujet: Denis Diderot. (1713-1784) LETTRE DE MADAME MADIN À M. LE MARQUIS DE CROISMARE.   Denis Diderot. (1713-1784)    LETTRE DE MADAME MADIN À M. LE MARQUIS DE CROISMARE. Icon_minitimeLun 3 Sep - 0:13



LETTRE DE SOEUR SUZANNE À M. LE MARQUIS DE CROISMARE.

Monsieur, maman Madin m'a remis les deux réponses dont vous m'avez
honorée, et m'a fait part aussi de la lettre que vous lui avez écrite.
J'accepte, j'accepte. C'est cent fois mieux que je ne mérite; oui, cent
fois, mille fois mieux. J'ai si peu de monde, si peu d'expérience, et je
sens si bien tout ce qu'il me faudrait pour répondre dignement à votre
confiance; mais j'espère tout de votre indulgence, de mon zèle et de ma
reconnaissance. Ma place me fera, et maman Madin dit que cela vaut mieux
que si j'étais faite à ma place. Mon Dieu! que je suis pressée d'être
guérie, d'aller me jeter aux pieds de mon bienfaiteur, et de le servir
auprès de sa chère fille en tout ce qui dépendra de moi! On me dit que
ce ne sera guère avant un mois. Un mois! c'est bien du temps. Mon cher
monsieur, conservez-moi votre bienveillance. Je ne me sens pas de joie;
mais ils ne veulent pas que j'écrive, ils m'empêchent de lire, ils me
tiennent au lit, ils me noient de tisane, ils me font mourir de faim, et
tout cela pour mon bien. Dieu soit loué! C'est pourtant bien malgré moi
que je leur obéis.

Je suis, avec un coeur reconnaissant, monsieur, votre très-humble et
soumise servante,

Signé: SUZANNE SIMONIN.

À Paris, ce 3 mars 1760.










LETTRE DE MADAME MADIN À M. LE MARQUIS DE CROISMARE.

Monsieur, la guérison de notre chère malade est assurée: plus de fièvre,
plus de mal de tête, tout annonce la convalescence la plus prompte et la
meilleure santé. Les lèvres sont encore un peu pâles; mais les yeux
reprennent de l'éclat. La couleur commence à reparaître sur les joues;
les chairs ont de la fraîcheur et ne tarderont pas à reprendre leur
fermeté; tout va bien depuis qu'elle a l'esprit tranquille. C'est à
présent, monsieur, qu'elle sent le prix de votre bienveillance; et rien
n'est plus touchant que la manière dont elle s'en exprime. Je voudrais
bien pouvoir vous peindre ce qui se passa entre elle et moi lorsque je
lui portai vos dernières lettres. Elle les prit, les mains lui
tremblaient; elle respirait avec peine en les lisant; à chaque ligne
elle s'arrêtait; et, après avoir fini, elle me dit, en se jetant à mon
cou, et en pleurant à chaudes larmes: «Eh bien! madame Madin, Dieu ne
m'a donc pas abandonnée; il veut donc enfin que je sois heureuse. Oui,
c'est Dieu qui m'a inspiré de m'adresser à ce cher monsieur: quel autre
au monde eût pris pitié de moi? Remercions le ciel de ces premières
grâces, afin qu'il nous en accorde d'autres.» Et puis elle s'assit sur
son lit, et elle se mit à prier; ensuite, revenant sur quelques endroits
de vos lettres, elle dit: «C'est sa fille qu'il me confie. Ah! maman,
elle lui ressemblera; elle sera douce, bienfaisante et sensible comme
lui.» Après s'être arrêtée, elle dit avec un peu de souci: «Elle n'a
plus de mère! Je regrette de n'avoir pas l'expérience qu'il me faudrait.
Je ne sais rien, mais je ferai de mon mieux; je me rappellerai le soir
et le matin ce que je dois à son père: il faut que la reconnaissance
supplée à bien des choses. Serai-je encore longtemps malade? Quand
est-ce qu'on me permettra de manger? Je ne me sens plus de ma chute,
plus du tout.» Je vous fais ce petit détail, monsieur, parce que
j'espère qu'il vous plaira. Il y avait dans son discours et son action
tant d'innocence et de zèle, que j'en étais hors de moi. Je ne sais ce
que je n'aurais pas donné pour que vous l'eussiez vue et entendue. Non,
monsieur, ou je ne me connais à rien, ou vous aurez une créature unique,
et qui fera la bénédiction de votre maison. Ce que vous avez eu la bonté
de m'apprendre de vous, de mademoiselle votre fille, de monsieur votre
fils, de votre situation, s'arrange parfaitement avec ses voeux. Elle
persiste dans les premières propositions qu'elle vous a faites. Elle ne
demande que la nourriture et le vêtement, et vous pouvez la prendre au
mot si cela vous convient: quoique je ne sois pas riche, le reste sera
mon affaire. J'aime cette enfant, je l'ai adoptée dans mon coeur; et le
peu que j'aurai fait pour elle de mon vivant lui sera continué après ma
mort. Je ne vous dissimule pas que ces mots d'être son pis-aller et de
la laisser libre d'accepter mieux si l'occasion s'en présente, lui ont
fait de la peine; je n'ai pas été fâchée de lui trouver cette
délicatesse. Je ne négligerai pas de vous instruire des progrès de sa
convalescence; mais j'ai un grand projet dans lequel je ne désespérerais
pas de réussir pendant qu'elle se rétablira, si vous pouviez m'adresser
à un de vos amis: vous devez en avoir beaucoup ici. Il me faudrait un
homme sage, discret, adroit, pas trop considérable, qui approchât par
lui ou par ses amis de quelques grands que je lui nommerais, et qui eût
accès à la cour sans en être. De la manière dont la chose est arrangée
dans mon esprit, il ne serait point mis dans la confidence; il nous
servirait sans savoir en quoi: quand ma tentative serait infructueuse,
nous en tirerions au moins l'avantage de persuader qu'elle est en pays
étranger. Si vous pouvez m'adresser à quelqu'un, je vous prie de me le
nommer, et de me dire sa demeure, et ensuite de lui écrire que Mme
Madin, que vous connaissez depuis longtemps, doit venir lui demander un
service, et que vous le priez de s'intéresser à elle, si la chose est
faisable. Si vous n'avez personne, il faut s'en consoler; mais voyez,
monsieur. Au reste, je vous prie de compter sur l'intérêt que je prends
à notre infortunée, et sur quelque prudence que je tiens de
l'expérience. La joie que votre dernière lettre lui a causée, lui a
donné un petit mouvement dans le pouls; mais ce ne sera rien.

J'ai l'honneur d'être, avec les sentiments les plus respectueux,
monsieur, votre très-humble et très-obéissante servante,

Signé: MOREAU-MADIN.

À Paris, ce 3 mars 1760.

L'idée de Mme Madin de se faire adresser à un des amis du généreux
protecteur de soeur Suzanne, était une suggestion de Satan, au moyen de
laquelle ses suppôts espéraient inspirer adroitement à leur ami de
Normandie de s'adresser à moi et de me mettre dans la confidence de
toute cette affaire; ce qui réussit parfaitement, comme vous verrez par
la suite de cette correspondance.
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